« NOUS ÉTIONS l’un des rares pays à cantonner les médicaments non listés et non remboursables derrière le comptoir. Face à la vague de libéralisation actuelle et aux diverses pressions extérieures en résultant (rapport Attali, rapport Beigbeder, commission européenne…), la décision d’autoriser le libre accès était une alternative essentielle pour répondre aux attentes des consommateurs tout en préservant le monopole », précise l’économiste de la santé Jean-Jacques Zambrowski. La mesure a ainsi été mise en place de façon prudente et progressive. Nous sommes donc loin des mesures prises dans les autres pays, dans lesquels la question d’achat de médicaments OTC sous le regard bienveillant d’un professionnel de santé ne se pose pas toujours. Le paracétamol ou encore l’aspirine, par exemple, se vendent dans des stations-service au Royaume-Uni ou aux États-Unis ; de même, un réseau important de droguistes s’est constitué en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse, au Japon (une liste limitative est prévue en l’absence d’un pharmacien au Japon) ; et en Irlande, le monopole officinal est limité aux seuls médicaments sur prescription. L’Espagne et la France restent ainsi les deux seuls grands pays d’Europe à conserver le monopole officinal des produits d’automédication.
Pas de modèle unique.
« Chaque pays a fabriqué son propre système en fonction de son histoire et de sa culture. Il serait impossible de définir un modèle vers lequel toute l’Europe tendrait », explique Jean-Jacques Zambrowski. Quelques exemples illustrent fort bien cette disparité entre les pays européens : l’oméprazole ou encore la simvastatine bénéficient de conditionnements adaptés à la prescription médicale facultative au Royaume-Uni alors que l’aciclovir nécessite une prescription au Portugal ou en Italie. Cependant, cette frontière imaginaire entre les pays anglo-saxons, plus libéraux, et les pays latins, semble s’atténuer.
La France est la lanterne rouge parmi les principaux marchés européens quand il s’agit d’automédication : est-ce aussi une question de culture ? Si les déremboursements de janvier 2008 ont contribué à la légère croissance de l’OTC strict sur toute l’année, la part de l’automédication représente seulement 6,6 % du marché pharmaceutique en 2008 (données de l’AESGP) alors que ce pourcentage atteint plus de 12 % au Royaume-Uni, 8,5 % en Italie, plus de 11 % en Allemagne… avec une moyenne de 11,6 % en Europe. Dans les pays où l’automédication est développée, l’accent est mis sur la responsabilisation du malade dans le traitement des pathologies mineures, mais aussi et surtout le malade ne bénéficie pas d’un accès aussi facile au remboursement des soins qu’en France. L’accès aux médicaments de PMF en libre-service dans certains pays européens est aussi à l’origine de l’augmentation des ventes.
Faire jouer la concurrence.
La mise en place du libre accès avait pour objectifs d’accompagner et de sécuriser l’automédication, mais aussi de favoriser la concurrence sur les médicaments à prix libres. Jean-Jacques Zambrowski regrette que la réflexion et l’investissement des différentes parties en cause n’aient pas été plus constructifs dans la mise en place de la mesure car ces hésitations ont privé le segment d’une véritable dynamique. Entre autres, « les industriels concernés par l'automédication n'ont guère, dans leur ensemble, joué le jeu de la modération des prix, comptant sur la concurrence entre pharmaciens pour que le consommateur préserve voire améliore son pouvoir d'achat ».
La GMS ne fait pas chuter les prix.
De plus, les exemples des pays voisins montrent que la sortie de médicaments en GMS (Grandes et moyennes surfaces) n’a pas fait chuter les prix. Par exemple, depuis 2006, le monopole pharmaceutique en Italie est limité aux médicaments sur ordonnance. Les GMS ont annoncé qu’elles vendraient les médicaments beaucoup moins cher. Or la baisse des prix observée a atteint à peine 5 % et les GMS se sont contentées d’élargir leur offre seulement par quelques produits d’appel. Résultat ? Les médicaments OTC n’ont pas basculé vers les GMS. De même, au Portugal, où la libéralisation de la vente de médicaments sans ordonnance a été effective en 2005, les prix n’ont pas brutalement chuté, au contraire : le prix des 20 médicaments les plus vendus a augmenté. Une hausse des prix a aussi été observée en Norvège depuis la sortie des médicaments de l’officine en 2001. Si l’on ajoute à cela les derniers chiffres de l’Observatoire du libre accès, à savoir une baisse de 3,2 % sur les prix des 50 premiers médicaments en libre accès en valeur sur la période avril 2008 à janvier 2009, ces exemples fournissent des preuves supplémentaires que les pharmaciens peuvent proposer des prix concurrentiels et gérer une baisse des prix en faveur du consommateur sans affecter leurs performances économiques et risquer de perdre leur monopole.
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