• Philippe Gaertner : aller plus loin sur les honoraires
Signataire de l’avenant rémunération avec l’assurance-maladie, Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), en est convaincu, « abandonner l’honoraire serait une erreur ». Pour lui, le mode de rémunération en place depuis le 1er janvier est meilleur que l’ancien et il est évolutif.
De plus, si la mise en œuvre s’était faite en une seule étape, comme le souhaitait la FSPF, les résultats seraient encore meilleurs aujourd’hui, affirme Philippe Gaertner, courbes à l’appui (voir ci-dessous). « La régression du chiffre d’affaires est indépendante de l’instauration de l’honoraire, mais est liée aux baisses de prix », estime le président de la FSPF.
Le nouveau mode de rémunération ne compense pas complètement les diminutions de prix, mais les honoraires (à la boîte et pour les ordonnances complexes), ont un impact positif sur la marge de 25 millions d’euros sur le premier semestre 2015 et protège des baisses de prix à hauteur de 20 %. Et ne pas enclencher la deuxième étape au 1er janvier 2016, c’est-à-dire le passage à l’honoraire d’un euro HT à la boîte, entraînerait un manque à gagner pour l’officine.
Selon la FSPF, la réforme va apporter entre 40 et 50 millions d’euros à l’officine l’année prochaine. Certes, Philippe Gaertner défend l’idée d’un honoraire à l’ordonnance, comme le prévoit d’ailleurs la convention signée avec l’assurance-maladie, mais « il fallait y aller progressivement ». « Oui la rémunération à l’honoraire va dans le bon sens et nécessite d’aller plus loin », ajoute-t-il. Mais il insiste sur un point : « non aux baisses de prix non compensées pour l’officine ».
Le président de la FSPF ne croit pas au principe d’un montant minimum de perception par ordonnance qui aurait, selon lui, « un impact inégal sur le réseau officinal ». Il rejette également l’idée de réintégrer l’honoraire dans l’arrêté de marge qui reviendrait, à ses yeux, à le supprimer. « Il faut bien comprendre que s’inscrire dans un dispositif conventionnel, pour la moitié de la rémunération, est beaucoup plus sécurisant que dépendre d’un arrêté de marge dont la signature est du seul ressort du ministre, argumente-t-il. À l’inverse, pour changer la convention, il faut que les signataires soient d’accord. » Quant à un contrat avec l’État, Philippe Gaertner indique que la profession l’avait demandé, mais qu’il lui a été refusé.
Toutefois, même si la mise en œuvre de la nouvelle rémunération a permis de limiter les effets de la dégradation économique, la FSPF estime qu’elle pourra à peine contenir les effets du nouveau plan d’économies appliqué cette année et encore moins celui d’1,7 milliard d’euros programmé pour 2016. « Soucieuse de préserver tous les maillons du réseau officinal pour maintenir l’accès au médicament sur l’ensemble du territoire », elle propose d’étendre l’honoraire de dispensation pour les ordonnances de cinq lignes et plus aux prescriptions pour les patients chroniques en affection de longue durée (ALD).
« Cette mesure permettra d’apporter des ressources nouvelles en compensation des baisses de prix et contribuera, dans le même temps à l’amélioration de l’observance des traitements », explique la FSPF. Parallèlement, elle demande l’augmentation de cet honoraire de 50 centimes à 1 euro. « Le montant de l’honoraire pour ordonnance complexe a été fixé sur une base économique qui a été considérablement modifiée par l’amplification des baisses de prix, souligne le syndicat. Sa valeur est aujourd’hui déconnectée des enjeux de rémunération pour l’officine. Elle doit donc évoluer pour conduire à une réelle déconnexion des prix et des volumes. »
• Gilles Bonnefond : un mauvais accord
Non-signataire de l’avenant rémunération, Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), estime que l’honoraire à la boîte ne répond pas aux difficultés économiques rencontrées actuellement par le réseau. Il affirme que les baisses de prix ne peuvent pas être jugées responsables de la perte de la rémunération qui, selon ses calculs, recule de 2,37 % sur les huit premiers mois de l’année (voir tableau ci-contre). Ce qui, pour lui, montre bien que la réforme de l’honoraire n’amortit pas les baisses de prix. D’autant que selon lui, ces baisses étaient connues au moment de la signature de l’accord, puisqu’inscrites dans le pacte de stabilité dévoilé en avril 2014 et qui prévoyait 10 milliards d’euros d’économie sur la santé.
