Anticoagulants

L’odyssée des AOD

Publié le 30/11/2015
Nés au XXIe siècle, les anticoagulants oraux directs (AOD) ont été une des actualités majeures de la pharmacopée de cette deuxième décennie. Ils représentent une alternative aux AVK dans la prise en charge des pathologies à risque thromboembolique artériel [accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique/embolie systémique (ES)] et veineux. Les AOD poursuivent leur développement et restent sous l’œil attentif des instances de tutelle dont l’objectif est le bon usage de ces médicaments pour un rapport bénéfice/risque optimal.

Face à la iatrogénie importante engendrée par les anticoagulants oraux de type antivitamine K (AVK) commercialisés il y a plusieurs dizaines d’années, de nouveaux anticoagulants ont été mis sur le marché français. Initialement dénommés « nouveaux anticoagulants oraux » (NACO) et, aujourd’hui, « anticoagulants oraux directs » (AOD), les AOD sont, selon les indications, une alternative aux antivitamines K (AVK) et/ou aux héparines de bas poids moléculaire (HBPM). Ils représentent une classe non homogène de molécules en termes de caractéristiques pharmacodynamiques et pharmacocinétiques. Alors que les AVK agissent comme des anticoagulants indirects entravant la synthèse des facteurs de la coagulation vitamine K-dépendants (facteurs PPSB : II prothrombine, VII proconvertine, X facteur Stuart et IX facteur antihémophilique B), les AOD sont des anticoagulants directs agissant de façon spécifique, en inhibant directement deux facteurs : la thrombine (facteur IIa) ou le facteur Stuart activé (Xa). Ainsi, sur le plan pharmacodynamique, les AOD s’opposent à la coagulation du sang en bloquant la transformation du fibrinogène en fibrine.

Arrivés sur le marché en France en 2008 dans la prévention des événements thromboemboliques veineux en chirurgie programmée de la hanche et du genou, les indications des AOD ont été élargies depuis :  à la prévention des accidents vasculaires cérébraux et des embolies systémiques chez les patients adultes avec fibrillation auriculaire non valvulaire ayant un ou plusieurs facteurs de risque vasculaires associés ;  au traitement des thromboses veineuses profondes (TVP) et des embolies pulmonaires et prévention des récidives de TVP et d’EP chez l’adulte.

Comme avec les autres anticoagulants, le risque hémorragique sous AOD existe.

Globalement, les incidences des événements hémorragiques rapportés au cours des essais cliniques sont comparables entre les AOD et la warfarine. Cependant, il a été observé que les AOD étaient associés à des taux d’hémorragies intracrâniennes plus faibles qu’avec la warfarine et des taux d’hémorragies gastro-intestinales plus élevés que ce même comparateur (1).

 

Étude « en vie réelle » du rapport bénéfice/risque à court terme

Les résultats des études de pharmaco-épidémiologie menées conjointement par l’ANSM (2) (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) et la CNAMTS (Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés) sont rassurants quant au rapport bénéfice/risque des AOD, dans le cadre de leurs indications. Selon le communiqué de l’ANSM, les résultats des études « ne montrent pas d’excès de risques hémorragique ou thrombotique artériel chez les patients commençant un traitement par AOD versus AVK dans les 90 premiers jours de traitement » et « ne montrent pas d’augmentation du risque d’événement hémorragique majeur chez les personnes qui passent d’un traitement AVK vers un AOD par rapport aux personnes qui restent sous AVK » après 4 mois de suivi.

Les résultats de l’analyse du critère principal des deux études confirment donc que le risque d’hémorragies majeures avec les AOD est comparable à celui des AVK. Par ailleurs, les résultats confirment également un risque comparable sur les critères secondaires : les risques d’AVC et d’embolies systémiques ainsi que les risques d’infarctus du myocarde (IDM).

 

Ces données sont en cohérence avec celles des registres mis en place dans différentes régions du monde. Dans son communiqué, l’ANSM souligne qu’il est « important de poursuivre la surveillance des risques liés à l’utilisation des AOD, d’observer l’évolution des comportements de prescription et d’utilisation des AOD au cours du temps. »

Agents de réversion spécifique d’un AOD

Trois antidotes injectables pour neutraliser l’effet des anticoagulants oraux directs (AOD) sont en cours d’évaluation. L’idarucizumab est un fragment d’anticorps monoclonal humanisé qui neutralise l’effet du dabigatran. Il a reçu un avis favorable de l’Agence européenne du médicament (EMA) et un avis favorable de l’ANSM pour une ATU de cohorte. L’andexanet alfa est une protéine humaine modifiée recombinant le facteur Xa. Elle réverse les inhibiteurs oraux directs (apixaban, édoxaban, rivaroxaban) et injectables indirects (énoxaparine, fondaparinux) du facteur Xa. L’aripazine est une petite molécule synthétique qui présente une activité potentiellement universelle de neutralisation de l’effet des anticoagulants.



Dr Sylvie Le Gac

(1) Rapport ANSM, juillet 2014. Les anticoagulants en France en 2014 : état des lieux, synthèse et surveillance. http://ansm.sante.fr

(2) Études NACORA (NACO et Risques Associés) et NACORA switch. Rapport ANSM, juin 2014. http://ansm.sante.fr.


Source : lequotidiendupharmacien.fr
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