S’AGISSANT de l’administration par voie orale, il est admis que la sécrétion acide, qui influe sur le degré d’ionisation de certains principes actifs, diminue avec l’âge, mais il est difficile d’en tirer des conclusions pratiques. Plus en aval, la mobilité gastro-intestinale et les variations du flux sanguin digestif viennent encore modifier l’absorption. On peut donc en attendre des variations au regard de la vitesse d’absorption des médicaments, de l’efficacité globale de l’absorption et de l’intensité de l’effet maximal. Mais, en pratique, il faut souligner la multiplicité des facteurs impliqués et la difficulté de prévoir l’effet final du vieillissement, sans compter le rôle des conditions pathologiques et des comédications.
D’autre part, la couche cornée de l’épiderme s’amincissant avec l’âge (mais les tissus sous-cutanés sont aussi remaniés avec l’âge, ce qui peut modifier la biodisponibilité), la pénétration d’un principe actif par voie transdermique sera donc souvent plus rapide et plus complète ; il conviendra donc de se méfier d’un effet trop rapide ou trop intense.
Moins d’eau, plus de lipides.
Dans un autre ordre d’idée, la part des lipides dans la composition corporelle augmente avec l’âge en valeur relative de 20 à 40 %, en moyenne, par rapport à son niveau de base, alors que le contenu en eau diminue. Les médicaments lipophiles auront donc tendance à diffuser dans un volume plus grand, à l’inverse des médicaments hydrophiles. Mais la variabilité d’une personne à l’autre des changements de composition corporelle rend en pratique illusoire l’espoir de pouvoir tirer des règles générales pour la prescription individuelle.
Bien que les données de la littérature soient hétérogènes, il semble que le vieillissement en tant que tel n’affecte pas de façon significative la capacité des hépatocytes à métaboliser les médicaments. Néanmoins, le vieillissement provoque une diminution de la masse du foie et très souvent une baisse du débit sanguin hépatique, ce qui pourrait entraîner une réduction de la métabolisation des médicaments, avec donc un risque d’augmentation de leur concentration plasmatique et donc, de leurs effets. Les médicaments soumis à un important effet de premier passage hépatique peuvent, de ce fait, voir leur biodisponibilité augmentée. Mais, là encore, rien n’est simple, et nous ne disposons pas d’indicateurs facilement utilisables permettant de guider de manière fiable des modifications de la posologie des médicaments.
Enfin, il est clair que la diminution du nombre de néphrons qui accompagne le vieillissement (éventuellement aggravée à l’occasion de pathologies intercurrentes) affecte nécessairement l’élimination rénale des médicaments. Cela entraîne la nécessité d’évaluer systématiquement la fonction rénale avant toute prescription de médicaments éliminés par voie rénale chez les sujets âgés, et de réévaluer régulièrement celle-ci en cas de prescription au long cours de médicaments à marge thérapeutique étroite.
S’adapter en fonction de l’insuffisance rénale.
Une adaptation posologique est nécessaire lorsque le médicament est majoritairement éliminé sous forme inchangée active par le rein.
Sans adaptation de la posologie, la diminution de l’élimination conduit à un allongement de la demi-vie d’élimination et à une augmentation des concentrations plasmatiques. À l’équilibre, un doublement de la demi-vie plasmatique entraîne un doublement de la concentration plasmatique. Rappelons que la créatininémie ne suffit pas pour évaluer le degré d’insuffisance rénale (au regard de la filtration glomérulaire) et qu’il faut aussi calculer la clairance de la créatinine (voir encadré).
Lorsque l’insuffisance rénale chronique devient modérée (clairance de la créatinine entre 30 et 50 ml/mn), trois méthodes d’adaptation posologique peuvent être mises en œuvre, à savoir augmenter l’intervalle de temps entre les prises avec conservation des doses, diminuer la posologie en conservant le même intervalle de temps ou encore, une méthode mixte combinant les deux méthodes précédentes.
Bien entendu, le calcul de l’adaptation varie selon que le médicament est totalement ou seulement partiellement éliminé sous forme active par le rein. Si le médicament est éliminé exclusivement par le rein (comme les aminosides, par exemple), on peut réduire la quantité administrée de manière proportionnelle à l’insuffisance rénale : si l’insuffisance rénale entraîne une réduction de 50 % de la fonction rénale, on peut soit réduire les doses de 50 %, soit doubler les intervalles de prise.
En cas d’élimination rénale partielle, on peut soit trouver l’information dans les monographies du Vidal, soit utiliser un nomogramme (comme celui de Dettli, par exemple) permettant d’évaluer le pourcentage de diminution de l’élimination rénale du médicament à partir d’une évaluation de la fonction par la mesure de la clairance de la créatinine.
L’adaptation de la posologie doit aussi tenir compte de la présence de métabolites actifs ou toxiques par accumulation éliminés par le rein.
Enfin, en cas d’index thérapeutique étroit, cette dernière peut être contrôlée par des dosages des concentrations plasmatiques du médicament (et/ou de ses métabolites actifs), si les taux thérapeutiques sont connus.
Article précédent
Monsieur Jules M., 90 ans
Article suivant
Voyage au pays de l’apoptose
Monsieur Jules M., 90 ans
Les règles d’or de l’adaptation posologique chez le sujet âgé
Voyage au pays de l’apoptose
Du pilulier électronique au smartphone aide-mémoire
Rester à la maison, quand même
« Résistez aux tentations et gardez le rythme ! »
Quelques trucs pour répondre au refus de substitution
Pharmacien référent en EHPAD : retours d’expériences
Peut-on contrôler l’hyperpigmentation ?
Les sports amis de l’âge
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques