Avant d’évoquer les objets connectés en 2017, revenons quelques années en arrière. Il y a quelques dizaines d’années, l’automesure préfigurait la démarche des objets connectés avec le contrôle de la glycémie au bout du doigt pour le suivi du diabète ou la prise de pression artérielle à domicile. La transmission des données au médecin se faisait par le patient par l’intermédiaire d’un carnet de suivi, avec même une expérimentation via le Minitel.
C’est en 1999 qu’est né le site Internet automesure.com – sous la houlette des Drs Nicolas Postel-Vinay et Guillaume Bobrie – qui avait pour objectif de favoriser l’automesure dans l’hypertension artérielle (HTA) et proposer, entre autres, d’évaluer les tensiomètres pour l’automesure. Depuis, le site a fortement évolué avec la multiplication des dispositifs connectés. Nous y reviendrons plus loin.
Puis, il y a eu les applications mobiles dans lesquelles le patient pouvait entrer ses données de santé mais sans connexion directe à des dispositifs de mesures. Et les objets se sont multipliés comme des petits pains, d’abord des simples podomètres, puis des dispositifs de plus en plus complexes.
Aujourd’hui, il faut clairement différencier les appareils plutôt à orientation bien-être (tous les trackers d’activité par exemple, même s’ils peuvent avoir un intérêt médical) de ceux qui servent dans le cadre de la surveillance d’une maladie, comme le diabète ou l’hypertension. Devant la multiplication des capteurs, il n’est pas facile de s’y retrouver. Il faut se fonder sur 3 critères : l’utilité de l’objet, la fiabilité du capteur et les données scientifiques permettant d’interpréter les mesures.
Dans le bien-être, un tri s’impose. On se posera la question de l’utilité d’une brosse à dents ou d’un biberon connectés (présentés récemment par Philips).
Côté surveillance des maladies chroniques, en revanche, nous notons des avancées importantes. L’exemple du diabète est significatif avec, notamment, le remboursement par l’Assurance Maladie d’un premier système connecté de surveillance du diabète de type 1 : le système Freestyle libre (Abbott). Plus besoin de surveiller sa glycémie au bout du doigt, le capteur mesure quasi en permanence la concentration de glucose dans le liquide interstitiel proche du capteur. Un lecteur permet de relever ces données qui sont directement accessibles par les médecins. Avant prescription (obligatoirement faite par un diabétologue ou un pédiatre), les patients doivent avoir reçu une formation spécifique leur permettant d’acquérir la maîtrise de l’application du capteur et d’apprendre à interpréter et utiliser les informations fournies par le système (1).
À noter qu’une application mobile Diabeo (Sanofi) a également reçu un avis favorable de la Haute Autorité de santé (HAS) pour un remboursement (2). Allons-nous voir se multiplier la prise en charge par l’Assurance Maladie d’objets connectés ? Capteur de CO, rythme cardiaque, pression artérielle, etc., voire même soutiens-gorge ou tee-shirts connectés !
Pour y pallier, un label éthique pour le big data en santé a été créé : l’Adel (Algorithm Data Ethics Label) (http://www.adel-label.com), mais il est encore très peu utilisé.
Sans aller vers le roman d’anticipation à la Robin Cook (5), il existe des inquiétudes sur des dérives possibles avec les assureurs et mutuelles santé.
Pour le moment, nous voyons apparaître des réductions sur les contrats mais pas encore de malus. Récemment, un géant américain de l’assurance santé a souhaité proposer des montres connectées (Apple) à prix réduits à ses assurés, mais pour le moment Apple ne veut pas que les données stockées soient accessibles par l’assureur. Les discussions sont en cours, la perspective de la vente de plusieurs millions de montres pourrait faire changer d’avis Apple.
Une fois que l’on aura démontré que les objets connectés apportent un plus aux patients, à leur entourage et aux soignants, les professionnels de santé devront s’approprier ces évolutions.
Comme on l’a vu pour le diabète, le médecin devient prescripteur et le pharmacien délivre des objets connectés. Il faut de plus en plus pouvoir s’y retrouver. La HAS (ou tout autre organisme) doit-elle évaluer tous les dispositifs médicaux connectés ? Créer un label ? Ces questions restent ouvertes. Deux choses sont certaines : les développements d’objets santé connectés doivent se faire avec les professionnels de santé, de même que l’analyse des données issues de ces objets connectés ne remplaceront pas l’expertise scientifique, quelle que soit l’intelligence artificielle qui sera connectée à ces dispositifs !