Gilles Bonnefond n’en démord pas, la poursuite de la réforme de la rémunération, avec le passage à l’honoraire à 1 euro au 1er janvier 2016, va encore aggraver la situation, en particulier pour les pharmacies rurales. La raison ? « On fait croire aux pharmaciens qu’ils gagneront 20 centimes de plus par boîte délivrée l’année prochaine. En réalité, ils perdront 8 centimes pour les produits dont le prix dépasse 1,81 euro et jusqu’à 8 centimes pour les spécialités dont le prix se situe entre 1,61 et 1,81 euro », affirme le président de l’USPO. Il ne croit pas que les 50 millions d’euros promis par l’honoraire à un euro HT seront au rendez-vous.
Car, selon lui, il n’y aura de ressources supplémentaires qu’à condition qu’il n’y ait plus de baisses de prix, de déremboursements ou de modifications de conditionnement. Si des grands modèles de paracétamol arrivent sur le marché, comme il en existe déjà dans d’autres pays, « on perd 50 millions d’euros », estime Gilles Bonnefond, l’honoraire n’étant perçu que pour une boîte, quel que soit le nombre de comprimés qu’elle contient. Quant aux déremboursements, les propos tenus par le chef de l’État lors de sa conférence de presse, début septembre, ne laissent rien présager de bon, aux yeux du président de l’USPO.
Il faut « être capable de ne pas prendre en compte un certain nombre de médicaments qui n’ont pas d’indication thérapeutique tout à fait décisive, et en revanche de garantir et d’améliorer le remboursement », expliquait alors François Hollande. Pour Gilles Bonnefond, la rémunération doit donc se détacher de la boîte et aller vers un honoraire à l’ordonnance.
Plus précisément, l’USPO propose que l’honoraire de 0,80 euro HT à la boîte soit transformé en forfait à la boîte et intégré à l’arrêté de marge, ce qui éviterait toute discussion sur la légitimité d’un honoraire de dispensation en cas de non-prescription. Parallèlement, il souhaite l’instauration d’un honoraire à l’ordonnance qui permettrait de compenser les prescriptions les moins rémunératrices. « Aujourd’hui, 28 % des ordonnances rémunèrent moins de 2,50 euros le pharmacien », souligne Gilles Bonnefond.
L’objectif est donc qu’il bénéficie d’un minimum de perception, d’environ 4 euros par ordonnance. Lorsque sa marge est inférieure à ce montant, il percevrait alors un honoraire complémentaire. Le tout devant se faire dans le cadre d’un contrat de trois ans avec l’État. « L’accord sur l’honoraire est mauvais, insiste Gilles Bonnefond. La réforme de la rémunération doit être impérativement revue et corrigée, sinon la profession sera dans l’impasse pour trois ans. Il est nécessaire de renégocier très rapidement et ne pas passer à l’étape du 1 euro à la boîte prévue pour janvier 2016. » Il ajoute : « On ne veut pas revenir en arrière. On veut une réforme qui réponde aux attentes des pharmaciens. »
• Jean-Luc Fournival : une réforme pas égalitaire
« La réforme n’est pas égalitaire, j’aimerais dire le contraire », lance Jean-Luc Fournival, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), qui n’a pas signé l’avenant rémunération. Selon une étude menée par son syndicat auprès de 2 000 officines sur le 1er semestre 2015 (par rapport aux conditions du 1er semestre 2014), la nouvelle rémunération a permis un gain par pharmacie de 1 340 euros. Mais les baisses de prix ont eu un impact extrêmement négatif : - 4 000 euros. Résultat, au global, la marge enregistre une perte de 2 660 euros.
