« LE TIERS PAYANT contre générique est un dispositif d’une efficacité redoutable, constate Pascal Brière, président du GEMME. En revanche, on construit sur du sable parce qu’on ne s’appuie pas sur la confiance mais sur la contrainte. » Une assertion qui a fait bondir Gilles Bonnefond, président de l’Union syndicale des pharmaciens d’officine (USPO) : « Nous n’avons pas construit sur du sable avec l’assurance-maladie. Cette mesure responsabilise l’ensemble des acteurs, dont le patient qui continue à avoir le choix, mais il doit s’acquitter du tiers payant, qui lui sera ensuite remboursé, s’il refuse le générique. Cela fait trois ans que ce système existe, quatre ans que c’est inscrit dans la loi ; on l’applique aujourd’hui pour responsabiliser tous les acteurs, qui conservent leur choix de faire des économies ou pas. » Un point sur lequel Pascal Brière n’est pas d’accord. Pour lui, ce dispositif n’a d’efficacité que tant qu’il existe. « Le jour où vous enlevez la prise du dispositif tiers payant contre générique, on revient en deux mois à la situation antérieure, parce qu’on n’a pas construit la confiance. »
C’est pourquoi le président du GEMME préconise la mise en place de mesures complémentaires qui se fonderaient sur la confiance du patient et du pharmacien, tout en incluant les médecins à l’effort générique. « On a, une nouvelle fois, contourné soigneusement le corps médical, en mettant la pression à la fois sur le pharmacien et le patient. » Tout comme le souligne l’étude Call Medi Call sur le générique (voir page 24), il est essentiel d’obtenir un accord avec les médecins pour qu’ils prescrivent dans le répertoire. « Aujourd’hui, on a optimisé le prix du générique et on a activé le levier de la substitution. Cela n’a d’intérêt que si on met en place un périmètre large d’application pour obtenir une véritable efficience économique, et le périmètre c’est la prescription », lance Pascal Brière.
Érosion du répertoire.
Actuellement, le répertoire représente 37 % du marché global du médicament en France. Cela signifie que, quand bien même 100 % des médicaments du répertoire seraient délivrés en génériques, ils ne représenteraient toujours que 37 % du marché global. « En Allemagne, 60 % des médicaments délivrés sont des génériques. Nous ne sommes pas si différents des Allemands qu’on ne puisse prescrire 60 % dans le répertoire. Je rappelle que 1 % de baisse de prix égale 27 millions d’euros d’économie, 1 % de substitution cela fait à peu près la même chose, 1 % de prescription dans le répertoire donne 88 millions. » Quant au prix, les génériqueurs entrent désormais sur le marché français à un prix inférieur de 60 % à celui du médicament princeps, soit « la réfection la plus élevée des pays européens lorsque les prix sont régulés ».
D’autant que le répertoire s’érode naturellement au fil des années. Le GEMME observe ainsi un répertoire à un temps donné et vérifie son évolution en volume. Le répertoire de 2001, par exemple, représentait 550 millions de boîtes à temps zéro. Dix années plus tard, il en compte tout au plus 300 millions. « Il y a eu des reports de prescription dans d’autres classes thérapeutiques. L’inquiétude nouvelle repose sur le fait que le répertoire à décembre 2011 est inférieur à celui de décembre 2010. La baignoire s’est vidée plus vite qu’elle ne s’est remplie et c’est la première fois que cela arrive. » Concrètement, cela signifie que les chutes de brevets n’ont pas compensé l’érosion naturelle du répertoire. D’où l’enjeu primordial de trouver un accord avec les médecins, « plus efficace que le paiement à la performance, car nous sommes sur un gisement d’économies sans douleur qui serait bénéfique pour tout le monde ».
Image dégradée.
La situation n’en est pas moins positive aux yeux du président du GEMME qui revient sur le répertoire actuel. « Bien sûr que le générique a un avenir puisque nous en sommes à 25 % de délivrances génériques dans un marché de 37 % de généricables, là où les Allemands en sont à 60 %. Dans la structure même du marché, nous pouvons doubler notre résultat. Sans compter qu’il y a encore un flux d’échéances brevetaires, qui certes n’est pas de l’ordre du milliard annuel, mais de 500 millions d’euros, ce qui reste considérable. »
Il existe d’autres raisons de croire en l’avenir des génériques, notamment le dernier sondage BVA commandé par le GEMME, qui révèle une amélioration de l’image des génériqueurs aux yeux des médecins qui, de leur côté, ont de plus en plus conscience de leur rôle dans la prescription de génériques et qui y voient une attitude responsable. Mais, parallèlement, l’image du générique se dégrade puisqu’ils sont moins nombreux à déclarer qu’il faut prescrire des génériques en première intention et à penser que ce sont des spécialités éprouvées, et ils sont plus nombreux à les qualifier de sous-médicaments.
Campagne de communication.
« Nous avons un problème de confiance, c’est pourquoi le GEMME appelle au lancement d’une grande campagne de communication. Aujourd’hui la rumeur qui s’est répandue sur la prétendue non-qualité des médicaments génériques a infiltré toutes les couches de la société, depuis la patiente de 90 ans au patron de l’Académie nationale de médecine, aux parlementaires, aux pouvoirs publics, aux patients. Beaucoup de gens ne sont pas convaincus de l’équivalence des médicaments génériques, il y a un vrai travail à faire ! » Un travail qui devrait être pris à bras-le-corps par la tutelle, selon le GEMME, car elle est la plus légitime à communiquer sur le sujet. « Il faut comprendre que les maladies ne font pas la différence entre un générique et un médicament d’origine. Nous avons une campagne prête dans nos cartons mais sommes-nous légitimes à communiquer ? »
Une campagne que Claude Baroukh, secrétaire général de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), appelle aussi de ses vœux : « C’est un point crucial pour la crédibilité et la croissance du générique. » De son côté, Xavier-Charles Nicolas, pharmacien et élu en Eure-et-Loir, se demande s’il ne faudrait pas « créer une commission d’enquête sur la mauvaise image du générique, pour savoir à qui profite le crime ». Une proposition accueillie favorablement.
Le GEMME fourmille d’idées pour favoriser le développement du générique : campagne de communication institutionnelle, augmentation de la prescription au sein du répertoire (notamment en appliquant le P4P à d’autres classes thérapeutiques), application de la réglementation existante (prescription en DCI dans le répertoire, mesure tiers payant contre générique et règles de l’inscription non substituable), et suppression de la franchise de 50 centimes par boîte pour les patients souffrant d’une pathologie chronique et choisissant le générique. « Des patients nous écrivent pour demander un grand conditionnement sur telle spécialité pour réduire les coûts de franchise. Cela serait bien que l’assurance-maladie puisse chiffrer notre proposition, cela ne devrait pas coûter grand-chose car les patients chroniques arrivent rapidement au plafond des 50 euros. Cela donnerait au patient une raison positive, d’une part, de prendre le générique, et, d’autre part, de le demander au médecin, et au médecin de le prescrire. »
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