LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Comment a été évaluée l’immunogénicité des vaccins pandémiques ?
Pr Claude Hannoun.- De la même manière que pour les vaccins contre la grippe saisonnière, c’est-à-dire par des essais cliniques qui ont permis d’évaluer leur efficacité au regard de l’immunité humorale, en mesurant dans des groupes suffisamment nombreux la proportion de sujets vaccinés atteignant un titre seuil considéré comme protecteurs d’anticorps neutralisants, l’ampleur de l’augmentation du titre d’anticorps induit par la vaccination ou encore ce que l’on appelle les taux moyens géométriques, autrement dit la moyenne géométrique des titres d’anticorps avant et après la vaccination.
Cela étant, de grands essais cliniques d’efficacité sont actuellement en cours ou en passe d’être lancé dans le monde entier, notamment une cohorte d’environ 40 000 personnes dans l’hémisphère nord qui sera suivie durant 3 ans. Ces essais permettront de croiser les données de protection et les données biologiques.
Il semble que la protection conférée par les vaccins pandémiques soit du même ordre que celle induite par les vaccins antigrippaux saisonniers** ce qui explique qu’une seule injection de vaccin adjuvanté s’avère finalement nécessaire. On sait aussi que la souche pandémique est beaucoup plus immunogène que la souche aviaire H5N1.
Pourquoi réserve-t-on les vaccins sans adjuvant aux jeunes enfants, aux femmes enceintes et aux immunodéprimés ?
Afin d’assurer un maximum de précautions pour des populations pour lesquelles nous n’avons pas le même recul que pour la population générale. Il s’agit clairement de l’application du principe de précaution.
Que faut-il penser de la crainte d’une éventuelle survenue d’un syndrome de Guillain-Barré à la suite d’une vaccination contre le virus A(H1N1) ?
Une telle crainte est totalement injustifiée. En effet, il n’existe à ce jour aucune preuve scientifique solide d’un lien entre ces deux phénomènes. Le risque, s’il existe, ce qui n’est donc pas prouvé, serait au maximum de 1 par million de vaccinations, alors que l’infection grippale elle-même expose à un risque de ce type 10 fois supérieur, de l’ordre de 1 pour 100 000.
Les vaccins pandémiques seront-ils aussi efficaces contre les nouvelles souches portant des mutations qui viennent d’émerger dans plusieurs pays ?
Oui, cela ne fait aucun doute, car les mutations dont il s’agit actuellement ne concernent pas les caractères antigéniques du virus, ni donc la réactivité des anticorps induits par les vaccins. Bien que ces mutations permettent à ces virus, qui pour l’instant diffusent peu, d’atteindre plus facilement le poumon profond et donc de provoquer des formes plus graves de pneumonies primitives, celles-ci les rendent aussi beaucoup moins contagieux que les virus qui se localisent au niveau du nez ou de la gorge.
Pourquoi les recommandations prévoient-elles de vacciner les très jeunes enfants, à partir de 6 mois, contre la grippe pandémique ?
Pr Catherine Weil-Olivier.- On sait depuis longtemps que les enfants d’âge scolaire jouent un grand rôle dans la dissémination des virus de la grippe, mais aussi que le risque d’hospitalisation pour une infection grippale est d’autant plus élevé que l’enfant est plus jeune, au-dessous de 2 ans et encore plus fort avant 1 an. Au regard de la mortalité, même si globalement elle est faible dans la population pédiatrique, le risque est surtout marqué chez les nourrissons de moins de 1 an et dans un cas sur deux le décès survient chez des enfants sans facteur de risque.
Pour quelles raisons les recommandations évoluent-elles au fil du temps ?
Elles évoluent au fur et à mesure que nos connaissances progressent. Il faut se souvenir que nous avons commencé à réfléchir à des recommandations en mai-juin pour que la rédaction en soit prête pour septembre, que nous avions dans l’esprit la létalité effroyablement élevée*** des cas humains de grippe aviaire à virus H5N1, que nous n’avions pas de résultats définitifs de la situation dans l’hémisphère Sud et seulement des données parcellaires concernant ce qui se passait aux États-Unis et en Grande-Bretagne.
Nous savons maintenant grâce aux données de l’hémisphère Sud que le taux d’attaque de la grippe pandémique est très important dans les populations les plus jeunes, en particulier les enfants d’âge scolaire, et que les données épidémiologiques indiquent un fort taux d’hospitalisation chez les enfants de moins de 2 ans.
Peut-on vacciner les asthmatiques sans arrière-pensées ?
Contrairement à d’anciennes craintes, nous savons maintenant que le vaccin antigrippal ne provoque pas d’exacerbation de l’asthme. En revanche, il est bien établi que la grippe aggrave l’asthme et augmente le risque d’exacerbation et que les asthmatiques ont nettement plus de risque de se retrouver en service de réanimation ! Enfin, je rappellerai que la recommandation concernant la vaccination des asthmatiques par le vaccin contre la grippe saisonnière a été émise en 2006.
Faut-il craindre plus de réactions indésirables chez les jeunes enfants ?
La première dose du vaccin pandémique est plutôt bien supportée par les enfants, avec de possibles événements locaux très classiques, à type de chaleur, rougeur, douleur et parfois un peu de fièvre.
La première dose des vaccins adjuvantés est également bien supportée, avec des signes pouvant être un peu plus marqués, mais qui sont la conséquence d’une réaction inflammatoire locale plus puissante qu’avec les vaccins sans adjuvant, signe que la réaction immunogène est plus forte. Ce que l’on perd d’un côté, on le gagne de l’autre !
** Classiquement estimée à environ 80 %, en moyenne.
*** Entre 1 décès pour 2 infections et 2 pour 3.
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