C’est dans la perspective de trouver des molécules aussi puissantes, mais mieux tolérées, que s’oriente, notamment, la recherche dans le champ du traitement de la douleur. Quels sont les réalités et les champs d’exploration en 2017 ? Tour d’horizon.
Sur des modèles animaux de douleurs postopératoires, l’efficacité et l’innocuité de l’opiorphine et de sa forme stabilisée, le STR-324 ont été montrées, comme l’ont publié en novembre dernier des chercheurs français dans la revue Anesthesiology (2).
Les bons résultats observés encouragent le développement du STR-324 et les premiers essais chez l’homme devraient débuter à la fin de l’année. D’autres douleurs, notamment neuropathiques, pourraient également bénéficier de cet antalgique.
En France, pourtant, un seul médicament est disponible, le dronabinol, dans la seule indication des douleurs neuropathiques centrales et ce, de manière très contrôlée, sous forme d’une autorisation temporaire d’utilisation.
Un autre médicament dérivé du cannabis, qui associe deux cannabinoïdes, le THC (delta-9-tétrahydrocannabinol) et le cannabidiol, se présente sous forme de spray buccal et a obtenu son AMM en 2014 pour le traitement de certaines contractures invalidantes chez les patients atteints de sclérose en plaques. Mais il n’est toujours pas disponible, car aucun accord n’a été trouvé sur le prix auquel il pourra être remboursé !
Pourtant, plusieurs centaines d’études (3, 4) permettent de confirmer certaines propriétés du cannabis thérapeutique : antalgiques, antispasmodiques, antiémétiques... Mais, liée au problème du cannabis récréatif, la situation française du cannabis thérapeutique rappelle celle de la morphine jusque dans les années 1990.
Les mentalités évoluent, la recherche progresse et, malgré la présence de fortes réticences, l’intérêt prouvé du cannabis thérapeutique dans certaines indications devrait accélérer sa disponibilité sur le marché français.
Des chercheurs de l’Inserm se sont, eux, intéressés au mamba noir d’Afrique, dont une seule morsure peut tuer un homme en 15 minutes ! Le venin de ce serpent contient deux toxines, les mambalgines 1 et 2, capables d’inhiber les récepteurs impliqués dans la sensation douloureuse, en bloquant les canaux ioniques. Des travaux sont en cours pour synthétiser des dérivés de ces toxines, aussi efficaces que la morphine, mais sans en avoir les effets indésirables (6).
Ces mêmes chercheurs se sont particulièrement intéressés à Thrixopelma pruriens, ou « tarentule verte du Pérou », chez laquelle ils ont isolé de son venin le ProTx-II, qui inhibe les récepteurs de la douleur : ce peptide se lie aux membranes des neurones et inhibe, entre autres, le canal Nav1.7. Il s’agit de la première étude mettant en évidence le rôle majeur de la membrane cellulaire dans une interaction avec une toxine issue du venin d’araignée (8).
Une start-up californienne créée en 2014 (Deepstream VR) compte actuellement parmi les acteurs impliqués dans le domaine du contrôle de la douleur par la RV : en pratique, des animations sont diffusées par un casque de RV relié à des biocapteurs, permettant non seulement l’interactivité, mais aussi le contrôle des réponses du corps et du cerveau aux images. Des tests préliminaires dans une clinique du Tennessee aux États-Unis montrent des résultats équivalents, voire supérieurs à ceux obtenus avec la morphine (10).
Des premiers essais d’utilisation de la RV pour réduire la douleur ont été pratiqués en France, notamment à la clinique Victor-Hugo du Mans, et une étude sur plus de 100 patients est programmée dans plusieurs établissements français. L’objectif est essentiellement de diminuer le stress et l’anxiété du patient lors d’examen médicaux douloureux. Les premiers tests sont encourageants et incitent les médecins à poursuivre dans cette voie avec l’objectif, non seulement de réduire la souffrance des patients, mais aussi de diminuer l’utilisation de l’anesthésie et des agents pharmacologiques (11).
D’autres tests de RV ont été réalisés dans d’autres domaines, comme la prise en charge des phobies, le traitement des symptômes posttraumatiques, la maladie de Parkinson ou encore les addictions... À suivre.
(1) Recherche animale. L’opiorphine pour remplacer la morphine : nos questions au Dr C. Rougeot [en ligne]. [Consulté le 06/10/2017]. Disponible à l’adresse : www.recherche-animale.org/lopiorphine-pour-remplacer-la-morphine-nos-qu….
(2) Sitbon P, Van Elstraete A, Hamdi L et al. STR-324, a Stable Analog of Opiorphin, Causes Analgesia in Postoperative Pain by Activating Endogenous Opioid Receptor-dependent Pathways. Anesthesiology. 2016;125(5):1017-29.
