Une bonne nouvelle peut parfois en cacher une moins bonne. C’est le cas du chiffre d’affaires de l’officine (ventes + honoraires et ROSP). Avec un rebond de 1,12 %, 1,39 %, voire 2 %*, en 2018 après deux années de croissance plus discrète (taux moyen de 0,75 %), cette reprise soulignée par les trois cabinets d’experts-comptables -CGP, Fiducial et KPMG - est d’autant plus significative qu’elle s’inscrit dans le contexte d’un prix du médicament à la baisse.
Les experts-comptables s’empressent toutefois d’ajouter un bémol. Si l’officine renoue avec la croissance, elle le doit avant tout à la perte de 226 pharmacies subie par le réseau pendant la même année. « Il y a donc eu le report et la répartition de 180 millions d’euros sur le réseau », analyse Philippe Becker, directeur du département Pharmacie du cabinet Fiducial. Un effet mécanique par conséquent qui abonde à la croissance organique du chiffre d’affaires à hauteur de 0,40 ou 0,50 %, selon les estimations des experts.
Ces résultats portent donc à 1,569 million d’euros le chiffre d’affaires moyen des officines suivies par Fiducial, à 1,713 million l’activité des pharmaciens clients de KPMG et enfin à 1,831 million d’euros, le CA des officines qui s’attachent les conseils du réseau CGP. Le chiffre d’affaires médian de la pharmacie français avoisine désormais 1,6 million d’euros. Première année de la réforme oblige, les experts-comptables sont désormais en mesure de chiffrer l’impact des nouveaux éléments de rémunération prévus à l’avenant 11 de la convention pharmaceutique de juillet 2017. « Nous estimons que les montants des honoraires agrégés à ceux des ROSP et autres services constituent désormais environ 10 % du chiffre d’affaires de l’officine », souligne Philippe Becker.
Le médicament remboursable, socle de l'activité
Les experts-comptables avancent d'autres arguments pour temporiser la performance du chiffre d’affaires en 2018. Son taux de croissance doit être mis en perspective avec celui de l’inflation et, deuxième argument, l’officine doit en majeure partie la hausse de son chiffre d’affaires à l’arrivée de médicaments chers. En témoigne le léger rebond (+ 0,30 point) marqué par l’activité du médicament remboursé (TVA 2,1 %) au sein du chiffre d’affaires comme le détectent les cabinets Fiducial et KPMG. De fait, l’exercice officinal reste centré sur le cœur métier, le médicament de prescription reste prédominant et contribue pour 73 %, voire 75 %, à l’activité officinale. Une nouvelle fois, cependant, ce score doit être relativisé et mis en perspective avec la part détenue par l’OTC qui ne cesse de s’éroder d’année en année. En 2018, le produit OTC (TVA à 10 %) et la catégorie des produits de TVA à 5,5 % (compléments alimentaires) contribuent pour 15,16 % (moyenne des trois cabinets comptables) au chiffre d’affaires de l’officine.
L’agrégation dans le chiffre d’affaires des ventes, des honoraires et des ROSP rend l’analyse des experts-comptables plus complexe. Par conséquent, il leur est difficile d’anticiper sur l’évolution des officines en fonction de leur typologie. Et de savoir comment la part détenue par la parapharmacie (TVA 20 %), qui atteint aujourd’hui 10,39 %, voire 12,20 % du chiffre d’affaires, évoluera dans les années à venir. Pour l'heure, ce segment s'affiche encore parmi les segments porteurs au sein des pharmacies étudiées par CGP (bilans clôturés au 31 décembre 2018). Contrairement à l'OTC qui recule de 3,96 % (-5,11 % chez Fiducial).
En termes de typologie, les pharmacies situées dans les centres commerciaux semblent le mieux tirer leur épingle du jeu. Avec une progression de leur activité de 2 %, voire de 4,1 %, elles se démarquent de leurs concurrentes des zones rurale et urbaine où l’activité peine à se hisser au-delà de 2 %. « Ces pharmacies de centres commerciaux décollent de plus en plus. Ce sont des pharmacies qui continuent de progresser, ce qui met en avant la problématique de l’emplacement. Elle est évidente puisque certaines pharmacies de milieu rural se trouvent dans des déserts médicaux, ce qui explique la faiblesse de leur fréquentation », indique Philippe Becker.
Alerte sur la petite officine
Quoi qu’il en soit le rebond du chiffre d’affaires a profité en 2018 à une majorité des officines (52,70 % pour le réseau CGP, 57,12 % chez Fiducial et 59,90 % chez KPMG), alors qu’en 2017 moins de la moitié du réseau était en progression.
Les experts-comptables alertent cependant sur le recul subi une fois de plus par les petites officines (voir page 15). Ainsi CGP pointe une baisse de 2,04 % du chiffre d’affaires des structures dont l’activité est inférieure à 1 million d’euros. Chez Fiducial, les toutes petites officines, c’est-à-dire celles réalisant moins de 750 000 euros de chiffre d’affaires par an, subissent une baisse de 1,74 %. La tranche supérieure (CA entre 750 000 euros et 1,05 millions d’euros) marque le pas (- 0,20 %), tandis que toutes les autres catégories d’officine progressent.
Il n’en reste pas moins que la ligne de partage des eaux se situe à 2 millions d’euros. À partir de ce niveau de chiffre d’affaires, l’activité commence à enregistrer un taux de croissance notable (entre 1,97 et 2,43 %). À partir de ce seuil d’activité également le titulaire va pouvoir se rémunérer décemment, c’est-à-dire s’accorder au moins 4 000 euros par mois.
* Les écarts de résultats proviennent des différences de panels étudiés par les experts-comptables (1 741 officines pour le réseau CGP, 516 officines pour KPMG et 527 officines pour Fiducial, soit 2 784 pharmacies ou 13 % du réseau officinal).
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