Cas de comptoir
Le contexte : « Je crois que je suis allergique au bouleau, j’ai tous les signes ! Un conseil ? », demande M. J., par ailleurs sous alfuzosine.
Votre réponse : Les pollens du bouleau font partie des pollens les plus allergisants. Dans votre cas, il n’est pas recommandé de prendre des anti-histaminiques par voie orale. Commençons par un spray à base de corticoïdes ou de cromoglycate de sodium associés à des collyres, sans anti-histaminique, avec des solutions de lavage pour les yeux et le nez. Et l’exposition aux pollens de bouleau doit être limitée.
Définitions
- Allergie : Réaction inadaptée d’un organisme exposé à un allergène auquel il est sensible.
- Allergène : Substance à laquelle l’organisme a été antérieurement sensibilisé, génératrice de l’allergie.
- Conjonctivite : Inflammation de la conjonctive qui se traduit par une sensation de brûlure, de démangeaison ou de corps étranger, une hyperhémie, un œdème des paupières, une hypersécrétion, variable selon le type de conjonctivite.
- Pollen : Poussière faite de grains minuscules produits par les étamines des fleurs.
- Pollinose : Ensemble des manifestations pathologiques survenant lors du contact de grains de pollen avec une muqueuse spécifiquement sensibilisée : conjonctivale, nasale ou bronchique.
- Rhinite : Inflammation aiguë ou chronique de la muqueuse des fosses nasales. Prurit nasal, éternuement, rhinorrhée et obstruction nasale en sont les principaux symptômes.
Physiopathologie
La rhinite allergique saisonnière est causée par l’exposition aux pollens de la plante, qui varient selon la saison et la géographie. Ces aéroallergènes regroupent principalement les pollens de graminées (on parle alors de « rhume des foins »), d’herbes (ambroisie…) et d’arbres (aulne, bouleau, chêne, cyprès, genévrier, olivier…).
Une réaction allergique survient lorsque le système immunitaire produit une réponse anormale et disproportionnée lors d’un contact avec un allergène. Elle est souvent liée à des prédispositions génétiques et à des facteurs environnementaux. La première phase, dite phase d’immunisation primaire, est liée au premier contact avec l’antigène : les cellules dendritiques présentent l’antigène aux lymphocytes T qui orientent la réponse inflammatoire vers un profil Th2. Les lymphocytes B se différencient alors en plasmocytes, sous l’action de cytokines et chimiokines pro-inflammatoires, synthétisant des IgE spécifiques. Lors d’un nouveau contact avec l’allergène (phase de ré-exposition) l’interaction des antigènes avec les IgE et la libération de cytokines pro-Th2 par les lymphocytes T favorisent le recrutement et l’activation des cellules effectrices de la réaction allergique : les polynucléaires éosinophiles libèrent ainsi des médiateurs granulaires cytotoxiques et les mastocytes sécrètent l’histamine et des leucotriènes, responsables de l’hypersécrétion des glandes sous-muqueuses, de la vasodilatation et de l’hyperperméabilité vasculaire.
Le tableau clinique du patient allergique comprend des éternuements, une rhinorrhée, un prurit au niveau du nez, des yeux ou de la bouche, et une obstruction nasale ou sinusienne, pouvant être à l’origine de complications de type otite ou sinusite. Peuvent également survenir une toux et un wheezing (sifflement produit par le mouvement de l’air dans les voies respiratoires) sur un terrain asthmatique. La conjonctivite allergique se caractérise par un larmoiement, un prurit oculaire bilatéral, une hyperhémie conjonctivale et une photosensibilité.
Le plus souvent, le diagnostic de rhinite allergique est clinique. Des tests allergéniques peuvent être réalisés pour confirmer l’allergie : les tests cutanés ou prick-tests permettent de tester la réaction de la peau au contact d’une faible quantité d’allergènes. Les tests sanguins, réalisés en complément, détectent la présence d’IgE.
En chiffres
L’allergie respiratoire est la 4e pathologie dans le monde avec une fréquence qui ne cesse d’augmenter depuis ces dernières années. En France, elle touche une personne sur 4, rapporte l’assurance-maladie.
Les troubles peuvent commencer à tout âge, mais débutent le plus souvent à l’adolescence. Près d’un quart des personnes concernées se plaint que leur qualité de vie est dégradée.
Il existe une relation entre asthme et rhinite allergique : 80 % des asthmatiques présentent ou ont présenté une rhinite allergique. Un tiers des personnes ayant une rhinite allergique risquent de développer un asthme dans les dix ans.
1 personne sur 4 souffre d’allergie respiratoire en France
Conseils aux patients
La rhinite allergique est une pathologie bénigne mais qui nécessite un traitement adapté et de suivre des recommandations environnementales.
