« Je pensais que le millepertuis était anodin… »
Le millepertuis est indiqué dans les « manifestations dépressives légères et transitoires » (Arkogélules millepertuis, Élusanes millepertuis, Euphypertuis, Mildac…). Il contient dans ses sommités fleuries de l’hypéricine qui agirait sur les neurotransmetteurs impliqués dans l’humeur. Des méta analyses ont conclu à une supériorité par rapport au placebo. Souvent présenté comme un remède naturel de phytothérapie, son utilisation n’en nécessite pas moins des précautions. D’abord, s’assurer du traitement concomitant. En effet, les interactions médicamenteuses sont nombreuses du fait de son action inductrice sur le cytochrome P450 3A4 : risque de diminution des concentrations d’anticoagulants oraux, de contraceptifs oraux, de nombreux anticonvulsivants, de digoxine, de certains immunosuppresseurs et antiviraux, de télithromycine… Ensuite, le risque d’état dépressif caractérisé doit avoir été éliminé car le millepertuis ne se substitue pas à un antidépresseur !
« Mon mari n’arrive plus à se lever le matin »
Certaines plaintes entendues à l’officine peuvent amener à soupçonner un épisode dépressif et doivent conduire à une consultation médicale : humeur dépressive, perte d’intérêt ou de plaisir, perte ou gain de poids significatif, insomnie ou hypersomnie, agitation ou ralentissement psychomoteur, asthénie ou perte d’énergie, sentiment de dévalorisation ou de culpabilité inappropriée, trouble de la concentration, pensées de mort ou idées suicidaires. L’épisode dépressif caractérisé se manifeste par au moins cinq de ces symptômes (dont l’un des deux premiers) pendant au moins deux semaines, qui créent une rupture nette avec le comportement habituel.
« Mon antidépresseur me donne la nausée »
La panoplie des antidépresseurs est large. Ils peuvent être utilisés seuls ou parfois en association. Parmi eux :
- Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine sont des antidépresseurs prescrits en première intention. Les principaux effets indésirables sont des troubles digestifs au début du traitement (améliorés par la prise en fin de repas), des maux de tête également au début du traitement, une somnolence (la modification de l’horaire de prise pouvant l’améliorer)… Attention aussi au syndrome sérotoninergique.
- Les inhibiteurs de la recapture de sérotonine et noradrénaline sont aussi prescrits en première intention. Ils provoquent des troubles digestifs en début de traitement (améliorés par la prise en fin de repas), des céphalées, une sécheresse buccale, une hypersudation…
- La miansérine ou la mirtazapine sont des antagonistes adrénergiques présynaptiques. Ils peuvent provoquer des étourdissements, une prise de poids, de la somnolence, une sécheresse buccale…
- Les imipraminiques (ou tricycliques) ou les IMAO sont prescrits en seconde ou troisième intention. Ils sont moins bien tolérés : effets cardiologiques et anticholinergiques pour les tricycliques…
- La tianeptine, qui agit sur le système glutamatergique, peut être responsable d’une pharmacodépendance et d’un usage détourné (d’où son assimilation aux stupéfiants).
- L’agomélatine est un agoniste de la mélatonine et un antagoniste des récepteurs 5HT2c. Les risques d’hépatotoxicité dont elle peut être responsable nécessitent un suivi hépatique très étroit (dernière information de l’ANSM le 18/10/2012).
- La quétiapine, quant à elle, est un antipsychotique atypique ayant une affinité pour les récepteurs 5HT2, D1 et D2. Elle se positionne en traitement adjuvant dans les épisodes dépressifs majeurs lorsqu’une monothérapie est insuffisante.
« Mon antidépresseur n’est pas efficace »
Il est important de rappeler au patient que l’effet ne sera ressenti qu’au bout de 2 à 3 semaines, parfois plus. La phase aiguë de rémission des symptômes (6 à 12 semaines) sera suivie d’une phase de consolidation de 4 à 12 mois (24 mois en cas de dépression chronique) pendant laquelle le traitement ne doit pas être arrêté, afin de limiter le risque de récidive. L’arrêt se fait généralement par une diminution progressive sur quelques semaines. La prescription de benzodiazépines qui accompagne l’antidépresseur en début de traitement pour calmer l’anxiété ou l’insomnie est, quant à elle, limitée dans le temps.
« Je pensais m’en sortir sans médicament »
Au patient qui culpabilise de devoir prendre un antidépresseur, il est important de rappeler que celui-ci aide à corriger des perturbations biochimiques liées à la maladie et que contrairement aux idées reçues, la dépression ne relève pas d’une fatalité ou d’une faiblesse de caractère. On peut comparer l’antidépresseur à un plâtre qui est nécessaire pendant quelque temps à quelqu’un qui s’est fracturé la jambe et chez qui la récupération est progressive : on ne court pas une semaine après s’être cassé la jambe…
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