(3) Michka et coll. Cannabis médical. Du chanvre indien au THC de synthèse. Paris : Mamma Éditions ; 2009.
(4) Association internationale pour le cannabis médical. Études et observations, août 2008.
(5) Toxins, 18 octobre 2016, doi: 10.3390/toxins8100303.
(6) Nature, 3 octobre 2012, doi: 10.1038/nature11494.
(7) British Journal of Pharmacology, 4 mars 2015, doi: 10.1111/bph.13081.
(8) Étude présentée au congrès annuel de la Société américaine de biophysique 2016.
(9) Hoffman HG, Richards TL, Van Oostrom T et al. The analgesic effects of opioids and immersive virtual reality distraction: evidence from subjective and functional brain imaging assessments. Anesth Analg. 2007;105(6):1776-83.
(10) Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD). Nouveau traitement anti-douleur : la réalité virtuelle ? [en ligne]. [Consulté le 06/10/2017]. Disponible à l’adresse : www.sfetd-douleur.org/nouveau-traitement-anti-douleur-la-realite-virtue….
(11) Realite-Virtuelle.com. Professionnels & réalité virtuelle [en ligne]. [Consulté le 06/10/2017]. Disponible à l’adresse : www.realite-virtuelle.com/pro.
L’opiorphine : premiers essais chez l’homme fin 2017
Cette molécule, isolée dans la salive humaine (1), présente un mécanisme d’action complètement différent de celui de la morphine : contrairement à la morphine, qui se lie à tous les récepteurs de l’organisme, l’opiorphine bloque la dégradation des enképhalines, uniquement là où leur production est importante, c’est-à- dire sur les voies nociceptives, lorsqu’il y a stimulation douloureuse. Son puissant effet antalgique est médié par les voies antinociceptives opioïdes-dépendantes.Sur des modèles animaux de douleurs postopératoires, l’efficacité et l’innocuité de l’opiorphine et de sa forme stabilisée, le STR-324 ont été montrées, comme l’ont publié en novembre dernier des chercheurs français dans la revue Anesthesiology (2).
Les bons résultats observés encouragent le développement du STR-324 et les premiers essais chez l’homme devraient débuter à la fin de l’année. D’autres douleurs, notamment neuropathiques, pourraient également bénéficier de cet antalgique.
Le cannabis thérapeutique : les réticences françaises...
Un récent rapport de l’Académie américaine des sciences conclut, après avoir passé en revue plus de 10 700 articles, que « l’intérêt du cannabis à des fins thérapeutiques est aujourd’hui prouvé scientifiquement dans certaines situations ».En France, pourtant, un seul médicament est disponible, le dronabinol, dans la seule indication des douleurs neuropathiques centrales et ce, de manière très contrôlée, sous forme d’une autorisation temporaire d’utilisation.
Un autre médicament dérivé du cannabis, qui associe deux cannabinoïdes, le THC (delta-9-tétrahydrocannabinol) et le cannabidiol, se présente sous forme de spray buccal et a obtenu son AMM en 2014 pour le traitement de certaines contractures invalidantes chez les patients atteints de sclérose en plaques. Mais il n’est toujours pas disponible, car aucun accord n’a été trouvé sur le prix auquel il pourra être remboursé !
Pourtant, plusieurs centaines d’études (3, 4) permettent de confirmer certaines propriétés du cannabis thérapeutique : antalgiques, antispasmodiques, antiémétiques... Mais, liée au problème du cannabis récréatif, la situation française du cannabis thérapeutique rappelle celle de la morphine jusque dans les années 1990.
Les mentalités évoluent, la recherche progresse et, malgré la présence de fortes réticences, l’intérêt prouvé du cannabis thérapeutique dans certaines indications devrait accélérer sa disponibilité sur le marché français.
Des venins antalgiques ?
Des araignées aux reptiles, les espèces venimeuses ne manquent pas, qui ont souvent mauvaise réputation... et pourtant, les venins intéressent de plus en plus les scientifiques et, pour les chercheurs, ils représentent même un immense champ d’exploration pour le traitement de la douleur.Serpents : premières pistes
Aussi beau que dangereux, le serpent corail bleu, que l’on retrouve essentiellement en Asie du Sud-Est, possède un venin exceptionnel, qui tue et pour lequel il n’existe aucun antidote. Son venin contient une toxine, la calliotoxine, qui agit sur les canaux sodium des récepteurs situés dans le cerveau, responsables de la transmission de la douleur. Ainsi, la calliotoxine est capable de stopper la transmission de la douleur et son effet antalgique serait aussi puissant que celui de la morphine, mais sans ses effets indésirables (5).Des chercheurs de l’Inserm se sont, eux, intéressés au mamba noir d’Afrique, dont une seule morsure peut tuer un homme en 15 minutes ! Le venin de ce serpent contient deux toxines, les mambalgines 1 et 2, capables d’inhiber les récepteurs impliqués dans la sensation douloureuse, en bloquant les canaux ioniques. Des travaux sont en cours pour synthétiser des dérivés de ces toxines, aussi efficaces que la morphine, mais sans en avoir les effets indésirables (6).
