Des lésions tumorales à la iatrogénie cutanée

La peau… à rude épreuve !

Publié le 21/04/2016
UV, vieillissement, facteurs génétiques : sous l’effet de ces facteurs, l’expression cutanée est plurielle et oscille en permanence entre lésions bénignes (kératoses actiniques…) et malignes (carcinomes cutanés, mélanomes). Les traitements anticancéreux mettent également la peau à rude épreuve : rash, xérose, folliculites… La survenue de tous ces événements cutanés doit être anticipée par des mesures de prévention, de dépistage et d’hygiène de vie adaptées à chaque situation clinique. 

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I. Des lésions précancéreuses au mélanome

• Les kératoses actiniques touchent préférentiellement les sujets à peau claire et sont un marqueur du risque de cancers cutanés liés au soleil. Elles imposent un suivi régulier pour dépister une éventuelle transformation en lésion cutanée maligne. Siégeant préférentiellement au niveau du visage et du cuir chevelu (en cas de calvitie), elles sont très souvent inesthétiques. Le traitement vise à faire disparaître ces lésions. Il repose sur la cryothérapie ou l’application de crèmes, la photothérapie dynamique et, parfois, la chirurgie. Dans tous les cas, il est l’occasion d’éduquer le malade à la nécessité d’une photoprotection efficace évitant ainsi le risque de récidive.

• Les carcinomes cutanés sont favorisés par deux grands types de facteurs : environnementaux, avec, au premier plan, l’exposition aux rayonnements ultraviolets solaires et artificiels, et individuels (phototype, génétique…).

• Les carcinomes basocellulaires surviennent sur une peau saine, dans des régions découvertes du corps comme la tête et le cou, les mains, surtout chez des sujets de plus de 50 ans. Ils sont très liés aux expositions solaires aiguës et répétées. L’actualité thérapeutique des carcinomes basocellulaires a été marquée par l’arrivée d’une thérapie ciblée, le vismodégib, premier inhibiteur sélectif de la voie de signalisation hedgehog indiqué dans le carcinome basocellulaire métastatique symptomatique et localement avancé pour lequel la chirurgie ou la radiothérapie ne sont pas appropriées.

• Les carcinomes épidermoïdes ou spinocellulaires développés aux dépens des kératinocytes surviennent en moyenne plus tardivement, vers l’âge de 60-65 ans, volontiers sur des lésions précancéreuses (kératose actinique) et concernent plus particulièrement les sujets professionnellement exposés de façon chronique et prolongée au soleil (agriculteurs, ouvriers du BTP, moniteurs de sport…) et les sujets immunodéprimés. Globalement, l’exposition solaire représente le principal facteur de risque de carcinome cutané. Hormis les mesures de protection solaire, la prévention passe aussi par le dépistage et la prise en charge de la kératose actinique et autres lésions précancéreuses, qui ne doivent pas être négligées. Soixante pour cent des carcinomes épidermoïdes se développent à partir de kératose actinique.

• La très forte augmentation de l’incidence des cas de mélanomes a conduit à la mise en place d’importantes campagnes de prévention solaire dans la plupart des pays occidentaux. Le traitement médical du mélanome avancé et métastatique a connu des avancées spectaculaires grâce au décryptage biomoléculaire de la tumeur et de son environnement, permettant le développement de nouvelles molécules. Ainsi, au stade avancé et métastatique du mélanome, des thérapeutiques ciblées (inhibiteurs tyrosine kinases : anti-BRAF et anti-MEK) et des immunothérapies (anti-CTLA4, anti-PD1) sont aujourd’hui indiquées en monothérapie ou en association avec des résultats impressionnants. Le revers de la médaille de ces traitements redoutablement efficaces tient aux effets secondaires, souvent cutanés…

II. La iatrogénie cutanée des traitements anticancéreux

• En effet, avec l’avènement des thérapies ciblées, la toxicité cutanée est au 1er plan des effets secondaires. Les chimiothérapies classiques ne sont pas en reste : ce sont également de grandes pourvoyeuses d’effets secondaires cutanéo-muqueux, en rapport avec leur action cytotoxique sur les cellules à renouvellement rapide. Parmi les effets secondaires cutanés induits par les traitements anticancéreux, les rashs cutanés, ou éruptions morbilliformes, et les folliculites sont les plus fréquents.

• Une xérose et des fissures apparaissent de façon retardée par rapport à l’initiation du traitement, en particulier sous anti-EGFR. La peau devient moins lisse, perd sa douceur et sa souplesse. La peau devient grisâtre, parfois associée à des craquelures, ressemblant à un eczéma ; la peau peut devenir plus inflammatoire, un prurit peut apparaître. Des fissures peuvent survenir aux extrêmités des doigts (pulpe) ou des talons, des orteils et engendrer progressivement des douleurs qui vont gêner l’appréhension et la marche, altérant de façon importante la qualité de vie. La xérose peut intéresser les muqueuses, surtout les lèvres, mais également la conjonctive et, un peu moins fréquemment, les muqueuses buccale et génitale. Il faut savoir l’évoquer avec son patient qui n’en parlera peut-être pas spontanément à son médecin.

• Les syndromes mains-pieds (forme hyperkératosique ou inflammatoire) peuvent apparaître sous chimiothérapies et thérapies ciblées. Il en existe deux types selon le traitement en cause : le premier est lié à la prise de fluoropyrimidine qui se manifeste par un érythème au niveau des paumes des mains et des plantes des pieds avec une sécheresse cutanée. Le traitement est simple et consiste à réduire la posologie de fluoropyrimidine lors des cycles ultérieurs et à recourir à des soins dermocosmétiques visant à hydrater et graisser la peau. Le second type de syndrome mains-pieds est lié à la prise d’un inhibiteur de tyrosine kinase, plus invalidant du fait de la survenue de lésions plus sévères. Il associe en général une hyperkératose secondaire au niveau des zones de pression, jaunâtre et douloureuse, souvent circonscrite par un halo inflammatoire, un œdème périphérique parfois isolé et la formation de bulles.

• De 10 à 25 % des patients traités par des anticancéreux (taxanes et thérapies ciblées) sont à haut risque de développer des paronychies. Des soins d’accompagnement dermo-cosmétiques peuvent être conseillés, à visée préventive et également curative pour les grades 1 et 2, en association avec des traitements anti-inflammatoire et anti-infectieux.

• Au niveau cutané, les irradiations dans le cadre d’une radiothérapie sont responsables de radiodermites ou radio-épithélites c’est-à-dire de réactions cutanées soit aiguës, soit chroniques, dans le champ d’irradiation.

La survenue de tels événements cutanés liés aux traitements anticancéreux doit être anticipée par des traitements dermocosmétologiques (bien hydrater sa peau, ne pas utiliser de produits agressifs) et une hygiène de vie adaptés aux situations cliniques.

Dr Sylvie Le Gac


Source : lequotidiendupharmacien.fr
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