Que de chemin parcouru depuis la signature de la toute première convention entre la profession et l’assurance-maladie en 2006 ! Les pharmaciens ont appris l’art des négociations conventionnelles en même temps que le métier évoluait radicalement. Dès la deuxième convention nationale, signée en 2012, la primeur a été donnée aux missions d’accompagnement et à l’idée d’une rémunération à l’honoraire à travers la reconnaissance du rôle de professionnel de santé du pharmacien. Dix-huit avenants – pour l’instant – sont venus compléter la trame générale. « Incontestablement, nous vivons depuis 2013-2014 une période d’immense mutation de l’économie officinale », remarque Nicolas Revel, directeur général de l’assurance-maladie.
Chiffres à l’appui, il note qu’en 2012 les pharmaciens affichaient une rémunération totale d’un peu moins de 6,5 milliards d’euros sur le remboursable, dont « près de 100 % » issus de la marge. Six ans plus tard, la rémunération est légèrement supérieure à 6,5 milliards d’euros et repose à 55 % sur la marge commerciale. « En 2020, on sera à 35 %, dont environ 18 % de marge réglementée. C’est une évolution considérable : on est passé de 100 à 35 % en quelques années. » Cette « bascule impressionnante » repose sur le pari de l’assurance-maladie en faveur de la diversification « que l’on retrouve dans le choix des honoraires ». Après la mise en place de l’honoraire à la boîte et de l’honoraire pour la dispensation d’ordonnance complexe avec la convention nationale de 2012, c’est au tour des honoraires en fonction de l’âge des patients et de la dispensation de médicaments spécifiques de voir le jour en 2017. « Il faut y ajouter les missions d’accompagnement, les nouveaux actes comme la vaccination ou la réalisation de TROD et les éléments autour du parcours d’exercice coordonné : avenant télémédecine, partage d’informations dans le DMP, valorisation des professionnels de santé engagés dans l’exercice coordonné de type CPTS. »
Désensibilisation
Premier effet de ces décisions : la désensibilisation du réseau officinal par rapport aux baisses de prix. « Cela n’allait pas de soi, rappelle Nicolas Revel, il y a eu de belles années où vous (les pharmaciens – NDLR) étiez très heureux d’être sensibilisés à l’évolution des volumes et des prix. Quand les choses se sont retournées, on aurait très bien pu dire qu’on restait comme ça parce que c’était notre modèle. Les pouvoirs publics ont dit non : il y a un impact économique sur le réseau officinal, on va changer la règle du jeu et on va amorcer cette évolution considérable qui est de vous sortir de l’exposition à la marge et de vous mettre sur un nouveau modèle de rémunération. » En conséquence, souligne-t-il, le rendement des baisses de prix n’est plus le même. « Moins il y a de marge, moins l’impact des baisses de tarif est fort. »
Pour autant, la désensibilisation du réseau aux baisses de prix « n’est pas un cadeau, c’est un choix » des gouvernements successifs de préserver un modèle « en investissant sur une vision du métier » face aux besoins liés au vieillissement et au développement des pathologies chroniques. Or, insiste Nicolas Revel, le choix d’investir est une première.
Face à l’importance des mutations entreprises au sein de la profession, des ajustements et correctifs sont nécessaires au fil du temps. « Il y en a eu, il y en aura encore, l’important étant de rester en ligne avec la maquette financière. » Nicolas Revel cite en exemple la mise en place des bilans partagés de médication (BPM) qui peinent à décoller depuis leur lancement, le 17 mars 2018. Après avoir entendu les doléances des officinaux (facturation compliquée, paiement trop tardif, sans visibilité de ce qui est payé ou pas), l’assurance-maladie propose un paiement plus transparent et au fil de l’eau. « Cela fait partie des ajustements normaux de ce type de réforme. »
Maintien du maillage
C’est aussi pour respecter la maquette financière initiale que l’assurance-maladie est entrée en discussion avec les deux syndicats représentatifs. « En 2019 et en 2020, l’investissement de l’assurance-maladie obligatoire va être très substantiellement supérieur à ce que nous avions calé. Dans le cadre du pacte conventionnel que nous avons noué, il faut qu’on trouve une manière de réajuster les choses. »
Cette réforme, le directeur de l’assurance-maladie la défend autant auprès des pharmaciens en exercice que des étudiants car « ce modèle est attractif pour les générations suivantes, il est profondément cohérent avec une ambition que nous partageons de maintenir un maillage territorial de proximité ».
Les prochaines avancées ? La mise en place d’un accompagnement des patients sous chimiothérapie orale n’est plus qu’une question de mois. Le directeur de la CNAM se dit par ailleurs plutôt favorable à l’idée de permettre l’accès aux kits de dépistage du cancer colorectal à l’officine. Citant encore la notion de pharmacien correspondant et le télésoin, il souligne : « Nous avons encore de beaux sujets devant nous sur lesquels il va falloir travailler. »
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