(1) Haute Autorité de santé (HAS). Avis de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS). FREESTYLE LIBRE [en ligne]. [Consulté le 01/09/2017]. Disponible à l’adresse : https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2657325/fr/freestyle-libre
(2) Haute Autorité de santé (HAS). Avis de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS). Solution DIABEO [en ligne]. [Consulté le 01/09/2017]. Disponible à l’adresse : https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2657551/fr/solution-diabeo
(3) Plante TB, Urrea B, MacFarlane ZT et al. Validation of the Instant Blood Pressure Smartphone App. JAMA Intern Med. 2016;176(5):700-2.
(4) Postel-Vinay N, Bobrie G, Ruelland A et al. Automated interpretation of home blood pressure assessment (Hy-Result software) versus physician’s assessment: a validation study. Blood Press Monit. 2016;21(2):111-7.
(5) Cook R. Prescription mortelle. Paris : Albin Michel ; 2014.
(6) Brouard B, Chieh A, Lelong H, Menai M. Lb01.09: Study of a large cohort of connected devices users to assess the association between walking and blood pressure. J Hypertens. 2015;33 Suppl 1:e47.
(7) Servy H, Jacquemin C, Molto A et al. Utilisabilité d’objets connectés en recherche clinique et épidémiologique : résultats d’une étude multicentrique française sur 177 patients en rhumatologie. Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique. 2017;65 Suppl 3:S119.
C’est en 1999 qu’est né le site Internet automesure.com – sous la houlette des Drs Nicolas Postel-Vinay et Guillaume Bobrie – qui avait pour objectif de favoriser l’automesure dans l’hypertension artérielle (HTA) et proposer, entre autres, d’évaluer les tensiomètres pour l’automesure. Depuis, le site a fortement évolué avec la multiplication des dispositifs connectés. Nous y reviendrons plus loin.
Puis, il y a eu les applications mobiles dans lesquelles le patient pouvait entrer ses données de santé mais sans connexion directe à des dispositifs de mesures. Et les objets se sont multipliés comme des petits pains, d’abord des simples podomètres, puis des dispositifs de plus en plus complexes.
Aujourd’hui, il faut clairement différencier les appareils plutôt à orientation bien-être (tous les trackers d’activité par exemple, même s’ils peuvent avoir un intérêt médical) de ceux qui servent dans le cadre de la surveillance d’une maladie, comme le diabète ou l’hypertension. Devant la multiplication des capteurs, il n’est pas facile de s’y retrouver. Il faut se fonder sur 3 critères : l’utilité de l’objet, la fiabilité du capteur et les données scientifiques permettant d’interpréter les mesures.
Dans le bien-être, un tri s’impose. On se posera la question de l’utilité d’une brosse à dents ou d’un biberon connectés (présentés récemment par Philips).
Côté surveillance des maladies chroniques, en revanche, nous notons des avancées importantes. L’exemple du diabète est significatif avec, notamment, le remboursement par l’Assurance Maladie d’un premier système connecté de surveillance du diabète de type 1 : le système Freestyle libre (Abbott). Plus besoin de surveiller sa glycémie au bout du doigt, le capteur mesure quasi en permanence la concentration de glucose dans le liquide interstitiel proche du capteur. Un lecteur permet de relever ces données qui sont directement accessibles par les médecins. Avant prescription (obligatoirement faite par un diabétologue ou un pédiatre), les patients doivent avoir reçu une formation spécifique leur permettant d’acquérir la maîtrise de l’application du capteur et d’apprendre à interpréter et utiliser les informations fournies par le système (1).
À noter qu’une application mobile Diabeo (Sanofi) a également reçu un avis favorable de la Haute Autorité de santé (HAS) pour un remboursement (2). Allons-nous voir se multiplier la prise en charge par l’Assurance Maladie d’objets connectés ? Capteur de CO, rythme cardiaque, pression artérielle, etc., voire même soutiens-gorge ou tee-shirts connectés !
Évaluer les objets connectés
Bien sûr, ces appareils devront être fiables (certifiés notamment avec le marquage CE) ou évalués scientifiquement (mais pas uniquement). Il faut également que des algorithmes scientifiques et validés permettent une interprétation de ces données ; voir par exemple une étude qui dénonce le manque de fiabilité de la mesure de pression artérielle avec son smartphone et sans tensiomètre publiée dans le JAMA (3). Et c’est là que l’on retrouve l’équipe de l’hôpital européen Georges-Pompidou (les créateurs d’auomesure.com). En effet, cette équipe a développé un logiciel de suivi de l’HTA : Hy-Result. Grâce à un algorithme scientifiquement validé et répondant aux données des recommandations, Hy-Result génère automatiquement une interprétation des résultats d’automesure de la pression artérielle en fonction du profil de l’utilisateur (âge, sexe, poids mais aussi traitement et comorbidités) (4). Hy-Result est disponible en ligne mais également intégré à un tensiomètre connecté, celui développé par la start-up française Withings (maintenant Nokia).Mais que deviennent les données de santé ?
