Zoom sur l’actualité éclectique de la pneumologie

Des données big data à l’immunothérapie dans l’asthme sévère

Publié le 23/11/2017
Le congrès de la Société américaine de pathologies thoraciques ou ATS (American Thoracic Society) est un moment clé de la spécialité pneumologique, réunissant près de 14 000 cliniciens et chercheurs du monde entier.
Cet événement multidisciplinaire permet de diffuser les dernières données sur les pathologies pulmonaires (asthme, BPCO, cancers bronchiques, HTAP…).
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Crédit photo : fotolia

Lorsqu’on assiste à un congrès international d’une spécialité, il est très difficile d’être exhaustif, tant le nombre de « sous-spécialités » est important, le congrès de pneumologie de l’ATS ne déroge pas à cette règle. Ces morceaux choisis montrent la diversité, la richesse des communications ; cette actualité tous azimuts ouvre des perspectives tant cliniques que thérapeutiques.
 

BPCO et événements cardiovasculaires

Le mécanisme sous-jacent qui peut expliquer les liens entre BPCO et risque cardiovasculaire (RCV) est l’augmentation de la concentration de biomarqueurs inflammatoires circulants, en particulier lors des épisodes aigus d’exacerbations.
L’analyse secondaire des résultats de l’étude SUMMIT (Study to Understand Mortality and MorbidITy) présentée par le Dr Ken M. Kunisaki (Minneapolis, États-Unis) montre que le risque d’événements cardiovasculaires consécutifs à un épisode d’exacerbation aigu de BPCO est particulièrement élevé dans les 30 premiers jours suivant l’épisode aigu respiratoire (HR = 3,8) ; ce risque reste augmenté durant toute l’année (HR = 1,8) et n’est plus significatif au-delà d’un an (HR = 1,1).
Les patients inclus étaient des fumeurs ou anciens fumeurs, âgés de 40 à 80 ans, avec un volume expiratoire forcé 1 (VEF1)/une capacité vitale forcée ≤ 0,70, un VEF1 à 50 %-70 % de ce qui est attendu et une maladie cardiovasculaire (MCV) ou une augmentation du risque de MCV.
Même si ces données ne sont pas tout à fait nouvelles, SUMMIT est une étude robuste avec une bonne méthodologie qui a inclus un grand nombre de malades (n = 16 485) et donc ces résultats entérinent le lien entre exacerbations aiguës et RCV.
 

Syndrome d’apnée du sommeil, grossesse et données big data

Les femmes présentant un syndrome d’apnée du sommeil (SAS) sont plus à risque d’avoir des complications graves durant leur grossesse, des durées d’hospitalisation plus longues et sont admises plus fréquemment dans des unités de soins intensifs, comparativement aux autres femmes ne présentant pas de SAS. C’est le constat d’une nouvelle étude présentée par le Dr Ghada Bourjeily (université Brown, États-Unis) dans le cadre d’une session big data et reposant sur des données de plus de 1,5 million de femmes enceintes hospitalisées entre 2010 et 2014. Il y avait également une augmentation des complications sévères telles que des hystérectomies (+ 126 %), des cardiomyopathies (+ 259 %), des insuffisances cardiaques congestives (+263 %) et des œdèmes pulmonaires (+ 406 %) associés au diagnostic de SAS.
Le diagnostic de SAS durant la grossesse était associé à une augmentation du risque de complications spécifiques de la grossesse, c’est-à-dire de pré-éclampsies (+ 122 %) et éclampsies (+ 195 %). Le SAS était également associé à un risque plus élevé de diabètes gestationnels (+ 52 %).
« Cette étude prospective à large échelle donne une nouvelle dimension à ce constat. Ce qui est nouveau est que les personnes qui développent ces troubles cardiovasculaires au cours de la grossesse sont des patientes à risque chez qui préexistait un diabète et/ou une hypertension artérielle avant la grossesse. En revanche, il n’a pas été retrouvé de complications fœtales directement associées au SAS dans la mesure où l’hypotrophie qui est généralement retrouvée dans les précédentes publications n’a pas été mise en évidence dans cette étude », a commenté le Pr Jean-Claude Meurice (CHU, Poitiers).

L’immunothérapie, au rendez-vous de l’asthme sévère

Le benralizumab est un anticorps monoclonal humain anti-IL5 anti-éosinophile qui déclenche une déplétion directe, rapide et presque totale des éosinophiles. L’étude clinique ZONDA  (1) de phase III a évalué si l’administration du benralizumab permettait de réduire les doses de corticostéroïdes oraux (CSO), critère principal de l’étude, des patients asthmatiques sévères traités par de fortes doses de corticostéroïdes inhalés (CSI)/bêta-2-agonistes longue durée d’action (LABA) et des CSO. Le taux d’exacerbations annuel de l’asthme était un critère d’évaluation secondaire. Parmi les 220 patients qui ont été randomisés et qui ont reçu le traitement, 207 (94,1%) ont achevé le protocole thérapeutique. À la fin de l’étude (à 28 semaines), le benralizumab a réduit significativement les doses de CSO : 75% de réduction moyenne de la dose de CSO dans les bras benralizumab toutes les 4 semaines et 8 semaines (p < 0,001) comparativement au placebo (25 %) ; les chances de réduction des doses de CSO étaient 4 fois plus élevées pour les bras actifs 4 et 8 semaines (p < 0,001) par rapport au placebo. Parmi les autres résultats, 56 % (n = 22) des patients traités par benralizumab toutes les 4 semaines et 52 % (n = 22) des patients traités toutes les 8 semaines qui étaient éligibles à l’arrêt des CSO ont été sevrés de leurs CSO. Le benralizumab a également diminué de manière significative les taux d’exacerbations annuels de 55 % (dans le bras injection sous-cutanée toutes les 4 semaines ; p = 0,003) et de 70 % (dans le bras injection sous-cutanée toutes les 8 semaines ; p < 0,001) versus placebo, en dépit de la réduction des doses de CSO dans les groupes de traitements actifs.
 

