ON CONNAÎT quatre types de mort cellulaire, à savoir la nécrose, l’apoptose, l’autophagie et la sénescence. Comme on peut le supposer, ceux-ci mettent en jeu des mécanismes très différents et s’intègrent dans des scénarios bien distincts.
La nécrose correspond à une mort accidentelle, qui dépend donc d’un événement fortuit et extérieur à la cellule, comme une infection, une inflammation ou une ischémie (myocardique lors d’un infarctus, par exemple). C’est le seul type de mort cellulaire dans laquelle les membranes sont rompues. De fait, la cellule se met à gonfler et on observe une vacuolisation, une dégénérescence des organelles intracellulaires et un gonflement des mitochondries. Le contenu de la cellule est libéré à l’extérieur, et les protéases, notamment, induisent des destructions autour de la cellule et le développement d’une réaction inflammatoire, avec une accumulation de monocytes et de lymphocytes ce qui n’est pas le cas des autres types de mort cellulaire.
Le rôle clé des caspases.
L’apoptose, en revanche, ne s’accompagne d’aucune inflammation et une catégorie bien particulière d’enzymes, les caspases (il s’agit d’enzymes existant en temps normal sous forme inactivée à l’état de pro-enzymes), jouent un rôle clé, cela dans le cadre d’un mécanisme actif parfaitement ordonné. Au cours de celle-ci la membrane cellulaire forme des vésicules en dehors de la cellule, à l’intérieur desquelles se créent des « corps apoptotiques » qui comprennent des fragments de noyau et de cytoplasme qui vont être phagocytés par les cellules voisines ; la chromatine (ADN), quant à elle, se condense autour de la membrane sous forme de fragments d’une taille homogène (les spécialistes parlent d’échelles d’ADN, caractéristiques d’une mort par apoptose).
L’autophagie correspond en fait initialement à un mode de survie de la cellule (elle se déclenche quand la cellule n’a plus assez de nutriments ou de facteurs de croissance), dans laquelle la cellule forme des vésicules (autophagosomes dans lesquels le vieux matériel cytosolique va être dégradé pour reformer ensuite des acides aminés et des acides gras qui vont alimenter de nouvelles synthèses), tandis que la chromatine se condense partiellement, mais cette fois sans former d’échelles d’ADN. Si ce phénomène devient excessif, incontrôlable, il finit par entraîner la mort de la cellule. Enfin, la sénescence est caractérisée par un arrêt de la réplication.
Vous avez dit « mort programmée » ?
Une grande partie de nos connaissances provient d’études réalisées sur une espèce de ver, plus précisément un nématode (Caenorhabditis elegans), dont on peut affirmer sans craindre de se tromper qu’il a bien mérité la reconnaissance de la science. Commençons par le commencement : l’origine du mot apoptose fait référence à la chute programmée des feuilles à l’automne (« apo » pour éloignement et « ptose » pour chute). En fait, le mot apoptosis avait déjà été utilisé par Hippocrate de Cos (né vers - 460 et mort vers - 370 avant J.-C.) pour décrire la décomposition des tissus après la mort.
En pratique, les mécanismes d’apoptose sont gouvernés par deux grandes voies d’activation modulant, notamment, par des phases en cascades, l’activité de caspases (protéases hydrolysant des protéines comportant un acide aspartique) différentes. La voie dite extrinsèque implique des « récepteurs de mort » appartenant à la superfamille des récepteurs au TNF (Facteur Nécrosant des Tumeurs), tandis que la voie dite intrinsèque place au premier rang les mitochondries dans la paroi de laquelle s’ouvrent subitement des pores.
Lors de l’apoptose, l’ADN est digéré de façon très spécifique en fragments dont les tailles sont des multiples de 180 paires de bases.
Les deux faces bénéfiques/délétères de l’apoptose.
Le phénomène d’apoptose a été découvert en 1972 lors de l’étude de tissus au microscope électronique.
L’apoptose joue un rôle physiologique extrêmement important. C’est ainsi, par exemple, qu’elle intervient au cours du développement embryonnaire, car le développement normal d’un organe s’effectue non pas par modelage mais par sculpture : les cellules sont produites en grand excès, puis certaines meurent, en fonction des critères particuliers requis.
L’élimination du tissu interdigital permet la constitution de la main chez le fœtus (au début de sa formation, la main ressemble à une moufle ou à une palme), la disparition de l’appendice caudal du fœtus humain (souvenir d’une « queue » chez nos lointains ancêtres) ou encore lors de la constitution du cerveau l’élimination des neurones n’ayant pas réussi à créer des connexions synaptiques utiles, l’apoptose permet d’éradiquer les lymphocytes reconnaissant le soi (cellules autoréactives) et de sélectionner les lymphocytes B responsables de la réponse immunitaire (élimination des lymphocytes produisant des anticorps inactifs ou auto-immuns). Celle-ci assure également l’élimination des cellules infectées et des cellules endommagées en général, contrôlant aussi en particulier le renouvellement de l’épithélium intestinal ou encore détermine la résorption des acini des glandes mammaires n’étant plus stimulés par la prolactine après la période d’allaitement.
Enfin, il existe un lien évident entre apoptose et vieillissement, car l’apoptose des neurones du système nerveux central augmente avec l’âge. D’une manière globale, à l’âge adulte, il existe dans le tissu normal un équilibre entre mitose (prolifération) et apoptose. Cela explique que cette dernière joue un rôle essentiel dans l’homéostasie.
Perte de contrôle.
Mais, dans les pathologies cancéreuses, les mécanismes apoptotiques sont généralement inopérants, réprimés : les cellules anormales survivent et se multiplient en dépit d’anomalies génétiques. Ces mécanismes peuvent néanmoins parfois être réactivés. C’est ainsi que l’on peut trouver des foyers d’apoptose après irradiation, chimiothérapie, blocage hormonal (par exemple dans le cancer de la prostate) ou surcharge en corticoïdes (leucémies et lymphomes). D’ailleurs, les lymphocytes cytotoxiques sont « tueurs » par induction de l’apoptose de la cellule cible.
Autre exemple, certains virus peuvent inhiber l’induction de l’apoptose, comme l’herpèsvirus HHV8 responsable du sarcome de Kaposi, codant pour la protéine v-FLIP qui bloque l’apoptose induite par les récepteurs de mort.
À l’inverse du cancer où l’apoptose est réprimée, d’autres maladies, notamment les pathologies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer, la sclérose latérale amyotrophique, la maladie de Parkinson, la maladie d’Huntington, mais aussi certaines thyroïdites, les maladies auto-immunes ou l’hépatite fulminante pourraient être en rapport avec une apoptose mal contrôlée. Cette dernière participe également au développement du sida. La modulation du contrôle de l’apoptose à des fins thérapeutiques représente donc un considérable champ de recherches.
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