Les araignées aussi...
Une équipe de l’université du Queensland en Australie s’est penchée sur le venin de 205 espèces d’arachnides et, parmi les échantillons analysés, 82 contenaient des molécules capables d’agir sur le canal sodique Nav1.7, dont une mutation génétique rend insensible à la douleur : le blocage de cette voie pourrait ainsi potentiellement supprimer la douleur (7).Ces mêmes chercheurs se sont particulièrement intéressés à Thrixopelma pruriens, ou « tarentule verte du Pérou », chez laquelle ils ont isolé de son venin le ProTx-II, qui inhibe les récepteurs de la douleur : ce peptide se lie aux membranes des neurones et inhibe, entre autres, le canal Nav1.7. Il s’agit de la première étude mettant en évidence le rôle majeur de la membrane cellulaire dans une interaction avec une toxine issue du venin d’araignée (8).
Quid de la cyberthérapie ?
Il y a 10 ans était publié un article dans Anesthesia Analgesia (9), mettant en évidence l’efficacité de la réalité virtuelle (RV) sur la douleur, comparable à celle des opioïdes, et confirmée par l’IRM fonctionnelle cérébrale.Une start-up californienne créée en 2014 (Deepstream VR) compte actuellement parmi les acteurs impliqués dans le domaine du contrôle de la douleur par la RV : en pratique, des animations sont diffusées par un casque de RV relié à des biocapteurs, permettant non seulement l’interactivité, mais aussi le contrôle des réponses du corps et du cerveau aux images. Des tests préliminaires dans une clinique du Tennessee aux États-Unis montrent des résultats équivalents, voire supérieurs à ceux obtenus avec la morphine (10).
Des premiers essais d’utilisation de la RV pour réduire la douleur ont été pratiqués en France, notamment à la clinique Victor-Hugo du Mans, et une étude sur plus de 100 patients est programmée dans plusieurs établissements français. L’objectif est essentiellement de diminuer le stress et l’anxiété du patient lors d’examen médicaux douloureux. Les premiers tests sont encourageants et incitent les médecins à poursuivre dans cette voie avec l’objectif, non seulement de réduire la souffrance des patients, mais aussi de diminuer l’utilisation de l’anesthésie et des agents pharmacologiques (11).
D’autres tests de RV ont été réalisés dans d’autres domaines, comme la prise en charge des phobies, le traitement des symptômes posttraumatiques, la maladie de Parkinson ou encore les addictions... À suivre.
Dr Catherine Bouix
(1) Recherche animale. L’opiorphine pour remplacer la morphine : nos questions au Dr C. Rougeot [en ligne]. [Consulté le 06/10/2017]. Disponible à l’adresse : www.recherche-animale.org/lopiorphine-pour-remplacer-la-morphine-nos-qu….
(2) Sitbon P, Van Elstraete A, Hamdi L et al. STR-324, a Stable Analog of Opiorphin, Causes Analgesia in Postoperative Pain by Activating Endogenous Opioid Receptor-dependent Pathways. Anesthesiology. 2016;125(5):1017-29.
(3) Michka et coll. Cannabis médical. Du chanvre indien au THC de synthèse. Paris : Mamma Éditions ; 2009.
(4) Association internationale pour le cannabis médical. Études et observations, août 2008.
(5) Toxins, 18 octobre 2016, doi: 10.3390/toxins8100303.
(6) Nature, 3 octobre 2012, doi: 10.1038/nature11494.
(7) British Journal of Pharmacology, 4 mars 2015, doi: 10.1111/bph.13081.
(8) Étude présentée au congrès annuel de la Société américaine de biophysique 2016.
(9) Hoffman HG, Richards TL, Van Oostrom T et al. The analgesic effects of opioids and immersive virtual reality distraction: evidence from subjective and functional brain imaging assessments. Anesth Analg. 2007;105(6):1776-83.
(10) Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD). Nouveau traitement anti-douleur : la réalité virtuelle ? [en ligne]. [Consulté le 06/10/2017]. Disponible à l’adresse : www.sfetd-douleur.org/nouveau-traitement-anti-douleur-la-realite-virtue….
(11) Realite-Virtuelle.com. Professionnels & réalité virtuelle [en ligne]. [Consulté le 06/10/2017]. Disponible à l’adresse : www.realite-virtuelle.com/pro.
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