Plaies et cicatrisation

Panser… demain !

Publié le 30/11/2017
Le pansement n’est plus qu’un simple système de protection cutanée. Grâce à une meilleure connaissance de la physiologie de la cicatrisation, ces dispositifs ne cessent de gagner en technologie pour offrir les conditions idéales à une cicatrisation optimale. Mais à quoi ressembleront-ils demain ?
Plaies-cicatrisation

Plaies-cicatrisation
Crédit photo : Fotolia

Au début des années 1980, l’arrivée des hydrocolloïdes avait révolutionné la prise en charge des plaies. Conçus pour favoriser la cicatrisation en milieu humide, ces pansements, généralement dénommés « modernes » (1), avaient ouvert la voie au développement de nombreux dispositifs, offrant aujourd’hui des solutions adaptées à chaque type de plaie.

La cicatrisation : une dynamique en trois phases

La cicatrisation est une succession d’activités cellulaires spécifiques qui font progresser le processus de réparation selon des séquences chronologiques précises et imbriquées les unes dans les autres (2).
Elle se déroule en trois phases :
– Détersion : élimination des tissus dévitalisés (nécrotiques, fibrineux) destinée à assainir la plaie et à prévenir le risque infectieux.
– Bourgeonnement : apparition d’une néovascularisation et création d’un nouveau tissu conjonctif pour aboutir au comblement de la plaie.
– Épidermisation : phase de maturation cellulaire et de développement de la cicatrice.
Grâce à une meilleure connaissance du processus cicatriciel, la recherche a permis d’aboutir à des dispositifs ayant une action spécifique sur une ou plusieurs phases. Ainsi, pour diminuer la durée de la phase de détersion et la rendre la plus complète possible, des dispositifs irrigo-absorbants sont utilisés pour leurs capacités à déterger par irrigation tout en absorbant les exsudats. D’autres pansements, comme certains hydrocellulaires, vont agir sur les phases de bourgeonnement ou d’épidermisation en permettant de concentrer trois fois plus de facteurs de croissance au sein de la plaie dans le but d’accélérer la cicatrisation.
Des solutions de plus en plus techniques sont disponibles aujourd’hui pour adapter au mieux les soins à chaque cas. Parallèlement, la recherche dans ce domaine fait preuve d’un dynamisme étonnant et éclectique !
 

De l’œuf ou du poisson

Des chercheurs de la Bradford Royal Infirmary (National Institute for Health Research, Royaume-Uni) s’intéressent de près aux œufs, ou plus particulièrement à une membrane présente dans la coquille. L’idée est d’en utiliser la forte teneur en zinc pour renforcer le système immunitaire et favoriser la régénération des tissus (3). Au Brésil, c’est avec du poisson que les essais cliniques sont réalisés. Cinquante-deux patients souffrant de brûlures superficielles ou du second degré se sont vu appliquer des pansements de peau de tilapia dont l’importante teneur en collagène de type 1 et 3 favoriserait la cicatrisation (4).
 

Des colles biocompatibles

De nouvelles solutions pourraient venir de supports moins « rigides ». Une équipe de chercheurs de l’université de Harvard (États-Unis) a conçu une colle non toxique pouvant être utilisée sur la peau et les organes. La formule de cet adhésif est inspirée de... la bave de limace ! D’après l’un des coauteurs, « cet hydrogel permet des niveaux d’adhérence plus élevés que les adhésifs traditionnels, en résistant au sang et au mouvement, ce qui le rend compatible avec un usage in vivo » (5). Une autre étude publiée le mois dernier a montré des résultats positifs obtenus par un hydrogel utilisant les propriétés élastiques de la protéine tropoélastine humaine pour sceller des incisions chirurgicales dans les vaisseaux sanguins chez les rats et dans les poumons chez les porcs, sans preuve de fuite ou de rupture (6).
 

Des détecteurs antibactériens

Au Royaume-Uni, des chercheurs de l’université de Bath ont mis au point un prototype de pansement capable de détecter la présence de bactéries pathogènes et de la signaler en quelques minutes en devenant fluorescent. Éminemment intéressant quand on sait les retards de cicatrisation et d’épithélialisation engendrés par les infections locales. De belles perspectives pour la lutte contre les infections post-chirurgicales (7).
 

