Si le développement de l'automédication responsable est aujourd'hui synonyme d'économies pour la Sécurité sociale et d'accès rapide aux soins pour le patient, la publication du décret autorisant le libre accès ne s’est pas faite sans remous.
LORSQUE L'AFIPA (Association française de l'industrie pharmaceutique pour une automédication responsable) publie son livre blanc en 2003, la France, connue pour être championne de la consommation de médicaments, est classée parmi les mauvais élèves en matière de médication familiale, notamment loin derrière la Grande-Bretagne ou l'Allemagne.
En 2006, face à des dépenses de santé en croissance constante. Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé, constitue un groupe de travail coprésidé par Alain Coulomb (voir aussi notre interview en page 17) et le Pr Alain Baumelou. Les rapporteurs font part de leurs observations le 10 janvier 2007. Parmi leurs préconisations figure l'expérimentation d'un accès direct aux médicaments dans les officines. Les réactions ne se font pas attendre. Le syndicat MG-France n’y voit qu'un but économique et la dérégulation de la médecine de ville. L'Académie de pharmacie, puis l'Ordre des pharmaciens, expriment leurs craintes.
Un rapport qui met le feu aux poudres.
Lors de la campagne présidentielle, Xavier Bertrand, en tant que porte-parole de Nicolas Sarkozy, explique à Pharmagora qu'il n'est pas opposé aux expérimentations de libre accès des produits de médication familiale en officine, mais toujours avec le conseil d'un pharmacien. PS et UMP se disent également attachés au monopole de dispensation des médicaments dans les pharmacies, y compris de ceux relevant de l'automédication.
Après l’élection de Nicolas Sarkozy en mai 2007, la nouvelle ministre de la Santé Roselyne Bachelot se dit favorable à la mise à disposition des médicaments devant le comptoir. Des propos qu'elle répète lors du 60e Congrès national des pharmaciens à Saint-Malo. Lors de la 20e Journée de l'Ordre, Roselyne Bachelot invite tous les pharmaciens et les préparateurs à participer sans tabou au débat. Dans le cadre du 3e Forum des pharmaciens à Lyon, le président de la Section A de l'Ordre, Jean-Charles Tellier, prend clairement position contre le projet gouvernemental.
Du côté des syndicats, tandis que l'UNPF s'y montre favorable, la FSPF, l'USPO se déclarent, eux, opposés à cette pratique. D’après les sondages, les Français sont majoritairement contre le passage des médicaments d'automédication en libre accès. Les pharmaciens, sondés par Call Medi Call en novembre, sont 68 % à y être défavorables.
Les groupements s'expriment à leur tour. Ils se disent globalement défavorables, excepté le groupe PHR qui quitte le collectif des groupements en cours d'année. Son président, Lucien Bennatan, décide alors de passer outre l’interdiction. Une quarantaine d'officines Viadys proposent des spécialités de médication officinale devant le comptoir. « Il s'agit d'une expérimentation, comme le recommande le rapport Coulomb sur l'automédication », se défend alors Lucien Bennatan. Une initiative qui provoque de vives réactions du côté de l'Ordre des pharmaciens.
Touche pas à mon monopole.
Dans un communiqué de presse publié en octobre, l’AFIPA, tout en réaffirmant son attachement au monopole pharmaceutique, se dit convaincue que le libre accès, accompagné par le pharmacien, préconisé dès juin 2003 dans son livre blanc, ne pourra que contribuer à l’évolution du comportement des Français : en remettant le patient-citoyen au cœur du système, en favorisant son autonomie et en améliorant la gestion de son capital santé.
2007 se termine sur le rapport polémique du patron de Poweo, Charles Beigbeder : « Le low cost, un levier pour le pouvoir d'achat ». Il préconise la fin du monopole de vente des médicaments d'automédication en pharmacie et l'ouverture du capital à des non-diplômés. Il recommande cependant la « présence d'un pharmacien diplômé sur le lieu de vente, car son conseil est essentiel dans un pays qui souffre de surconsommation de médicaments ».
À l’occasion de son édition 2008, Pharmagora et IPSOS interrogent les pharmaciens sur la mesure de mise en libre accès en pharmacie de certains médicaments pouvant être obtenus sans prescription. Résultat : un rejet massif de la mesure de mise en place des mesures de libre accès : 84 % des pharmaciens considèrent en effet que c’est une mauvaise mesure et parmi eux, la majorité (55 %) estime même qu’elle est « très mauvaise ». Seulement 14 % des interviewés la soutiennent. Depuis, les choses ont bien changé…
Quoi qu’il en soit, le décret permettant l’accès direct à certains médicaments est finalement publié au Journal Officiel du 1er juillet 2008. Fin du premier acte.
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