Stérile au cours de la grossesse, l'intestin est colonisé très majoritairement par les bactéries de la mère lors de la naissance par voie basse, et majoritairement par celles présentes dans l'environnement de la salle d'accouchement lors de la naissance par césarienne.
Initialement composé de quelques familles bactériennes, le microbiote se diversifie ensuite progressivement – particulièrement avec l'introduction d'une alimentation de plus en plus variée – pour atteindre sa composition adulte vers l'âge de 2 ou 3 ans. Il reste ensuite relativement stable tout au long de la vie, avant de connaître une évolution avec l'avancée en âge : selon les études, entre 60 et 70 ans comme âge seuil variable.
Comme l'a bien montré Paul O'Toole – l'un des pionniers dans les recherches sur le microbiote intestinal du sujet âgé – dans le cadre du consortium irlandais ELDERMET, la caractérisation du microbiote intestinal demeure une tâche difficile, notamment en raison de la grande variabilité inter-individuelle dans la composition du microbiote chez les sujets âgés. De plus, il semblerait que les habitudes alimentaires et les modes de vie impactent se répercutent fortement, au long terme, sur le microbiote.
La dysbiose liée à l'âge : la conséquence de deux phénomènes étroitement liés
Cependant, les travaux publiés au cours de ces dernières années ont pu confirmer le concept de dysbiose liée à l'âge, conséquence de deux phénomènes étroitement liés : l'immunosénescence et l'inflammaging. Avec le vieillissement, le système immunitaire devient moins tolérant aux bactéries commensales du tube digestif, ce qui induit une dysbiose en faveur de bactéries plutôt pro-inflammatoires, faisant le lit d'une inflammation de bas grade. Viennent s'ajouter les perturbations du transit et de la digestion, elles aussi liées à l'âge, qui entraînent une moindre excrétion de bactéries et donc une augmentation de la charge bactérienne.
Le type même des modifications liées à l'âge reste controversé, en particulier pour les deux phyla dominants, Firmicutes et Bacteroidetes :
- certaines études ont mis en évidence une diminution des Clostridies du groupe XIV dans des populations âgées en Italie ou au Japon, mais n'ont pas été confirmées dans des études similaires en Allemagne ;
- de même, une diminution du nombre de Faecalibacterium prausnitzii, bactérie commensale anti-inflammatoire, a été rapportée chez des sujets âgés italiens, mais pas chez des sujets âgés français et allemands. La proportion de F. prausnitzii, qui est de 3,5 à 5 % chez les adultes d'âge moyen, peut varier de 1 à 16 % chez les sujets âgés, ce qui rend bien sûr les études et conclusions très difficiles ;
- une grande variabilité a également été observée pour le phylum des Bacteroidetes ;
Pour les bactéries sous-dominantes, les données sont plus consensuelles, avec une augmentation des entérobactéries, des entérocoques et des streptocoques chez les sujets âgés.
Ces observations tendent à montrer qu'il existe certaines modifications du microbiote liées à l'âge, mais elles demandent à être confirmées et à étudier leurs conséquences.
Rééquilibrer le microbiote des sujets âgés ?
Ces différentes études soulignent le rôle majeur du lieu de résidence (domicile, institution, hôpital) et du mode d'alimentation sur la composition du microbiote chez les sujets âgés. Les sujets vivant à leur domicile ont ainsi une alimentation plus riche en fibres et moins riche en graisses que ceux vivant en collectivité. Et, plus globalement, les altérations du microbiote sont corrélées au statut santé du sujet âgé – notamment à des marqueurs de l'inflammation, en particulier s'il vit en institution.
C’est pourquoi il semble intéressant de tenter de rééquilibrer le microbiote chez les sujets âgés, à l'instar de ce qui est proposé chez les patients souffrant de maladies chroniques, comme les maladies inflammatoires intestinales. On pourrait ainsi proposer différentes stratégies, telles une alimentation plus riche en fibres à effet prébiotique et/ou une supplémentation en probiotiques traditionnels comme des lactobacilles ou des bifidobactéries et/ou en probiotiques de nouvelle génération.
Docteur Isabelle Hoppenot
D'après un entretien avec Philippe Langella, directeur de recherche à l’Institut Micalis de l’Inra de Jouy-en-Josas.
Références
1. Claesson MJ, Cusack S, O'Sullivan O, Greene-Diniz R, de Weerd H, Flannery E, Marchesi JR, Falush D, Dinan T, Fitzgerald G, Stanton C, van Sinderen D, O'Connor M, Harnedy N, O'Connor K, Henry C, O'Mahony D, Fitzgerald AP, Shanahan F, Twomey C, Hill C, Ross RP, O'Toole PW, 2010. Composition, variability, and temporal stability of the intestinal microbiota of the elderly.
Proc Natl Acad Sci U S A;108:4586-91.
2. Claesson MJ et al. 2012. Gut microbiota composition correlates with diet and health in the elderly. Nature;488:178-84.
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