Le Quotidien du pharmacien. Ceux qui vous écoutent lors de vos conférences devant un parterre de jeunes diplômés, constatent que vous restez d’un optimisme inébranlable sur la profession. Cela contraste avec l’ambiance générale. Y a-t-il des changements qui justifient cette foi dans l’officine libérale ?
Philippe Becker. Disons qu'il y a plus d’opportunités qu’il y a dix ans. À titre d’exemple : des prix de cession qui deviennent plus raisonnables, une meilleure capacité à emprunter du fait de la faiblesse actuelle des taux d’intérêt… On peut aussi ajouter que les jeunes pharmaciens disposent de plus d’outils qu’auparavant pour monter la première marche de l’installation.
Par exemple ?
Christian Nouvel. Ils peuvent désormais prendre dix pour cent du capital de la société où ils travaillent en restant salarié si le titulaire le décide. Ils peuvent aussi acquérir des parts de SEL sans inconvénients fiscaux majeurs grâce aux SPFPL, tout cela n’existait pas il y a 4 ans.
L’apport personnel reste le talon d’Achille des jeunes pharmaciens. Comment peuvent-ils résoudre l’équation ?
Philippe Becker. En anticipant le problème qui existe pour tous. L’aventure de l’installation passe généralement par une aide, voire une entraide familiale. Il faut le dire et le redire, et surtout faire passer le message. C’est pourquoi les jeunes diplômés feraient bien de participer un peu plus aux réunions familiales… C’est l’occasion de faire la promotion de leur projet, tout en ayant en tête les régimes d’exonérations pour les donations entre parents ou grands-parents Si le projet est plus lointain, on sera bien inspiré d’investir dans son habitation principale qui peut constituer à terme une part non négligeable de l’apport.
Une alternative au manque d’apport personnel apparaît dans le paysage : les obligations convertibles en action (OCA). Pouvez-vous en définir les contours et les limites.
Christian Nouvel. L’obligation est un prêt consenti par des personnes physiques ou des sociétés à une autre société. Cette dernière émet des obligations pour un montant unitaire et une quantité déterminée avec un taux d’intérêt qui sera servi annuellement et un remboursement au terme. Dans le cas des OCA, le titulaire des obligations peut opter pendant la période dite de conversion pour obtenir des titres de la société au lieu d’être remboursé. C’est une technique de financement des entreprises très ancienne qui a beaucoup de succès lorsque l’emprunteur a une signature solide. Cela combine à la fois un placement stable avec revenu régulier et une opportunité de plus-value si le cours de l’action monte.
Quel est l’intérêt pour un jeune qui veut se lancer pour acheter une officine ?
Philippe Becker. Par ce biais il « boucle » un financement lorsque la banque prêteuse ne souhaite pas s’engager au-delà d’un certain montant du fait d’un apport personnel trop juste. Les OCA font la jointure et permettent de réaliser l’achat. À l’échéance, le remboursement des OCA pourra se faire sur fonds propres ou, le plus souvent, par la souscription d’un nouvel emprunt. On notera que lorsque l’obligation n’est pas convertie en action, le prêteur perçoit une prime de non-convertibilité et un taux de rémunération du prêt un peu supérieur au taux d’emprunt bancaire.
Ce sera alors plus facile de solliciter sa banque ?
Christian Nouvel. Oui, si la situation financière et la rentabilité sont bonnes, il n’y aura pas de problème. D’autant que le capital de l’emprunt principal aura fondu.
Qui sont les prêteurs actuellement ?
Philippe Becker. Majoritairement des groupements de pharmaciens qui cherchent à développer le nombre de leurs adhérents. Tout cela reste donc dans le monde officinal car les institutionnels visent eux des grosses sociétés.
Et la conversion en action ! Qu’en est-il ?
Philippe Becker. Pour l’instant c’est impossible, hormis pour ceux qui peuvent être admis comme associés dans les SEL. Mais bien évidemment si un jour les textes changent, le jeune titulaire pourrait se retrouver avec des associés non-pharmaciens sans qu’il l’ait voulu.
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