« Quels sont les résultats que vous attendez le plus cette année ? – Sans hésiter : Ceux sur les génériques. » Le Pr Victor De Ledinghen, chef du service d’hépato gastro-entérologie du CHU de Bordeaux, donne le ton. Pour lui comme pour beaucoup de ses collègues, le congrès de l’association européenne de pour l’étude du foie (EASL), qui s’est achevé dimanche, a cette année une coloration militante. Les organisateurs ont en effet sélectionné, pour leur session late breaker du samedi, une étude australienne montrant que les versions génériques des différentes associations d’antiviraux à action directe comportant du sofosbuvir semblent aussi sûres et efficaces que les princeps.
« C’est un résultat très important d’un point de vue politique », commente le Pr De Ledinghen, par ailleurs membre du comité scientifique rédigeant chaque année les recommandations de l’Association française d’étude du foie (AFEF) sur la prise en charge des hépatites virales. « Notre politique actuelle vise à donner un traitement à tous. Si la molécule princeps est trop chère, on a maintenant la possibilité de se tourner vers un générique. On en a assez de voir défiler d’excellents résultats d’efficacité et de se dire que tous les malades n’en profiteront pas », ajoute-t-il.
Commandés sur Internet
L’étude Redemption I (tout un programme), menée par le Dr James Freeman ancien interne du Royal Hobart Hospital, en Australie et fondateur de la clinique australienne en ligne GP2U, a recruté 417 patients dans le monde entier via Internet, et les a aidés à commander des génériques directement auprès des producteurs. Ces malades sont principalement Européens, Nord-Américains et Australiens, bien que quelques-uns résident en Corée du Sud ou au Japon.
Parmi ces patients, 207 ont reçu une association sofosbuvir/lédipasvir avec ou sans ribavirine, 209 ont reçu une association sofosbuvir/daclatasvir avec ou sans ribavirine et 3 ont été traités par sofosbuvir et ribavirine. À l’heure actuelle, 81 patients sous association sofosbuvir/lédipasvir ont fini leurs 12 semaines de traitement et les données sur la réponse virologique soutenue à 4 et 12 semaines sont disponibles pour 47 et 35 d’entre eux. Dans le groupe sous sofosbuvir/daclatasvir, 65 patients ont terminé leur traitement pour l’instant.
Il s’agit donc de résultats préliminaires. Une réponse virologique soutenue était cependant obtenue à 4 semaines chez 97,9 % des patients du groupe sofosbuvir/lédipasvir et chez 96,2 % des patients du groupe sofosbuvir/daclatasvir. Une réponse virologie soutenue à 12 semaines est quant à elle obtenue chez 97,2 % du groupe sofosbuvir/lédipasvir et chez 92,3 % du groupe sofosbuvir/daclatasvir.
Ces résultats sont particulièrement attendus dans des pays comme l’Australie, la Nouvelle Zélande ou le Royaume-Uni, où les patients sont autorisés à importer jusqu’à 3 mois de traitements médicaux. « Ces lois existent pour que les gens qui viennent en Australie continuent à prendre un traitement qui leur a été prescrit dans leur pays d’origine, explique au « Quotidien » le Dr Freeman, nous les détournons de leur utilisation pour avoir accès à des traitements efficaces et abordables. À l’avenir, il faudra mener une concertation pour trouver un équilibre entre les droits des propriétaires des molécules et ceux des patients, mais nous devions trouver une solution à courts termes. »
Un des patients de l’étude était un Anglais résidant en France. La législation française ne permettant pas à un patient d’importer ses propres médicaments, « il a fait le voyage jusqu’en Australie pour y recevoir 3 mois de traitement oral. Il a été soigné pour un coût inférieur à ceux pratiqués en France, même en prenant en compte le billet d’avion », s’amuse le Dr Freeman. Lors de la présentation, le praticien a fait remarquer que les courbes de la charge virale moyenne des patients se superposent avec celles réalisées à partir des données issues des phases 3 des différentes combinaisons de molécules princeps. Il précise aussi que les profils d’effets indésirables étaient également similaires.
Bien sélectionner le génériqueur
Les auteurs ont fait des recherches pharmacologiques pour s’assurer que les médicaments importés étaient de bonne qualité et pour éliminer la possibilité de contrefaçons de médicaments. Les chercheurs australiens ont donc investi 20 000 dollars australiens (environs 13 700 euros) pour mettre en place une procédure de test pharmacologique des génériques disponibles.
Au début de l’étude, en mars 2015, une seule société remplissait les critères. En mai et en août de la même année, les premiers génériques du sofosbuvir indiens ont été acceptés par les auteurs puis entre août et décembre, les versions génériques des combinaisons sofosbuvir/lédipasvir et lédipasvir/daclatasvir produites au Bangladesh et en Indes. Le Dr Freeman a par ailleurs fondé l’association « fixhepc » dont le site Internet répertorie les fabricants de génériques dont les produits ont été validés par son équipe.
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