Vigilance au comptoir

Médicaments courants : pas de droit à l’erreur !

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Publié le 15/04/2019
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C’est sous le signe de « Défimédoc », une nouvelle application mobile de formation interactive, que sa conceptrice, Florence Bontemps, a proposé sous la forme d’une série de quiz express, une immersion très réaliste dans des cas de comptoir pointus. En voici quelques illustrations.
délivrance

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Crédit photo : BURGER/PHANIE

Les AINS

Nul doute que les anti-inflammatoires non stéroïdiens doivent faire l’objet de la plus grande vigilance. À la fois en raison de leur très large emploi (certains étant même en vente libre, à commencer par l’ibuprofène), et de la diversité/gravité potentielle de certains de leurs effets indésirables… pas toujours d’ailleurs reconnus à leur juste valeur.

C’est ainsi, par exemple, que si les effets indésirables digestifs viennent, à juste raison, immédiatement à l’esprit, d’autres effets délétères ne doivent pas être sous-estimés, à commencer par le risque d’insuffisance rénale aiguë, particulièrement à redouter en cas de déshydratation (vomissements, diarrhées, épisode de forte chaleur…). Sans oublier non plus les effets indésirables cardiovasculaires dus essentiellement à la rétention hydrique (souvenons-nous des alertes publiées à ce sujet en septembre dernier au sujet du diclofénac), avec des risques d’infarctus et d’accident vasculaire cérébral.

Enfin, et sans épuiser le sujet, cette conférence fut l’occasion d’attirer également l’attention sur le risque d’aggravation d’une infection ORL (angine, notamment) ou dentaire associé à ces produits avec la survenue possible de complications graves dues au streptocoque bêta-hémolytique, comme un phlegmon ou une cellulite.

Les AOD et les contraceptifs

Les anticoagulants oraux directs apparaissent comme une classe moins homogène que celle des antivitamines K (AVK), qu’ils remplacent progressivement. Qu’il s’agisse de leurs posologies (variables en fonction de l’indication et de l’état physiopathologique du patient) ou du moment de leur prise par rapport aux repas. C’est ainsi, notamment, qu’il convient de diminuer la posologie chez les patients exposés à un risque hémorragique particulier : 75 ans et plus, petit poids (moins de 60 kg)…

Surtout, la fonction rénale doit être particulièrement surveillée et donc prise en compte (adaptation posologique) lors d’un traitement par ces médicaments. Prudence aussi au regard de l’état de la fonction hépatique.

Enfin, on ne saurait trop souligner l’importance de promouvoir une bonne observance en raison de l’absence d’un test d’hémostase en routine, alors que celle des AVK est aisément contrôlée par l’INR.

Dans un autre ordre d’idée, les contraceptifs estroprogestatifs oraux suscitent aussi fréquemment des questions lors d’une première délivrance. Dont la plus emblématique concerne le moment de début d’efficacité. Or, à côté du classique conseil de commencer le premier jour des règles, se développe actuellement une autre approche qui consiste à prendre le premier comprimé à n’importe quel moment du cycle. Or, dans ce second cas de figure, la protection n’est pas immédiate et commence seulement après un délai de 7 jours. Il est donc essentiel de vérifier que la femme a bien intégré ce fait, ce qui suppose de s’abstenir de tout rapport sexuel ou sinon d’utiliser un préservatif.

Un autre aspect concerne le respect des contre-indications, dont les plus importantes concernent le domaine cardiovasculaire (hypertension artérielle non contrôlée, thrombophlébite, embolie pulmonaire, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral), la migraine avec aura et les antécédents de cancer du sein.

IEC, sartans et IPP

Quant à la problématique des IEC, elle ne se limite pas, loin de là, à la survenue d’une toux gênante (10 % en moyenne, avec de grandes différences en fonction des molécules) provoquée par l’accumulation de bradykinine, mais concerne aussi certaines associations, tout particulièrement chez les personnes âgées. Ces associations à risque (IEC et sartans) impliquent non seulement les AINS, les diurétiques épargneurs de potassium et le lithium, mais aussi, ce qui est peut-être moins connu, les gliptines et le racécadotril (Tiorfan) ; la prise concomitante de ces deux derniers types de produit exposant à un risque de survenue d’un œdème angioneurotique lié à la vasodilatation.

Dernier cas, celui des IPP, une classe qui semble bien « inoffensive », à première vue, dont certains représentants sont d’ailleurs en vente libre. Pourtant, en traitement chronique, ceux-ci sont susceptibles d’induire à long terme un risque de fracture (par diminution de l’absorption digestive du calcium), des déficits en magnésium, vitamine B12 et zinc, voire même des néphropathies (par un mécanisme immuno-allergique).

Ainsi que les tests interactifs l’ont bien montré lors de cette conférence, on ne saurait faire l’économie d’un utile rafraîchissement/approfondissement de ses connaissances !

Didier Rodde

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3512