Nous ne pouvons pas évoquer les données de santé sans parler d’éthique. Où vont ces données ? Qui y a accès ? À qui servent-elles ? Sont-elles anonymisées ? Et le respect du secret médical ? Autant de questions qui sont souvent sans réponses.Pour y pallier, un label éthique pour le big data en santé a été créé : l’Adel (Algorithm Data Ethics Label) (http://www.adel-label.com), mais il est encore très peu utilisé.
Sans aller vers le roman d’anticipation à la Robin Cook (5), il existe des inquiétudes sur des dérives possibles avec les assureurs et mutuelles santé.
Pour le moment, nous voyons apparaître des réductions sur les contrats mais pas encore de malus. Récemment, un géant américain de l’assurance santé a souhaité proposer des montres connectées (Apple) à prix réduits à ses assurés, mais pour le moment Apple ne veut pas que les données stockées soient accessibles par l’assureur. Les discussions sont en cours, la perspective de la vente de plusieurs millions de montres pourrait faire changer d’avis Apple.
Les big data vont-elles booster la recherche ?
Au-delà des problématiques d’éthique, les big data en santé ouvrent probablement une nouvelle ère pour la recherche. Quelques publications analysant des données collectées par des objets connectés ont déjà été faites. Par exemple, celle de cette équipe française qui a analysé les données de 19 000 utilisateurs de trackers pour savoir s’il y avait une corrélation entre le nombre de pas quotidiens et la pression artérielle (6) (pour ceux que cela intéresse, les conclusions des auteurs sont sans surprise : « Nos résultats montrent que l’activité physique améliore la santé et aide à réduire la pression artérielle. Ces résultats fournissent de nouvelles idées pour d’autres études non pharmacologiques utilisant des dispositifs connectés. »). Reste qu’il faut se méfier des biais de ce type de travaux.
En plus de l’analyse des big data, des études cliniques, dont ledesign reposera sur les objets connectés, vont se développer. Une autre équipe française a montré la faisabilité de telles études (7).Professionnels de santé : êtes-vous prêts ?
Pour conclure, encore une question : les professionnels de santé sont-ils prêts ? Beaucoup d’enquêtes montrent leur grande réticence à l’usage dans leurs pratiques des objets connectés.Une fois que l’on aura démontré que les objets connectés apportent un plus aux patients, à leur entourage et aux soignants, les professionnels de santé devront s’approprier ces évolutions.
Comme on l’a vu pour le diabète, le médecin devient prescripteur et le pharmacien délivre des objets connectés. Il faut de plus en plus pouvoir s’y retrouver. La HAS (ou tout autre organisme) doit-elle évaluer tous les dispositifs médicaux connectés ? Créer un label ? Ces questions restent ouvertes. Deux choses sont certaines : les développements d’objets santé connectés doivent se faire avec les professionnels de santé, de même que l’analyse des données issues de ces objets connectés ne remplaceront pas l’expertise scientifique, quelle que soit l’intelligence artificielle qui sera connectée à ces dispositifs !
Dr Olivier Chabot
(1) Haute Autorité de santé (HAS). Avis de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS). FREESTYLE LIBRE [en ligne]. [Consulté le 01/09/2017]. Disponible à l’adresse : https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2657325/fr/freestyle-libre
(2) Haute Autorité de santé (HAS). Avis de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS). Solution DIABEO [en ligne]. [Consulté le 01/09/2017]. Disponible à l’adresse : https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2657551/fr/solution-diabeo
(3) Plante TB, Urrea B, MacFarlane ZT et al. Validation of the Instant Blood Pressure Smartphone App. JAMA Intern Med. 2016;176(5):700-2.
(4) Postel-Vinay N, Bobrie G, Ruelland A et al. Automated interpretation of home blood pressure assessment (Hy-Result software) versus physician’s assessment: a validation study. Blood Press Monit. 2016;21(2):111-7.
(5) Cook R. Prescription mortelle. Paris : Albin Michel ; 2014.
(6) Brouard B, Chieh A, Lelong H, Menai M. Lb01.09: Study of a large cohort of connected devices users to assess the association between walking and blood pressure. J Hypertens. 2015;33 Suppl 1:e47.
(7) Servy H, Jacquemin C, Molto A et al. Utilisabilité d’objets connectés en recherche clinique et épidémiologique : résultats d’une étude multicentrique française sur 177 patients en rhumatologie. Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique. 2017;65 Suppl 3:S119.
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