UNE MARGE « sous perfusion ». C’est le constat dressé par Philippe Besset au sujet de l’état inquiétant de la marge des pharmaciens, qui atteignait seulement +1,8 % en 2011. Le président de la commission économie de l’officine à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) constate qu’elle est principalement soutenue par les services proposés par les laboratoires. En revanche, du fait des baisses de prix des médicaments ainsi que des baisses de volumes, cette marge ne progresse plus, voire régresse. Sur le médicament remboursable, par exemple, les pharmaciens ont perdu 67 millions d’euros de marge en valeur. Quant au chiffre d’affaires moyen, il a augmenté de 1,1 % seulement entre 2010 et 2011, « ce qui correspond à la plus faible évolution des vingt dernières années », s’alarme Philippe Besset. Il prévient d’ailleurs que ce taux risque d’être « en régression l’an prochain ». De plus, 30 % des pharmaciens ont enregistré une baisse de leurs revenus supérieure à 10 %, tandis que 34 % ont des revenus inférieurs à ceux d’un pharmacien gérant. Philippe Besset estime que ces difficultés économiques ont pour conséquence principale de « déplacer le cœur du métier de pharmacien de dispensateur à acheteur ». Ce phénomène inquiète beaucoup la FSPF. En effet, elle constate que « dans les officines de moins d’un million d’euros de chiffre d’affaires, aucun titulaire n’a pu augmenter son résultat, quelle que soit sa gestion. Les baisses de marge frappent tout le monde sans distinction, tandis que les perspectives de négociation avec les laboratoires sont réservées à des officines qui ont un grand volant d’achats », souligne Philippe Besset. Ainsi, le syndicat observe que « les performances d’achat deviennent importantes, voire passent au premier plan, ce qui n’est pas le souhait de la FSPF ».
Entrepreneur et professionnel de santé.
De son côté, Michel Caillaud, représentant de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), refuse la stigmatisation de certaines officines qui privilégient la fonction d’acheteur du pharmacien. « Le chiffre d’affaires d’une officine ne présume en rien de la qualité du service au comptoir, contrairement à ce que la FSPF semble sous-entendre. Par ailleurs, la qualité des achats fait partie de l’exercice officinal », rappelle-t-il. Philippe Gaertner, président de la FSPF, réfute ce procès d’intention. « Il n’y a aucun sous-entendu. Nous défendons le fait que chaque officine puisse faire correctement son travail, répond-il. Cependant, il ne faudrait pas que, à l’avenir, la base de la rémunération de l’officine soit trop dépendante des achats. » Pour lui, le pharmacien doit être à la fois « un bon professionnel de santé et un bon entrepreneur ».
Un avis partagé par Pascal Louis, président du Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO). Il estime que les pharmaciens sont « 100 % professionnels de santé et 100 % entrepreneurs ». Pour lui, les groupements ont justement un rôle important à jouer pour aider les pharmaciens à se recentrer sur leur rôle de professionnel de santé. « Sous le prétexte que les possibilités d’achat actuelles profiteraient davantage aux gros acheteurs et seraient sans intérêt pour les petites officines, nous entendons ces derniers temps des propos relatifs à une restriction souhaitable dans ce domaine », regrette-t-il. Il rappelle qu’« acheter constitue l’une des fonctions premières des groupements, qui œuvrent depuis des années pour organiser, faciliter la tâche du pharmacien dans ce domaine, et ce quelle que soit la taille de l’officine. Cela permet au pharmacien de se dégager progressivement de sa fonction d’acheteur pour se concentrer davantage sur le cœur de son métier : la dispensation et l’accompagnement des patients ». Pascal Louis souhaite que les possibilités de négociation des pharmaciens ne soient pas réduites et, pour cela, il propose une solution simple : « Optimisons les relations commerciales en s’appuyant sur les structures en place que sont les groupements. »
Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), estime quant à lui qu’« empêcher la profession d’acheter est une erreur de stratégie ». Il réclame à nouveau un « ajustement de la rétrocession. Sinon, on risque de tuer toutes les pharmacies en les condamnant à une régression économique », prévient-il. De plus, il s’insurge contre le fait que les efforts de la profession pour permettre à l’assurance-maladie de faire des économies ne soient pas récompensés. « Nous sommes en dessous de l’ONDAM depuis six ans. Et nous plongeons actuellement en dessous de zéro. La profession est en train de régresser. À quelle entreprise devrait-on interdire sa capacité de négociation avec ses fournisseurs ? », s’interroge-t-il.
Les nouvelles missions, facteurs de croissance.
S’il ne remet pas en cause la fonction d’acheteur du pharmacien, Philippe Gaertner souhaite néanmoins qu’elle n’empiète pas sur son rôle de professionnel de santé. Il note que « l’évolution du métier est indispensable, pour montrer l’adéquation entre la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) et les nouvelles missions du pharmacien. Si on ne fait rien, on court à la catastrophe », prévient-il. Il estime que « l’investissement dans l’accompagnement des patients chroniques est important, afin d’obtenir une meilleure observance des traitements ». Pour développer ce rôle du pharmacien, qui passe notamment par les nouvelles missions, Philippe Gaertner met également en avant l’importance de la formation, via le développement professionnel continu (DPC). Il souligne par ailleurs que « la rémunération mixte a été confirmée par un courrier du ministère de la Santé au directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (UNCAM). L’objectif est d’obtenir 25 % d’honoraires d’ici à 5 ans, auxquels s’ajouteront des paiements individualisés à la performance ». Cette part de rémunération inclura la stabilité de la délivrance des génériques chez les plus de 75 ans, mais aussi l’atteinte d’objectifs de substitution sur l’ensemble du répertoire. Il juge que « ces nouvelles sources de revenus permettront d’atténuer l’impact fort des difficultés économiques qui touchent l’officine ».
Un avis partagé par Gilles Bonnefond, qui estime qu’il faut aussi aller chercher la croissance « sur les nouvelles missions, avec les nouveaux modes de rémunération, qu’ils soient forfaitisés ou à la performance ». Il craint cependant que l’objectif de 25 % d’honoraire à cinq ans ne soit « un piège », qui porte préjudice à certaines officines, tandis que d’autres en profiteraient. Michel Caillaud, reste, de son côté très réticent vis-à-vis de ces évolutions de la rémunération et rappelle que la réforme n’est pas effectuée « à périmètre constant, contrairement à ce qui était prévu ».
Malgré ces divergences entre les trois syndicats, un avenant à la convention doit être signé avec l’assurance-maladie avant le 31 décembre, afin de définir ces nouvelles rémunérations, ainsi que les modalités d’accompagnement des patients chroniques. Il leur reste donc deux mois pour se mettre d’accord sur l’avenir qu’ils souhaitent pour la pharmacie d’officine…
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