LES PHARMACIENS traînent des pieds pour délivrer des grands conditionnements. Faux, rétorque Philippe Besset, président de la commission Économie de l’officine de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Son organisation a en effet cherché à déterminer le champ dans lequel il était possible aux officinaux de dispenser un conditionnement de trois mois. Deux conditions semblent nécessaires : d’abord, que des emballages trimestriels soient disponibles, mais aussi que la durée de prescription soit d’au moins trois mois. Conclusion de la FSPF : 35 % des ordonnances sont éligibles aux emballages trimestriels. Et à l’intérieur de ce champ, 8 fois sur 10 les pharmaciens délivrent un grand modèle. C’est aussi bien que pour la substitution générique. « Les pharmaciens jouent le jeu », insiste donc Philippe Besset.
96 millions de perte.
Pourtant, ils auraient des raisons de les laisser dans leurs tiroirs. Car ces grands modèles pèsent sur l’économie des pharmacies. Sur un an, ils ont coûté pas moins de 96 millions d’euros de perte de marge à l’officine. Dans le même temps, ils ont rapporté 116 millions d’euros à l’assurance-maladie. Le gain pourrait même atteindre près de 141 millions d’euros à la fin de l’année. On est bien au-dessus des prévisions de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 qui tablait sur 107 millions d’euros d’économies. Philippe Besset relève également que ces grands modèles concernent aussi désormais des médicaments en dehors des quatre classes thérapeutiques fixées initialement. Une chose inacceptable à ses yeux.
Une contribution normale.
Tout aussi mécontent, Gilles Bonnefond, président délégué de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). « Le poids des grands conditionnements sur l’économie n’est plus acceptable aujourd’hui », affirme-t-il. Pour lui, ces emballages sont source de gaspillage et en totale contradiction avec la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) qui prône le suivi thérapeutique.
Noël Renaudin, président du Comité économique des produits de santé (CEPS) ne comprend pas pourquoi les officinaux s’indignent aujourd’hui que l’effort sur les grands conditionnements repose essentiellement sur eux. « Personne n’a jamais contesté que cela coûte principalement aux pharmaciens. Cela a été fait pour cela », explique-t-il. Il ajoute : « C’est la contribution de l’officine au plan de rétablissement de l’équilibre de l’assurance-maladie ». Quand à la gabegie supposée, Noël Renaudin réfute l’affirmation et lance : « Il y aurait du gaspillage ? Prouvez-le ! ».
L’USPO, justement, a mené l’enquête. Le syndicat a épluché les ordonnances sur un an de 20 758 patients atteint de diabète, d’hypertension artérielle, d’ostéoporose ou d’excès de cholestérol, pathologies pour lesquelles des conditionnements trimestriels existent. Résultat, près d’un quart (23,1 %) de ces malades chroniques ont changé au moins une fois de molécule ou de dosage, voire ont complètement arrêté leur traitement au cours de l’année. L’USPO a été plus loin et a chiffré le surcoût pour la collectivité à près de 36 millions d’euros par an.
Un modèle à repenser.
De son côté, la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) s’apprêterait à lancer sa propre étude sur le sujet. Il appartiendra ensuite à Roselyne Bachelot d’en tirer les conclusions. La ministre de la Santé a d’ailleurs indiqué qu’elle serait attentive aux résultats de cette étude afin de procéder à d’éventuels ajustements.
En attendant, et malgré les explications du président du CEPS, Gilles Bonnefond n’en démord pas : il faut mettre fin à la commercialisation des grands modèles. « Lorsqu’ils ont été mis en place il y a cinq ans, l’économie de nos entreprises était en phase de progression, souligne le président délégué de l’USPO. Or aujourd’hui, nos résultats sont à la baisse. » « Une nouvelle réflexion sur le sujet doit être menée avec les pouvoirs publics », estime pour sa part Philippe Besset. Mais le gouvernement ne semble pas, pour le moment, prêt à desserrer la vis sur le poste médicament.
- Besset p 7
- tableau Bonnefond Qph n°2694
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