Traitements systémiques conventionnels

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Publié le 02/12/2019
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Un traitement systémique du psoriasis est proposé à quelque 25 % des patients atteints d’une présentation modérée à sévère, en cas de retentissement important sur la qualité de vie ou de résistance aux formes locales. Il relève (comme la photothérapie, cf. plus bas) d'une prescription spécialisée. Les médicaments « conventionnels » (par opposition aux biothérapies, cf. plus bas) s’utilisent en première intention : généralement efficaces, avec des rémissions obtenues en six (ciclosporine) à dix semaines (méthotrexate), ils peuvent induire une iatrogénie impliquant un strict contrôle des posologies et un suivi médical. L’association de plusieurs médicaments systémiques est évitée, sauf cas particulier. En revanche ce traitement s’associe souvent à un traitement local.

Rétinoïdes. Régularisant la croissance et la différenciation cellulaire, l’acitrétine (Soriatane) est indiquée dans le psoriasis sévère. La posologie initiale (0,2 mg/kg/j) est augmentée progressivement à 0,5 mg/kg/j, avec surveillance des effets indésirables, jusqu’au meilleur compromis efficacité/tolérance (de fortes doses peuvent fragiliser l’épiderme, avec survenue de lésions unguéales parfois irréversibles) : cette stratégie donne jusqu’à 60 % de réponses et 40 % de blanchiment des lésions en 6 à 8 semaines. L’acitrétine est utilisée à faible posologie (25-35 mg/j) en entretien (monothérapie ou association). Ses effets indésirables, communs aux rétinoïdes systémiques, dose-dépendants et réversibles, intéressent avant tout la peau (chéilite desquamative, xérose, prurit, épistaxis, alopécie) - mais pas que : il est indispensable de consulter le RCP -. Une surveillance biologique est assurée : transaminases tous les 15 J pendant 2 mois puis, tous les 3 mois ; dosage du cholestérol et des triglycérides avant le début du traitement puis régulièrement, principalement chez le sujet à risque de dyslipidémie.

Tératogène (malformations du système nerveux central, cardiovasculaires et squelettiques, etc.), l’acitrétine est en principe contre-indiquée chez la femme en âge de procréer sauf si toutes les conditions du Programme de prévention de la grossesse sont remplies (pour détails, voir RCP du médicament). Le traitement impose entre autres une contraception au minimum un mois avant l’instauration du traitement puis un wash-out de trois ans avant une conception. Son association à l’alcool induit une accumulation d’étrétinate, également tératogène, d’une demi-vie de 4 mois à plusieurs années, qui s’accumule dans le tissu graisseux : la patiente s’engage à ne pas consommer d’alcool durant le traitement puis les 2 mois suivants. Le don de sang est interdit pendant le traitement et dans les 3 ans après arrêt. La prescription initiale annuelle est faite par un dermatologue dans le respect de ses conditions d’encadrement incluant un contrat de soins et d’information de la patiente en âge de procréer (ANSM, février 2014).

Méthotrexate. Le méthotrexate (Imeth, Métoject, Nordimet, Novatrex) inhibe la multiplication des kératinocytes, la synthèse des cytokines pro-inflammatoires et a une action immunosuppressive. Agissant en deux mois, il est indiqué dans les formes sévères de (> 50% de la surface cutanée, formes érythrodermiques, pustuleuses, généralisées, etc.) ou résistantes. Il s'administre par voie orale ou injectable (IM, IV ou SC). La posologie habituelle est de 7,5 mg à 15 mg une fois par semaine à jour fixe. La dose hebdomadaire totale peut être augmentée jusqu'à 25 mg, puis réduite à la posologie d'entretien efficace la plus faible possible. Les effets indésirables sont dose-dépendants (malaises, troubles digestifs, stomatite ulcéreuse). Le méthotrexate est par ailleurs hépatotoxique (fibrose, cirrhose) et expose à des complications infectieuses, pulmonaires (pneumopathies interstitielles, fibrose) et hématologiques (leucopénie, aplasie médullaire) nécessitant une surveillance étroite, clinique et biologique. Une contraception est instaurée ou maintenue : elle est poursuivie 3 mois après l'arrêt du traitement chez la femme et 5 mois chez l’homme.

Puissant immunosuppresseur, la ciclosporine (Néoral) inhibe l’activité des lymphocytes T auxiliaires. Son administration expose à des effets indésirables notamment tensionnels (hypertension), rénaux ou buccaux (hypertrophie gingivale). Elle est proposée en première intention (2,5 à 5 mg/kg), sur prescription initiale hospitalière valable 6 mois, en cures de trois à six mois, sous surveillance rénale annuelle. Il est déconseillé de l’associer au méthotrexate (sauf exception).

Léflunomide. Autre immunosuppresseur, le léflunomide (Arava) est indiqué dans le traitement du rhumatisme psoriasique et généralement prescrit en cas d'échappement ou de contre-indication au méthotrexate. Le risque de malformations fœtales, y compris après traitement du père, impose une contraception pendant le traitement et jusqu'à 2 ans après son arrêt (ou jusqu'à 11 jours après l'arrêt du traitement si réalisation d’un wash-out spécifique).

Aprémilast. L’aprémilast (Otezla) est un inhibiteur des phosphodiestérases-4 qui diminue la réponse inflammatoire en modulant l'expression du TNF-α, de l'IL-23, de l'IL-17 et d'autres cytokines inflammatoires. Il constitue un traitement de seconde intention dans le psoriasis en plaques modéré à sévère en cas d'échec, ou de contre-indication, ou d'intolérance aux autres traitements systémiques non biologiques.

L'aprémilast est contre-indiqué chez la femme en âge de procréer sans contraception et chez la femme enceinte (risque de pertes embryo-fœtales chez l'animal). Les effets indésirables les plus fréquents sont des troubles digestifs (diarrhées, nausées), des infections des voies respiratoires supérieures et des céphalées. L'ANSM recommande d'évaluer le rapport bénéfice/risque de ce médicament chez le patient présentant des troubles psychiatriques et d'arrêter le traitement en cas d'apparition ou aggravation de signes suicidaires.


Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3562