Au niveau de l’intestin, premier organe de l’immunité, les deux principaux acteurs du système immunitaire sont la barrière intestinale et le microbiote. Chez un sujet en bonne santé, on observe un équilibre entre les symbiontes, bactéries commensales bénéfiques, et les pathobiontes, bactéries commensales délétères, ce qui contribue au bon fonctionnement du système immunitaire.
Immunité et inflammation
Lorsque cet équilibre est rompu, on parle de dysbiose ; les symbiontes sont moins nombreux, à l’inverse des pathobiontes qui prolifèrent, entrainant une réaction immunitaire et la libération de cytokines pro-inflammatoires.
Une inflammation de bas grade, au cours de laquelle les marqueurs de l’inflammation sont peu augmentés, est ainsi présente dans de nombreuses pathologies intestinales, comme les troubles fonctionnels intestinaux (TFI), mais aussi dans des maladies métaboliques, comme les diabètes de type 1 et 2 ou l’obésité, et, selon des travaux récents, dans l’autisme ou le stress.
Dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), le système immunitaire est clairement perturbé, avec une augmentation des pathobiontes, notamment des bactéries pro-inflammatoires, et de la synthèse du TNF-alpha.
De nombreuses recherches portent aujourd’hui sur l’identification de bactéries à potentiel anti-inflammatoire, capables de prévenir ou de traiter les pathologies associées à l’inflammation. De telles bactéries ont été testées avec succès sur des modèles murins reproduisant des TFI ou des MICI. Dans les MICI, les recherches menées par l’INRA en collaboration avec le service de gastro-entérologie de l’hôpital Saint-Antoine ont permis d’identifier le rôle bénéfique d’une bactérie intestinale (probiotique) à capacité anti-inflammatoire (Faecalibacterium prausnitzii) présente chez les patients MICI en rémission et absente chez les patients MICI en rechute. Le déficit en cette bactérie (représentant 3 à 5 % du microbiote) peut découler du processus inflammatoire excessif inhérent au dérèglement du système immunitaire, processus qui engendre un stress oxydant et la production en excès de molécules actives oxygénées, qui détruisent la plupart des bactéries intestinales bénéfiques. Des travaux expérimentaux suggèrent qu’il est possible de rétablir l’équilibre (ou homéostasie) en administrant ces bactéries, par transfert de matières fécales notamment. De façon intéressante, l’action anti-inflammatoire de F. prausnitzii passe par plusieurs mécanismes, dont la production d’acide salicylique et d’acide shikimique, précurseur de la mésalazine.
Dans la maladie de Crohn, dont les poussées sont traitées par corticoïdes, immunosuppresseurs ou anticorps anti-TNF-alpha, le fait de rallonger la durée des périodes de rémission constitue un véritable défi, que tentent de relever différentes équipes en prévoyant d’administrer, parallèlement au traitement classique, cette bactérie ou un consortium de bactéries. Des essais cliniques de phase 1 sont prévus à moyen terme.
Par ailleurs, des travaux récents menés par le groupe d’H. Sokol (Unité écologie et physiologie du système digestif, INRA) ont montré que des souris invalidées pour le gène Card9, gène de susceptibilité à la maladie de Crohn, présentent une dysbiose et que le transfert du microbiote de ces souris à des souris saines entraîne une susceptibilité aux colites induites. Une donnée qui souligne encore le lien étroit entre microbiote et système immunitaire.
Dans les infections virales et bactériennes
L’inflammation est un processus nécessaire dans la lutte contre les infections virales et bactériennes. Dans ce contexte, le rôle bénéfique de Bacteroides thetaiotaomicron, bactérie qui représente environ 3 % du microbiote intestinal, a pu être mis en évidence dans des travaux expérimentaux : maturation du système immunitaire et stimulation des cellules T régulatrices. L’une des voies explorées est la prévention des infections à rotavirus chez le nourrisson, en favorisant la maturation du système immunitaire par l’administration précoce de cette bactérie.
Dr Isabelle Hoppenot
D’après un entretien avec Philippe Langella, directeur de recherche à l’Institut Micalis de l’INRA (Jouy-en-Josas).
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