Que se passerait-il si les pharmacies françaises devaient faire subitement face à une situation de blocage, de fermeture totale ? Philippe Becker, expert-comptable et directeur du département pharmacie chez Fiducial, a appliqué au secteur officinal la pratique du crash-test propre au secteur bancaire. Il a défini trois niveaux de mise à l'épreuve de la liquidité des officines.
Dans un premier scénario, celui de liquidité générale liée inextricablement au fonds de roulement, considérant donc les stocks, les clients, la trésorerie et les fournisseurs, le ratio doit être égal à 1. On considère à ce niveau que l'officine est en mesure d'assumer ses dettes à court terme, les emplois stables étant couverts par des ressources stables. Ce besoin semble largement couvert. Encore faut-il, précise Philippe Becker, que le pharmacien soit en mesure de vendre son stock s'il a un besoin immédiat de trésorerie.
À titre indicatif, dans ce cas de figure, les pharmacies rurales sont celles qui présentent le meilleur ratio (1,69), tandis que celui des pharmacies de centre-ville est de 1,57.
Deuxième situation envisagée : le risque de liquidité restreint. « La question est de savoir : puis-je faire face à mes dettes à court terme (salariés et fournisseurs) avec mon compte client et la trésorerie ? » Alors que le ratio se situe globalement à 1, la plupart des officines ne présentent pas d'inquiétudes. Les officines des centres-villes et des quartiers se trouvent un peu en deçà, tandis qu'en milieu rural ou en centre commercial, le ratio est respectivement de 1,04 et de 1,02.
Enfin, dernier cas de figure, la liquidité immédiate. « Il s'agit du ratio le plus intéressant car il porte sur une situation que peut vivre un pharmacien dans l'impossibilité de payer à court terme, avec sa propre trésorerie, ses dettes et donc de se retrouver en cessation de paiements », explique Philippe Becker, indiquant que dans ce cas, le dépôt de bilan n'est pas loin. Ce ratio doit être de 0,55 pour éviter tout risque à l'officine. Or l'ensemble des officines sont, avec un ratio à 0,64 en rural, à 0,61 dans les quartiers, ou encore à 0,60 en centre-ville, largement protégées contre ce risque majeur.
Immunité
Philippe Becker avance une explication à cette étonnante capacité de résistance de la pharmacie. « Elle est très probablement due au fait que depuis 2008 les pharmaciens ont dû subir des années de disette au travers de mesures qui ont impacté l'activité de l'officine et qui ont bloqué sa croissance », estime-t-il. « Des défenses immunitaires », lance l'expert-comptable, s'excusant de ce jeu de mots dans le contexte actuel. Selon lui, les pharmaciens sont devenus de meilleurs gestionnaires et sont, par là même, mieux préparés au choc sanitaire qu'ils ont vécu avec des évolutions cycliques et contracycliques très fortes.
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