Éviter les déclencheurs
Pour éviter une exposition allergénique massive, plusieurs mesures sont à instaurer, dont, en tête, éviter les activités extérieures entraînant une surexposition aux pollens : entretien du jardin, tonte de la pelouse, activités sportives, surtout au moment des pics de pollution, promenades en forêt…
Le port du masque et de lunettes de soleil limitent l’exposition aux allergènes. Le soir, il est recommandé de rincer les cheveux et de nettoyer les yeux et le nez, avec du sérum physiologique ou de l’eau de mer, afin d’éliminer les pollens et les poussières. Le linge doit être de préférence séché à l’intérieur. En cas de déplacement en voiture, les vitres doivent rester fermées.
Il est important d’aérer le logement mais plutôt avant le lever ou après le coucher du soleil, et en gardant les fenêtres fermées la nuit. Pour les personnes ayant un jardin, il est conseillé de ne pas planter d’espèces allergisantes (cyprès, thuyas, bouleau…) et de ne pas tondre soi-même le gazon, ou alors en portant lunettes et masque de protection.
Enfin, il faut réduire l’exposition au tabac, à la pollution extérieure mais aussi intérieure, à l’origine d’une irritation des voies aériennes respiratoires (poussière, bougies, parfums et produits d’entretien).
Ne pas hésiter à donner les coordonnées des réseaux de surveillance des pollens afin de géolocaliser, en temps réel, l’arrivée des pollens et le niveau de risque (Réseau national de surveillance aérobiologique, Pollin’Air, etc.).
La rhinite allergique nécessite de suivre un traitement adapté et des recommandations environnementales.
La désensibilisation (immunothérapie allergénique)
Il s’agit d’administrer, pendant une période de trois ans minimum, des extraits d'allergènes à doses progressives afin de rendre le patient tolérant à l’allergène. Elle est indiquée en cas de rhinite allergique modérée à sévère non contrôlée par les traitements symptomatiques et les mesures d’éviction. Les résultats de la désensibilisation aux pollens sont plutôt bons avec une atténuation nette des symptômes pour environ 80 % des patients après quelques mois de traitement.
La désensibilisation se fait sous plusieurs formes : injections sous-cutanées, gouttes orales ou comprimés. Les injections sous-cutanées sont réalisées au moins une fois par semaine pendant 6 mois avec une augmentation progressive de la dose jusqu’à un palier. Cette dose sera ensuite administrée tous les mois pendant 3 à 5 ans. Les formes orales doivent être prises tous les jours pendant 6 mois et renouvelées pendant 3 à 5 ans également. Les premières administrations se font toujours sous surveillance médicale.
Ces traitements sont généralement bien tolérés. En cas de manifestations allergiques, il est conseillé de prendre des anti-histaminiques. Le traitement sera interrompu en cas d’effets indésirables graves (crise d’asthme, choc anaphylactique).
Attention enfin, la désensibilisation ne peut pas être proposée aux personnes ayant un déficit immunitaire, aux femmes enceintes, aux personnes ayant un asthme sévère et mal contrôlé, aux patients suivant un traitement avec un bêta-bloquant et chez les enfants de moins de cinq ans.
Direction le médecin
Au comptoir, si un patient demande un médicament anti-histaminique sans antécédent personnel de rhinite allergique, il est préférable de l’orienter vers un médecin afin de poser un diagnostic. Des critères de gravité imposent en outre une consultation médicale : antécédent d’asthme, grossesse, présence de sang dans les sécrétions nasales, présence de boutons ou de plaques rouges associés à des démangeaisons, gêne respiratoire, gonflement de la langue.
Notons que pour certaines structures d’exercice coordonné, il est possible d’appliquer le protocole de coopération « Renouvellement du traitement de la rhino-conjonctivite allergique saisonnière pour les patients de 15 à 50 ans. » En suivant le protocole national validé par la Haute Autorité de santé (HAS), le pharmacien renouvelle le traitement prescrit initialement par le médecin : anti-histaminique de deuxième génération par voie orale, corticoïdes locaux ou cromoglycate de sodium en pulvérisation nasale et collyre à base de cromone ou d’anti-histaminique.
Les produits du conseil
Solutions de lavage
Le premier conseil est d’insister sur l’élimination des pollens s’accrochant au niveau des cils et des muqueuses. Il est donc important de les éliminer grâce à des solutions de lavage : eau de mer pour le nez, sérum physiologique pour le nez et les yeux ou l’association acide borique/borate de sodium pour les yeux.
Les anti-histaminiques par voie orale
La cétirizine 10 mg et la loratadine 10 mg, en comprimés, peuvent être délivrées sans ordonnance pour une durée maximale de 7 jours, chez l’adulte et l’enfant à partir de 6 ans (parfois 12 ans selon les spécialités) ou de plus de 30 kg. Ce sont des antagonistes puissants et sélectifs des récepteurs H1 périphériques : ils présentent donc l’avantage d’être peu sédatifs et d’avoir une longue durée d’action, permettant une seule prise par jour. Ils sont efficaces sur le larmoiement, le prurit oculaire et la rhinorrhée.
