L’AVIS rendu à quelques jours de Noël par l’Autorité de la concurrence a eu le don d’énerver un peu plus la profession. Déjà mise à rude épreuve par un contexte économique difficile, la pharmacie vient de perdre le monopole de vente des tests de grossesse et ne parvient pas à s’accorder avec l’assurance-maladie pour la mise en place de l’honoraire, pendant que les baisses de prix continuent et que les contrats de coopération sont dans le collimateur du gouvernement. Certes, l’Autorité de la concurrence a assorti sa proposition d’une obligation de conseils délivrés par des pharmaciens diplômés, dans des espaces de vente dédiés. Mais les réactions à cet avis ne se sont pas fait attendre. À commencer par celle de la ministre de la Santé, Marisol Touraine, qui s’est immédiatement déclarée « opposée à la vente de médicaments en grande surface », en rappelant son « attachement au monopole officinal sur les médicaments, qui permet à notre pays de sécuriser leur dispensation et d’agir efficacement contre la contrefaçon, tout en garantissant l’accès de nos concitoyens aux médicaments sur l’ensemble du territoire ».
Soulagée, la profession a tenu néanmoins à s’exprimer. Pour l’Union syndicale des pharmaciens d’officine (USPO), « cela revient à créer des pharmacies supplémentaires au sein de supermarchés et d’hypermarchés, alors que les pouvoirs publics demandent une optimisation du réseau officinal ». La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) regrette un raisonnement « purement économique sans véritable analyse des enjeux de santé publique ». Le syndicat de Champagne-Ardenne s’inquiète de son côté d’une mesure qui pourrait pousser les Français à « consommer davantage » de médicaments.
Pérennité des soins.
L’Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (AFIPA) parle d’ « effet d’annonce pour une proposition infondée au regard de la réalité objective des expériences européennes en la matière ». En effet, l’association s’étonne des chiffres communiqués dans l’avis car les données connues montrent au contraire que « ce modèle de distribution n’a finalement pas favorisé une diminution des prix » et que « l’Italie affiche un prix moyen sur les médicaments d’automédication largement supérieur à celui de la France ». Elle rappelle d’ailleurs que « les prix français des médicaments d’automédication sont déjà parmi les plus bas d’Europe et connaissent une baisse continue et significative depuis quatre ans ». Ce que confirme l’Ordre des pharmaciens, qui précise que « les pharmacies ne sont pas systématiquement plus chères que les parapharmacies et les grandes surfaces ».
Le Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO) s’offusque quant à lui d’une « proposition préjudiciable à la pérennité des soins » en créant « une déstabilisation économique pour des motifs purement consuméristes, certes légitimes, mais au détriment de la santé de nos concitoyens ». Le maillage officinal permet de préserver l’accessibilité aux soins, y compris en milieu rural, et l’organisation de la chaîne pharmaceutique de garantir l’absence de contrefaçon. Pour sa part, l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) s’insurge : « le médicament n’est pas un produit de consommation courante et ne peut être réduit à une simple vente dans les grandes et moyennes surfaces ».
Quelques voix se sont néanmoins prononcées en faveur de la vente des médicaments en GMS. L’UFC-Que Choisir estime que cela permettrait de baisser « de 16 % les dépenses d’automédication des Français » et d’augmenter « de 10 % le nombre de points de distribution, avec des horaires de vente élargis ». Michel-Edouard Leclerc, qui réclame de longue date le droit de vendre des médicaments dans ses magasins, affirme que la vente en GMS permettrait d’ « aboutir à une baisse des prix, sans que la qualité ou les règles de sécurité des patients ne soient remises en cause ».
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