Plus largement, il affirme que, sur les six premiers mois de l’année, 99,6 % des officines ont été impactées par les réductions tarifaires, avec une perte moyenne par pharmacie de 4 857 euros. « L’honoraire à la boîte est insuffisant pour compenser les baisses de prix », conclut Jean-Luc Fournival. Et selon lui, les gains espérés avec l’honoraire « complexe » ont été remis en cause par les baisses de prix. Une perte de 4 800 euros est ainsi enregistrée pour les pharmacies ayant beaucoup de malades chroniques dans leur clientèle. En fait, analyse le président de l’UNPF, « l’impact de la nouvelle rémunération ne dépend pas de la taille de l’officine, mais de son positionnement ». Autrement dit, les pharmacies les plus touchées sont celles proches des hôpitaux (qui vendent des produits onéreux dont la marge est plafonnée pour la partie du PFHT supérieure à 1 500 euros), tandis que les officines de passage (gares) tirent leur épingle du jeu.
Dans ce contexte, la poursuite des efforts demandés au poste médicament dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2016 n’est pas fait pour le rassurer. « Le médicament est le principal contributeur pour la quatrième année consécutive », déplore Jean-Luc Fournival, qui craint que les ordonnances de 5 lignes et plus disparaissent avec le PLFSS. « Le réseau va souffrir, en particulier les pharmacies rurales, augure le président de l’UNPF. L’officine moyenne est touchée, les faillites atteignant désormais les entreprises dont le chiffre d’affaires s’élève de 1,2 à 1,3 million d’euros. » « Il faut aller vers un autre schéma pharmaceutique, le régime obligatoire n’est plus notre avenir », ajoute-t-il. Car pour Jean-Luc Fournival, c’est clair, « l’État souhaite une réduction du réseau officinal, mais il n’a pas le courage de nous le dire ».
Pour le président de l’UNPF, il faut donc trouver rapidement des solutions. Réfractaire à la mise en place de l’honoraire à la boîte, il préfère un modèle d’honoraire lié à l’acte, permettant de « déconnecter en partie la rémunération de la quantité pour l’attribuer à la qualité ». « Adossé à une lettre clé et revalorisé tous les ans, il devrait permettre d’emblée la pérennisation du réseau officinal et une rémunération équitable selon la typologie de pharmaciens », écrit le syndicat dans son livre blanc. L’UNPF dénonce le plafonnement de la marge pour les médicaments dont le PFHT est supérieur à 1 500 euros et propose la création d’« un honoraire de responsabilité » pour mieux accompagner les patients ayant des pathologies lourdes et coûteuses nécessitant un suivi particulier. « Cet honoraire couvrirait les retours d’enquêtes relatifs à l’observance et à la tolérance des médicaments », explique Jean-Luc Fournival. En marge de ces nouvelles ressources officinales, l’UNPF incite également aux regroupements d’achats et à la rétrocession entre pharmacies d’officine.
Article précédent
Vers un nouveau statut juridique
Les mauvais chiffres du réseau officinal
Les pharmaciens notent et analysent les évolutions du métier
L’ordinateur ne remplacera pas le professionnel de santé
La législation anti fraude fiscale se renforce
Le zèle de la DGCCRF fait le buzz
PLFSS 2016 : le réseau officinal à nouveau ciblé
Se regrouper pour affronter la modernité
Les honoraires divisent toujours les pharmaciens
Les petites officines en grand danger
Des solutions à trouver d’urgence
Vers un nouveau statut juridique
L’honoraire toujours en débat
Près de 40 % du chiffre d’affaires
Médicaments chers : poids lourds de l’activité officinale
Les concentrations continuent
Hygie 31, Giropharm : grandes manœuvres au sein des groupements
Valorisation et transactions en 2023
La pharmacie, le commerce le plus dynamique de France
Gestion de l’officine
Télédéclarez votre chiffre d’affaires avant le 30 juin