1 Les nombreuses molécules et galéniques.
Les opioïdes morphiniques sont indiqués dans les douleurs intenses qui ne peuvent être soulagées par les antalgiques de palier 2 (codéine et tramadol). Ils peuvent être associés aux antalgiques de palier 1 (paracétamol, aspirine, AINS).
• Chef de file de la famille, la morphine (chlorhydrate et sulfate) existe sous plusieurs formes :
- Injectable, administrée en discontinu (IV, SC, péridurale, intrathécale) ou en continu (IV à l’aide d’une pompe programmable pour une analgésie contrôlée par le patient ou Patient Contrôle Analgesia, PCA)
- Orale à libération immédiate (LI) : Actiskenan (gélules) Oramorph (sirop) Sevredol (comprimés). Action rapide et limitée à 4 heures.
- Orale à libération prolongée (LP) : Skenan LP, Moscontin. Action lente et prolongée pendant 12 heures, prise régulière. Proposé pour des douleurs continues sur le nycthémère.
• Le fentanyl se présente sous des formes originales :
- Patch avec réservoir (Durogésic) diffusion transdermique régulière (72 heures).
- Des formes transmuqueuses : cp buccal pour applicateur au niveau de la muqueuse de la joue (Actiq) cp sublingual (Abstral) cp gingival (Effentora) et solution pour pulvérisation nasale (Instanyl, Pecfent).
Ses formes ont une plus grande rapidité d’action (10 minutes environ) que les formes orales LI. À noter pour l’Actiq : biodisponibilité très inférieure et difficulté d’utilisation font que les prescripteurs s’en détournent.
•L’oxycodone est disponible sous forme IV (OxyNorm), orale LI (gélules OxyNorm, cp orodispersible OxyNormOro) ou LP (OxyContin).
• L’hydromorphone sous forme orale LP (Sophidone)
Ces quatre molécules, sont des agonistes purs des récepteurs opioïdes centraux. « Dans certains cas de perte d’efficacité ou d’effets secondaires observés avec un morphinique, la substitution de ce dernier par un autre (rotation des opioïdes) peut s’effectuer en respectant les tables de conversion d’équianalagésie » explique le Dr Olivier Bourdon, pharmacien de l’hôpital Robert Débré, à Paris.
2 Les effets indésirables.
• En première position, les nausées et vomissements, très difficiles à supporter et qui favorisent l’abandon du traitement. En règle générale, ils disparaissent en une semaine. Pour une efficacité optimale, les antiémétiques antidopaminergiques doivent être administrés une demi-heure avant la prise de morphiniques.
•La somnolence existe à l’instauration du traitement ou lors de l’augmentation des doses. Elle doit être particulièrement surveillée. Les risques de chute sont importants et la conduite automobile à prohiber. En règle générale, elle est passagère et s’atténue progressivement. Sa persistance au-delà de 3 à 4 jours doit être signalée, signe d’un surdosage qui nécessite une réadaptation du traitement.
•La dépression respiratoire, les hallucinations, les troubles psychiques sont les effets secondaires les plus redoutés. Ils sont rares et peuvent témoigner d’un surdosage obligeant à un réajustement de dose ou un changement de molécule, voire l’utilisation d’un antidote qui agit en quelques minutes.
•La constipation, quasi-constante doit être combattue systématiquement par des laxatifs osmotiques et des conseils visant l’hydratation.
3 Le choix.
« Le choix d’un traitement antalgique doit toujours résulter d’une analyse précise de la douleur quant à ses mécanismes, son intensité, ses horaires », expose le Dr Jean Bruxelle, anesthésiste au centre d’évaluation et de traitement de la douleur de la fondation Adolphe de Rothschild à Paris.
- Pour une douleur d’origine somatique, les mécanismes sont multiples : excès de nociception (pathologies mécaniques, inflammatoires répondants aux antinociceptifs tels qu’aspirine, AINS, opioïdes) ou neuropathique (relevant d’un traitement spécifique antiépileptique ou antidépresseur).
- L’intensité d’une douleur orientera sur la puissance de l’antalgique (palier 1 à 3).
- Les horaires de la douleur guideront sur une administration continue (douleur permanente) ou discontinue (douleur aiguë ou accès douloureux).
Il devra être tenu compte des fonctions respiratoires, hépatiques et rénales pour finaliser le choix antalgique, sa posologie et la fréquence d’administration.
4 Pour une douleur aiguë.
La situation typique est celle des urgences, en postopératoire ou post-traumatique. Le patient cote sa douleur à 8 sur l’Échelle Visuelle Analogique. Une titration de la morphine est réalisée jusqu’à l’obtention de l’antalgie recherchée suivie d’un traitement systématique par PCA.
Autre situation : la douleur induite par des soins à visée diagnostique ou thérapeutique. Son soulagement correct doit tenir compte de la cinétique des médicaments morphiniques. Pour les comprimés LI, l’analgésie devient significative à partir de 20 minutes pour culminer vers la 40e minute : ils doivent donc être pris 30 minutes environ avant le soin. L’injection sous cutanée sera réalisée 15 à 20 minutes avant. Il est donc impératif de veiller à une coordination des soins.
5Pour une douleur intermittente.
Certains patients connaissent des douleurs à des moments identifiés et prévisibles. S’ils sont habitués à des analgésiques de palier 2 qui peuvent à un moment ne plus être efficaces, il est alors possible de recourir à des morphiniques. Dispenser ceux-ci sur 24 heures les exposerait à une posologie quotidienne inutile. Il est préférable de recourir aux morphiniques LI administrés 30 minutes avant la situation génératrice de la douleur.
D’autres patients subissant des poussées inflammatoires connaissent des douleurs de fin de nuit persistantes en première partie de journée. Là encore, il paraît inutile de couvrir les nycthémères par la morphine mais préférable de cibler la période de poussée inflammatoire par une forme retard administrée au coucher.
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