Prudence chez les personnes souffrant d’épilepsie ou des facteurs de rétention urinaire avec la cétirizine qui est aussi contre-indiquée en cas d’insuffisance rénale sévère. Cette molécule est connue pour induire de la somnolence. La loratadine doit être évitée en cas d’insuffisance hépatique sévère. Un risque d’interactions médicamenteuses avec les inhibiteurs des cytochromes CYP3A4 ou CYP2D6 peut majorer le risque de survenue d’effets indésirables.
Penser à avertir les patients que ces antihistaminiques peuvent fausser les résultats des tests cutanés d’allergie. Le traitement sera donc arrêté au moins 48 heures (loratadine) ou 3 jours (cétirizine) avant d’effectuer les tests.
Les solutions nasales anti-allergiques
Il s’agit de solutions nasales, en spray, à base d’anti-histaminique (Allergodil solution nasale…), ou à base de corticoïdes comme de la béclométasone (Humex Rhume des foins…), ces dernières étant efficaces sur les symptômes de la rhinite allergiques, y compris les troubles oculaires, grâce à leur effet anti-inflammatoire.
Attention aux effets indésirables comme des saignements de nez, une irritation et une fragilisation de la muqueuse nasale, notamment en cas de traitement prolongé.
Enfin, il existe des solutions nasales à base de cromoglycate de sodium (Alairgix Rhume des foins), efficaces au bout de quelques jours de traitement. Il prévient la libération des médiateurs chimiques de l'anaphylaxie par stabilisation de la membrane du mastocyte. Une brève irritation nasale, peut survenir en début de traitement après pulvérisation. Une hypersensibilité au cromoglycate de sodium est possible.
Les collyres anti-allergiques
Ils sont indiqués en cas de symptômes oculaires (larmoiement, démangeaisons oculaires, rougeur, écoulement). Ils contiennent soit un anti-histaminique, la lévocabastine (Allergiflash), à administrer 1 à 2 fois par jour, soit du cromoglycate de sodium (Opticron…), jusqu’à 6 fois par jour.
Les formes unidoses, sans conservateur, sont à privilégier.
Le port de lentilles de contact est déconseillé pendant le traitement.
En complément
Pour les adeptes de l’homéopathie, un traitement de fond peut être proposé, à commencer un mois avant l’apparition des symptômes et à continuer pendant la période de circulation des pollens (Apis mellifica 15 CH, Pollens 15 CH et Poumon Histamine 15 CH, à raison de 5 granules de chaque le soir).
En traitement de fond peut être aussi proposé l’élément manganèse chez un patient présentant un terrain allergique. Il inhibe la sécrétion de l’histamine via la voie calcium-dépendante, métabolique et anti-oxydante car cofacteur d’une superoxyde-dismutase. Il est pris à raison d’une fois par semaine pendant plusieurs mois afin de diminuer les symptômes, voire de diminuer les traitements anti-allergiques.
Penser également au magnésium. Il agit en inhibant la libération de l’histamine. Il est préconisé de la prendre tous les jours, au dosage de 300 mg, en privilégiant les sels les mieux absorbés et tolérés comme le bisglycinate, le citrate ou l’aspartate.
Afin de renforcer les muqueuses épithéliales et de limiter l’inflammation, l’apport de zinc, d’anti-oxydants et des acides gras oméga-3 (DHA, EPA des petits poissons gras) peut être conseillé.
Des études suggèrent également le rôle des probiotiques, lactobacilles et bifidobactéries, dans la diminution du risque d’allergie.
Enfin, être attentifs aux réactions croisées entre aliments et pollens. L’exemple le plus fréquent est la survenue de réactions locales (gonflement de la lèvre, démangeaisons buccales) à l’ingestion d’une pomme crue chez une personne allergique au bouleau. Une protéine commune de la famille des PR10 est retrouvée dans le pollen des bétulacées et de certains aliments comme la pomme.
Testez-vous !
1. La rhinite allergique :
a) Est la 4e pathologie mondiale ;
b) Touche les enfants uniquement ;
c) Touche les femmes majoritairement ;
d) Peut induire de l’asthme.
2. Le conseil officinal de la rhinite allergique comprend :
a) Un anti-histaminique H2 ;
b) Un anti-histaminique H1 de première génération ;
c) Un traitement anti-histaminique H1 de deuxième génération ;
d) L’éviction des allergènes uniquement.
3. Les mesures de prévention contre les allergies au pollen sont :
a) Éviter de tondre la pelouse ;
b) Ne plus aérer son logement ;
c) Porter un masque et des lunettes de soleil en cas de sortie ;
d) Laver les cheveux, le nez et les yeux avant le coucher.
4. Les anti-histaminiques de deuxième génération :
a) Sont tous très sédatifs ;
b) Entraînent la réduction des éternuements uniquement ;
c) Doivent être délivrés sur ordonnance ;
d) En formes conseil, ne peuvent pas être donnés chez les enfants de moins de 6 ans.
Réponses : 1-a) d) ; 2- c) ; 3- a) c) d) ; 4- d)
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