Le quotidien du pharmacien. Aujourd’hui, lorsqu’on décide de faire des travaux à l’occasion de l’achat d’une officine, y a-t-il un vrai retour sur investissement ? Est-il utile de faire des travaux alors que l’activité stagne, dans le meilleur des cas ?
Philippe Becker. Toutes les officines n’ont pas à être rénovées, mais cela s’impose souvent lorsque le titulaire qui vend y a exercé pendant longtemps. En général, les acquéreurs pensent que des travaux vont « booster » l’activité. Cela ne se vérifie que si l’on a fait une bonne analyse d’impact.
Comment définiriez-vous une bonne analyse d’impact ?
Alain Fils. C’est analyser, soi-même ou avec un spécialiste de ces questions, les raisons pour lesquelles l’officine n’est pas à son optimum en termes de chiffre d’affaires et de marge brute.
Parfois, réaliser des travaux n’est pas particulièrement opérant, car l’analyse montre qu’il faudrait faire un petit transfert en même temps. Il faut aussi tenir compte de la concurrence locale et de l’état des officines voisines. Et il faut également analyser les attentes de la clientèle. Nous constatons, bien des fois, qu’un simple réaménagement de la pharmacie suffit.
Notre conseil : mieux vaut se faire accompagner par des professionnels qui ne sont pas liés à des agenceurs et qui sont capables de définir les besoins et de valider avec l’acquéreur les bons choix.
Quel est le budget moyen et que doit-on mettre dans ce budget ?
Philippe Becker. Il n’y a pas, à proprement parler, de budget moyen. Il faut plutôt concevoir le projet autour d’un prix moyen au mètre carré. Mais, en fonction de la qualité des matériaux et du mobilier, on peut donner une fourchette comprise entre 750 euros et 1 000 euros hors taxes par mètre carré.
Bien évidemment, il faut tout inclure, car le plan prévisionnel et la demande de financement dépendent des devis. C’est assez simple lorsqu’on ne touche pas aux structures, à l’électricité et à la plomberie : en général, un simple rajeunissement par de la peinture et avec le changement des faux plafonds ne conduit pas à de mauvaises surprises en termes de budget. À l’inverse, les gros travaux sont plus difficilement chiffrables.
Justement, quels sont les pièges à éviter ?
Alain Fils. Dans une carrière d’expert-comptable, on voit de tout, et nous pourrions écrire un livre avec les anecdotes récoltées sur ce sujet ! Tout d’abord, il y a un principe immuable : les travaux durent toujours plus longtemps et coûtent toujours plus cher que prévu. Ce principe, selon nos constatations, ne souffre pas d’exception ! Cela dit, le vrai piège est dans l’incertitude sur ces deux points : s’il s’agit de trois jours de retard et de 5 % de dépassement de prix, le nouveau titulaire s’en remettra. Mais au-delà, ce peut être très gênant.
Un autre point important est le choix de la période pour réaliser les travaux car, souvent, il faut quasiment fermer l’officine. En général, un acquéreur veut réaliser les travaux dès la reprise, mais il n’est pas toujours judicieux de procéder ainsi, surtout en ville. En effet, le risque de perte de clientèle est potentiellement important, surtout si les travaux durent plus longtemps que prévu.
Attendre le mois d’août lorsque la clientèle s’est accoutumée au nouveau titulaire est moins risqué. Et puis, travailler dans les anciens agencements pendant quelque mois permet de mieux évaluer ce qu’il y a lieu de faire ou pas.
Philippe Becker. Il y a d’autres points sur lesquels il faut être vigilant, notamment l’autorisation préalable de travaux donnée par le propriétaire des murs si on est locataire. Il faut aussi se préoccuper des autorisations administratives : elles sont nombreuses et parfois difficiles à obtenir lorsque la pharmacie est située près d’un bâtiment historique. Il n’est pas superflu non plus de vérifier la solidité du bâtiment s’il est ancien : ce n’est pas anodin…
Dans tous les cas, le choix d’un maître d’œuvre compétent est capital. Le titulaire doit se renseigner pour avoir des références et ne pas hésiter à questionner les confrères qui ont également fait des travaux.
Comment finance-t-on ces travaux de rénovation ?
Philippe Becker. Lors d’une reprise d’officine, on ajoute le coût des travaux à tous les éléments à financer et, en général, on rembourse sur la même durée, soit douze ans. Parfois, le mobilier et les croix seront financés par crédit-bail si le banquier principal souhaite limiter ses engagements.
Attention : le crédit-bail est d’une durée assez courte - quatre à cinq ans -, donc l’impact sur la trésorerie sera plus fort les premières années.
Quel est l’impact fiscal des travaux ?
Alain Fils. Tout dépendra de la durée de vie économique de cette rénovation. En général, les gros travaux qui s’incorporent à la structure du bâtiment s’amortissent sur une durée de dix à quinze ans. Par contre, le mobilier qui, par nature, vieillit plus vite, peut s’amortir sur une durée plus courte, de cinq à sept ans. À cela s’ajoutent les frais financiers liés à l’emprunt contracté.
En cas de crédit-bail, par ailleurs, on peut déduire l’intégralité des loyers. À noter aussi que, malheureusement, les travaux n’entrent pas dans le dispositif « Macron » qui permet un suramortissement de 40 %.
Selon votre expérience, quand et comment mesure-t-on l’impact des travaux ?
Philippe Becker. Il y a trois indicateurs à suivre attentivement. En premier lieu, bien sûr, l’évolution des « ventes comptoir ». Ensuite, la rénovation peut être un accélérateur pour les produits à marge libre et ils peuvent augmenter la marge brute globale. C’est donc un paramètre de gestion qu’il faut suivre aussi. Enfin, une rénovation bien conçue améliore généralement l’ergonomie et par ricochet la productivité, qui se mesure par le chiffre d’affaires produit par employé à temps complet.
Au total, rénover l’officine que l’on achète est un vrai projet, qui nécessite une réflexion sérieuse. Il faut tenir compte de nombreuses contraintes, qui ne sont pas seulement financières comme on le pense souvent…
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