SI CERTAINS pharmaciens expriment leur scepticisme, voire leur pessimisme, quant à la mise en place des entretiens pharmaceutiques (EP), d’autres au contraire multiplient les initiatives pour préparer au mieux leurs patients, leur officine, leurs équipes et leurs connaissances à cette nouvelle forme d’exercice de la pharmacie. Le « Quotidien du pharmacien » a recueilli le témoignage de trois d’entre eux.
• Yves Dour, titulaire de la pharmacie du Miroir au Mans (Sarthe)
Le pharmacien manceau a transféré son officine il y a quelques mois, l’occasion de réfléchir à un aménagement compatible avec ces nouvelles missions. « Actuellement, c’est le local orthopédique dans lequel je dispose d’un bureau pivotant et d’une connexion internet ».
Depuis deux mois, en prévision des EP sur les AVK, Yves Dour a commencé à en parler aux patients concernés : « Toute mon équipe croit aux nouvelles missions, même si on commence à se poser des questions sur la gestion de l’emploi du temps. Je prévois environ 120 rendez-vous annuels, ce qui correspond à peu près à un par jour. C’est encore de l’ordre du faisable ». Pour Yves Dour et son équipe, l’accueil du patient dans un espace à part, en position assise ne sera pas nouveau. Adhérent au groupement Pharmactiv, il a mis en place des rendez-vous pharmaceutiques autour de quatre thématiques, dont le sevrage tabagique, le suivi diététique en diabétologie et le suivi de la grossesse. « C’est une nouvelle forme d’exercice, et pour le patient, une possibilité de découvrir nos compétences. Le fait de le recevoir sur rendez-vous, de lui consacrer du temps, de discuter sans objectif marchand change la vision qu’il a de notre profession. Ces missions secondaires, car non rémunérées, sont extrêmement valorisantes et conduisent à développer la communication au sein de notre équipe ».
• Isabelle Pantais, titulaire à la Ménitré (Maine et Loire)
Située entre Angers et Saumur, la pharmacie de la Ménitré est en zone rurale. L’unique pharmacienne du village, Isabelle Pantais, propose depuis trois mois à ses patients des rendez-vous personnels afin de faire un bilan plus approfondi de leur état de santé, de les écouter et de les conseiller. « On manque vraiment de confidentialité au comptoir, d’autant plus dans un village où tout le monde ou presque se connaît. Un conseil de quelques minutes au cours duquel on survole le problème me semble incomplet ; il faut s’intéresser au patient dans sa globalité et pas uniquement à sa pathologie ». Ces rendez-vous lui permettent de mettre ses compétences et connaissances en micronutrition au service de ses patients. Déjà titulaire d’un DIU de santé de micronutrition (Dijon), d’une licence professionnelle de nutrithérapie (Poitiers et Paris) et d’un DU de phytothérapie et d’aromathérapie (Paris V), elle envisage de passer un DU d’alimentation et diététique thérapeutique à Poitiers en septembre prochain. Dans la même logique, elle mènera les EP qu’elle considère comme une « évolution positive pour l’intérêt des patients, à partir du moment où ces derniers sont réceptifs ».
• Jean-Luc Abgrall, titulaire de la pharmacie de la gare à Parthenay (Deux-Sèvres)
Très impliqué dans la mise en place des entretiens pharmaceutiques, Jean-Luc Abgrall ne cache pas son impatience pour pouvoir enfin concrétiser cette nouvelle mission accordée au pharmacien, même s’il insiste sur l’importance de ne pas débuter ces entretiens tant que rien n’est signé : « nous n’avons toujours pas reçu de documents de l’Assurance-maladie, et tant que les textes concernant la rémunération ne sont pas signés, on ne doit pas mener ces entretiens. Néanmoins, ce retard peut être mis à profit pour continuer à se former sur les AVK et sur la façon de mener les entretiens. La formation est inévitable pour que ces entretiens soient menés de façon satisfaisante ». Le pharmacien a déjà envisagé l’organisation logistique des entretiens : « je recevrai les patients dans mon bureau, parce que c’est un espace confidentiel. Une difficulté sera peut-être la gestion de l’emploi du temps. Il n’est pas envisageable d’être dérangé pendant un entretien, sauf cas thérapeutique problématique. Il va falloir trouver un équilibre pour conserver une disponibilité tout en assurant les nouvelles missions ».
Côté patient, Jean-Luc Abgrall et son équipe ont commencé, dès l’automne 2012, à parler de ces entretiens aux patients, en leur demandant si cela les intéressait : « J’ai commandé auprès du CESPHARM des carnets de surveillance de l’INR pour en distribuer. Je me suis aperçu que presque personne n’en avait. Cette démarche permet d’initier une prise de conscience sur l’importance du traitement et d’un suivi régulier ».
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