Des pansements connectés

De nombreux laboratoires voient dans la high-tech des sources d’innovation. En France, des recherches sont menées sur l’intérêt de capteurs de compression pour accélérer la cicatrisation des ulcères de jambe. Le principe est d’insérer, entre les bandes de compression et la couche en contact avec la plaie, un système électronique permettant de récupérer les mesures de compression. L’analyse et le suivi des données recueillies permettraient alors de maintenir une compression optimale à la guérison (8). De l’autre côté de l’Atlantique, les ingénieurs de l’université du Nebraska à Lincoln, de l’université de Harvard et du MIT testent actuellement un dispositif capable de libérer des médicaments contenus dans un hydrogel. Grâce à une impulsion, le microcontrôleur envoie un courant à travers certaines fibres présentes sous l’hydrogel, signal qui délivre un principe actif en fonction de la dose ou plusieurs médicaments aux profils de libération différents (9).
 

De la lumière

Au niveau européen, des universités allemandes, des entreprises de microélectronique et un laboratoire pharmaceutique travaillent ensemble sur un projet de photothérapie pour suivre, voire soigner, les plaies à l’aide de rayons lumineux diffusés par des diodes électroluminescentes. Le principe serait qu’à des doses différentes la lumière pourrait avoir un effet antimicrobien et de stimulation de la cicatrisation (8).
En effet, portée par le vieillissement de la population, l’accroissement de maladies chroniques et l’essor de l’ambulatoire, l’innovation dans le domaine de la prise en charge des plaies foisonne tous azimuts ! Toutefois, au-delà des projections féériques envisageables en matière d’amélioration de la qualité des soins, il convient d’être plus réaliste en termes d’applications concrètes et d’emploi, qui seront, entre autres, liées à leur coût d’utilisation.
 
Marie Spartes


 
(1) Haute Autorité de santé (HAS). Les pansements – Indications et utilisations recommandées. Bon usage des technologies médicales. 2011.
(2) Pissondes AL. Plaies et cicatrisation. Des schémas de soins toujours différents. Professions Santé Infirmier Infirmière. 2004;52:19-20.
(3) Bradford Teaching Hospitals. Could Bradford researchers help crack egg-ceptional discovery? [en ligne]. [Consulté le 27/11/2017]. Disponible à l’adresse :
https://www.bradfordhospitals.nhs.uk/could-bradford-researchers-help-cr…
(4) SciencePost. Les grands brûlés pourraient être soignés grâce à… de la peau de poisson [en ligne]. [Consulté le 27/11/2017]. Disponible à l’adresse :
http://sciencepost.fr/2017/03/pansements-a-partir-de-peau-de-poisson-gr…
(5) Li J, Celiz AD, Yang J et al. Tough adhesives for diverse wet surfaces. Science. 2017;357(6349):378-81.
(6) Annabi N, Zhang YN, Assmann A et al. Engineering a highly elastic human protein-based sealant for surgical applications. Sci Transl Med. 2017;9(410):eaai7466.
(7) Thet NT, Alves DR, Bean JE et al. Prototype Development of the Intelligent Hydrogel Wound Dressing and Its Efficacy in the Detection of Model Pathogenic Wound Biofilms. ACS Appl Mater Interfaces. 2016;8(24):14909-919.
(8) Sciences et Avenir. À Dijon, les futurs pansements « intelligents » d’Urgo prennent forme [en ligne]. [Consulté le 27/11/2017]. Disponible à l’adresse : https://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/a-dijon-les-futurs-pansements…
(9) Mostafalu P, Kiaee G, Giatsidis G et al. A Textile Dressing for Temporal and Dosage Controlled Drug Delivery. Adv Funct Mater. 2017;27(41):1702399-2408.



Innover, c’est aussi simplifier la pratique quotidienne
Outre leurs performances en termes de drainage et d’absorption, les évolutions technologiques ont engendré une simplification des soins ainsi qu’une amélioration du confort pour le soignant. En effet, la diminution d’adhérence des dispositifs à la plaie réduit les sensations douloureuses au retrait. À cela s’ajoutent l’inutilité de matériels de fixation supplémentaires pour maintenir le pansement et l’utilisation de kits à usage unique qui permettent de gagner en praticité et en qualité.


Source : lequotidiendupharmacien.fr
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