Microbiote pulmonaire, préserver l’homéostasie pulmonaire

Le microbiote pulmonaire a été un des sujets de discussion de l’ATS. La perturbation de cet écosystème pulmonaire détermine la dysbiose dont le rôle dans le déclenchement de maladies respiratoires se précise. C’est un domaine de recherche en pleine émergence avec de nombreuses études centrées sur la comparaison entre les communautés bactériennes pulmonaires de sujets sains et celles de patients atteints de maladies pulmonaires chroniques comme l’asthme, la BPCO, la mucoviscidose, la fibrose pulmonaire idiopathique, le cancer pulmonaire, ou ayant subi une greffe de poumon. « Une cohabitation harmonieuse entre le microbiote et les cellules respiratoires est nécessaire à l’homéostasie pulmonaire définissant la symbiose respiratoire ; cette coopération permet d’avoir une immunité bénéfique et utile pour lutter contre les espèces pathogènes. La perturbation de cet équilibre détermine la dysbiose et favorise la survenue des maladies respiratoires infantiles qui vont à leur tour aggraver la dysbiose, entraînant ainsi un cercle vicieux fragilisant de plus en plus les poumons en les rendant susceptibles de développer une maladie respiratoire chronique (comme l’asthme, la BPCO, la fibrose pulmonaire idiopathique, etc.) chez l’adulte possédant par ailleurs un terrain prédisposant », a affirmé le Pr Anh Tuan Dinh-Xuan (hôpital Cochin, Paris).
 

HTAP : la description de la maladie veino-occlusive pulmonaire s’affine

La maladie veino-occlusive pulmonaire est individualisée au sein du groupe des hypertensions artérielles pulmonaires (HTAP), du fait de ses spécificités diagnostiques, pronostiques et de prise en charge. Cette maladie est caractérisée histologiquement par une atteinte prédominante au niveau veinulaire. Comme nous l’a expliqué le Pr Marc Humbert (hôpital Bicêtre, Kremlin-Bicêtre), « les patients atteints de cette maladie rare ont un pronostic sombre et sont à risque de développer des œdèmes pulmonaires sévères après initiation des traitements spécifiques de l’HTAP ». Le Pr David Montani (hôpital Bicêtre, Kremlin-Bicêtre) a analysé tous les cas de maladie pulmonaire en France et a présenté cette analyse au cours du congrès. Il a bien identifié 2 grandes entités de maladie veino-occlusive pulmonaire : la première, très sévère, concerne un groupe de patients très jeunes et survient dans un contexte familial, parfois dans un contexte de consanguinité, sa transmission étant autosomique récessive ; la seconde entité correspond à un groupe de patients plus âgés exposés à une chimiothérapie, en particulier à la mitomycine C ou ont été exposés à des toxiques professionnels, en particulier des solvants.
 

Expression de MPM-7 corrélée aux carcinomes bronchiques épidermoïdes

Les métalloprotéases sont une large famille d’enzymes protéolytiques impliquées dans la dégradation de différents composants de la matrice extracellulaire. Il y a de plus en plus d’arguments indiquant que les métalloprotéases matricielles (MPM) ont un rôle important dans l’invasion tumorale et la diffusion métastatique en favorisant la dégradation de la matrice extracellulaire. Mais elles ont également un rôle important dans le maintien du microenvironnement tumoral et ainsi promeuvent la croissance tumorale. Le Dr Neehtu Gopisetti (New York, États-Unis) et collaborateurs ont examiné différents sous-types de cancers du poumon pour savoir s’ils étaient associés à différents taux de MPM dans le sérum.
D’après les résultats de ce travail, seule la MPM-7 était significativement augmentée en cas de carcinomes bronchiques épidermoïdes (n = 22) comparativement aux adénocarcinomes (n = 41) (p < 0,001). En ajustant ce résultat à l’âge, au genre, au statut tabagique, au nombre de paquets/an et à la présence d’un emphysème au scanner, la MPM-7 restait significativement augmentée en cas de carcinome épidermoïde bronchique.
Les auteurs ont conclu que, précédemment, la surexpression de MPM-7 dans la tumeur bronchique était associée à la prolifération tumorale et à un pronostic péjoratif.
Aujourd’hui, la MPM-7 pourrait devenir un biomarqueur potentiel aidant à la différenciation des différents cancers bronchiques non à petites cellules.
Dr Sylvie Le Gac
 
(1) Nair P, Wenzel S, Rabe KF et al. Oral Glucocorticoid-Sparing Effect of Benralizumab in Severe Asthma. N Engl J Med. 2017;376:2448-58.

Source : lequotidiendupharmacien.fr
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