C’était il y a un an. À l’occasion de la présentation du PLFSS 2019, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, annonçait des mesures en faveur du générique : fin de l’obligation manuscrite pour la mention NS, encadrement des justifications possibles par l’agence du médicament et remboursement sur la base du générique lorsque le patient exige le princeps sans raison valable. Le jour même, devant la Commission des comptes de la Sécurité sociale, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) évoquait ses craintes d’un alignement des prix des princeps sur les génériques provoqué par cette dernière mesure. Autrement dit : un TFR généralisé.
Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (USPO) se souvient avoir immédiatement expliqué qu’il s’agissait « d’une énorme bêtise ». Il y voit une manœuvre utilisant « un fusil à deux coups : on met le bazar, et comme ça ne va pas marcher, le TFR sera légitime ». À la mi-octobre 2018, les deux syndicats de pharmaciens et trois syndicats de médecins (CSMF, MG France, SML) se fendaient d’un communiqué commun contre ces mesures, suivi d’autres communications de la part de la chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacie FEDERGY et de France Assos Santé. L’association des fabricants de génériques (GEMME), a d’abord salué la volonté du gouvernement de favoriser le générique, avant de noter que ces mesures pourraient être contre-productives. Mais un an plus tard, rien n’a bougé et l’échéance du 1er janvier 2020 se rapproche.
Plus de 80 % des princeps pourraient s’aligner
L’article 66 de la LFSS 2019 a d’abord été évoqué par Alain Grollaud, président de FEDERGY, et Philippe Besset, président de la FSPF, pour ses futurs effets « catastrophiques » sur l’économie officinale. Mais Nicolas Revel, directeur de l’assurance-maladie, se montre prudent et considère qu’il est trop tôt pour connaître son impact. Selon lui, soit ces mesures entraînent un développement des génériques, soit elles peuvent générer le scénario craint par les pharmaciens d’une « TFRisation généralisée ». Mais dans ce cas, face à « l’impact massif sur l’économie de l’officine, nous serions nécessairement amenés à l’intégrer dans notre pilotage de la réforme de l’économie officinale ». En effet, des éléments ne relevant pas du cadre conventionnel sont intégrés s’ils relèvent de l’observation globale de l’économie officinale. « Dans notre tableau de suivi, on intègre tout », assure Nicolas Revel.
Mais pour Stéphane Joly, président du GEMME, le scénario du TFR généralisé est assuré. « Depuis un an je répète que les princeps vont s’aligner et aujourd’hui nous avons la réponse : mes amis du LEEM me l’ont confirmé. Ça ne sera peut-être pas 100 % mais de l’ordre de plus de 80 %. » Ce scénario est d’autant plus une évidence que « sur 800 groupes génériques dans le répertoire, 280 groupes sont TFRisés, parmi lesquels, l’an dernier, 260 étaient alignés ». Jusqu’alors, il y a peu de conséquences car, hormis les pharmaciens, peu de personnes sont conscientes de cet alignement des prix et les objectifs de substitution générique continuent de motiver les officinaux. « Ce qui va changer au 1er janvier 2020, c’est que les laboratoires princeps vont non seulement faire la démarche de s’aligner sur le prix générique, mais ils vont aussi utiliser leurs visiteurs médicaux pour informer le médecin qui va pouvoir dire à son patient : c’est la même chose, le même prix, sauf que c’est le vrai. »
Baisse de rentabilité
En conséquence, le GEMME table sur un recul de ventes du générique en volume l’an prochain d’environ 20 %. « C’est estimatif, ça peut être pire ! » Face à des baisses de volume, et donc une baisse de rentabilité des sociétés génériques, alors que la France est considérée comme peu rentable sur ce marché en Europe, « l’industrie du générique va fortement souffrir et, par répercussion, l’économie officinale ».
Des craintes entendues par Nicolas Revel qui note qu’un tel scénario serait aussi dommageable pour les pouvoirs publics. C’est pourquoi il reste réservé sur les effets annoncés. D’autant que certains pays comme l’Allemagne, ayant « introduit un différentiel de remboursement entre princeps et génériques », n’ont pas été confrontés à un alignement des prix par les princeps. En outre, il ajoute que « les conditions de mise en œuvre » ne sont pas encore connues et qu’en cas d’effets négatifs, il sera toujours possible « d’intervenir et de modifier ».
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