La crise aurait-elle rebattu les cartes au sein du réseau officinal ? Force est de constater que les pharmacies de proximité, et particulièrement les pharmacies rurales, ont retrouvé des couleurs pendant l'épidémie.
« Les officines rurales et celles des gros bourgs ont retrouvé leur attrait », constate Joël Lecœur, expert-comptable et président du réseau CGP. S'agit-il d'une simple bouffée d'oxygène ou d'une cure de réhabilitation pour des structures plutôt malmenées ces derniers temps (voir page 10) ? Le bilan consolidé de l'année le dira. Pour l'heure, ces officines peuvent se féliciter d'une progression à laquelle les honoraires de dispensation ne sont pas étrangers.
Résultat, les pharmacies des zones rurales ont enregistré une hausse de leur activité de 2,28 % entre le 1er mars et le 31 mai, pendant que le chiffre d'affaires des pharmacies de centres commerciaux plongeait de 8,13 %. Dans les centres-villes, les officines connaissaient un déclin de 3,38 % (chiffres CGP*). Sur le premier semestre, View Pharma, l'outil de pilotage du réseau CGP, relève des disparités identiques. Les pharmacies des centres commerciaux ne sont pas parvenues à redresser la barre et accusent une baisse de 3,27 % de leur chiffre d'affaires, celles des zones urbaines se maintiennent à + 1,45 %, tandis que celles des gros bourgs connaissent un sursaut à + 1,92 %. Sans comparaison cependant avec la pharmacie de zone rurale dont l'activité bondit de 3,16 % sur ces six premiers mois de l'année.
Cette capacité de résistance des pharmacies rurales a connu son apogée à deux semaines du déconfinement. Alors que la pharmacie de centre commercial encaissait une chute abyssale de son activité de l'ordre de 34,18 %, la pharmacie rurale parvenait à contenir l'hémorragie à - 15,20 %, bien mieux que l'ensemble du réseau qui plongeait à -19,38 %.
Les honoraires à la rescousse
Résilience d'un réseau chahuté par de nombreuses années de crise (voir page 12) ou élasticité d'une activité officinale capable de se recentrer sur son cœur de métier, le médicament ? Toujours est-il qu'entre janvier et juin 2020, le chiffre d'affaires (honoraires compris) a augmenté de 1,68 %, et ce en dépit d'une inflexion de 0,98 % entre mars et fin mai.
On ne saurait mettre cette performance au seul crédit des masques et des gels hydroalcooliques ! Car si elles sont parvenues à hisser de 9,66 % l'activité de TVA à 5,5 %, selon View Pharma, ces catégories de produits propulsés par la crise sanitaire n'ont pu suffire à elles seules à sauver l'activité. Pas davantage, il ne faut rechercher du côté de médicaments chers. Les ventes de ces produits n'enregistrent en effet qu'une faible croissance (+ 0,61 %) en raison notamment d'une chute de 4,30 % des ventes des médicaments dont le prix se situe entre 150 et 1 600 euros. Même si on observe une bonne tenue (+ 9,89 %) pour les ventes des produits dont le prix excède 1 600 euros.
Il faut par conséquent rechercher du côté du médicament remboursable dans sa globalité puisqu’il est parvenu à maintenir son niveau (+0,16 %) en dépit de la fermeture de nombreux cabinets médicaux entre le 18 mars et le 11 mai. Mais au-delà de ces ventes, le salut vient avant tout de l'honoraire. Des honoraires qui, grâce aux évolutions de l'avenant 11 (ordonnances liées à l'âge et délivrances spécifiques), ont progressé de 6,19 % entre 2019 et 2020 pour la période concernée et se montent à 99 838 euros au premier semestre. Soit davantage que les ventes de produits à TVA 5,5 % ! Les honoraires constituent désormais 10,77 % du chiffre d'affaires global, analyse CGP, contre 10,31 % il y a un an. Loin d'être une variable d'ajustement, les honoraires apparaissent désormais comme une composante dont il faut tenir compte dans l'analyse de l'activité officinale.
*Portant sur l'analyse de 626 officines pendant le confinement.
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