Alzheimer : l’immunothérapie ouvre de nouvelles perspectives

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Publié le 07/12/2023
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Voilà près de 20 ans qu’aucun nouveau médicament n’a été mis sur le marché pour améliorer le quotidien de ces patients très nombreux. Mais grâce au recours à l'immunothérapie, les choses sont heureusement en train de changer, ainsi que l’a illustrée une très intéressante communication présentée lors de la séance du 8 novembre de l’Académie nationale de pharmacie.

neurone

Apoptose de neurones du cortex cérébral due à la maladie d'Alzheimer. Des plaques amyloïdes (marron) se développent autour des neurones. Image de synthèse.
Crédit photo : SCIENCE SOURCE/PHANIE

« La maladie d’Alzheimer est une pathologie d’origine multifactorielle, principalement caractérisée par deux biomarqueurs, à savoir des agrégats de peptide bêta-amyloïde et de protéines tau hyperphosphorylées qui altèrent le fonctionnement de neurones cérébraux puis les font mourir », rappelle le Pr Patrick Dallemagne (Centre d’études et de recherche sur le médicament de Normandie).

Pendant longtemps, les seules ressources présentant une certaine, mais faible activité, et en outre très temporaire (leur action étant uniquement symptomatique), ont été représentées par des facilitateurs de la transmission cholinergique. Mais l’immunothérapie a ouvert depuis peu de nouvelles perspectives porteuses de grands espoirs. Il s’agit notamment de l’immunothérapie passive utilisant des anticorps monoclonaux ciblant, selon le cas, les agrégats de peptide bêta-amyloïde, de protéine tau ou encore la microglie* afin de restaurer la fonction neuroprotectrice de cette dernière. L’objectif étant de freiner, voire d’arrêter, le processus évolutif de manière à préserver l’autonomie du patient le plus longtemps possible.

Une réduction de 27 % des troubles cognitifs avec le lécanémab

Deux anticorps monoclonaux (administrés par voie intraveineuse) visant le peptide bêta-amyloïde sont commercialisés aux États-Unis. Il s’agit de l’aducanumab, approuvé en juin 2021 (lire également ci-dessous) et du lécanémab, approuvé en janvier 2022 (en cours d’examen par l’Agence européenne du médicament). Au cours des essais cliniques, le premier a entraîné une importante diminution de la charge amyloïde cérébrale (mesurée par TEP-scan) et surtout une réduction de 22 % des troubles cognitifs, portée à 27 % en ce qui concerne le second. Un troisième produit, le donanemab, dont la mise sur le marché américain serait prochaine, a quant à lui entraîné une amélioration de 35 % des troubles cognitifs.

Le principal effet indésirable de ces anticorps monoclonaux est représenté par des microhémorragies et des œdèmes cérébraux. Par ailleurs, les résultats d’essais cliniques concernant des anticorps monoclonaux ciblant les protéines tau devraient être bientôt publiés.

Petites molécules : de multiples points d’impact

« De nombreuses voies sont activement étudiées et font l’objet d’essais cliniques le plus souvent en phases 2 et 3 », indique Noëlle Vallizot (Société Neuro-Sys, Gardanne). Ces petites molécules présentent notamment l’avantage d’un mode d’administration orale, un aspect clé si l’on considère qu’elles pourraient être administrées durant une période très prolongée, de l’ordre de 10 à 20 ans, à partir d’un stade très précoce.

Parmi les multiples voies d’impact potentielles sont étudiés la neuro-inflammation (commune d’ailleurs à toutes les maladies neurodégénératives), la neurogenèse, la plasticité/neuroprotection neuronale, le peptide bêta-amyloïde, l’hyperphosphorylation des protéines tau, le stress oxydant, les voies de l’acétylcholine (qui exerce aussi une activité neuroprotectrice) et du glutamate (neurotransmetteur extrêmement toxique pour les neurones) ainsi que diverses dysrégulations neuronales.

Certaines molécules sont déjà utilisées dans d’autres types de pathologies (principe du repositionnement). En voici quelques exemples : neuro-inflammation (masitinib – phase 3 ; dasanatinib + quercétine – phase 2 ; montelukast – phase 2), neurogenèse (allopregnénolone, un modulateur des récepteurs GABA A – phase 2), stress oxydant (oméga 3 DHA – phase 3 ; défériprone, un chélateur du fer – phase 2 ; hydralazine – phase 3), bioénergétique et métabolisme (metformine – phase 3, insuline intranasale – phase 2), action sur le rythme circadien (piromélatine, un agoniste des récepteurs à la mélatonine), plasticité synaptique/neuroprotection (blarcamésine, un agoniste muscarinique – phase 3, lévétiracétam – phase 2).

Enfin, Noëlle Vallizot, souligne l’importance pour l’avenir de développer des combinaisons de médicaments pour améliorer l’efficacité.

 

*Les cellules de la microglie sont la première barrière de défense immunitaire du système nerveux central. Elles exercent, notamment, une puissante activité anti-inflammatoire.

Didier Rodde

Source : Le Quotidien du Pharmacien