Les nouveaux modes de consommation ne s’arrêtent pas à la porte des pharmacies. Ils y entrent, comme ailleurs, mais presque à la dérobée, car ils doivent d’abord s’adapter aux singularités officinales. Le tout digital n’est certainement pas de mise : « il faut rassurer sur le modèle de la pharmacie, où le premier besoin des consommateurs n’est pas le prix, mais le conseil », rappelle David Van Acker, directeur général de Mobil M. Mais il ne faut surtout pas ignorer le phénomène, poursuit-il en substance. Ces nouveaux modes de consommation liés au digital se répandent et les agenceurs se fixent comme objectif de les rendre possibles dans les pharmacies. Un exercice complexe cependant, comme le note Joris Bloyet, directeur général de JBCC : « il ne faut pas en avoir peur, mais il ne faut pas en faire trop non plus, des écrans partout diluent l’offre et, par ailleurs, le digital ne doit pas apparaître comme une verrue dans l’espace de vente, il faut savoir l’intégrer. »
Montrer ou pas
On ne part pas de rien cependant. Des années d’expérience avec les écrans publicitaires ont montré aux pharmaciens qu’il faut à un moment ou à un autre s’approprier tout ou partie du contenu des écrans dispersés dans l’espace de vente. Mais la gestion du contenu sur des supports digitaux interactifs pose de nouvelles questions auxquelles les agenceurs sont confrontés très en amont. En effet, intégrer ces bornes dans les différents espaces de la pharmacie, c’est quelque part décider de ce que l’on montre ou pas. C’est identifier les zones où la massification des produits n’est pas nécessaire, de façon à pouvoir présenter une offre dans sa globalité, parce qu’on n’a pas l’espace physique pour l’exposer en totalité : les bornes ou les écrans peuvent servir de relais virtuel d’exposition. Le MAD est typiquement un des espaces où l’on peut digitaliser en quelque sorte une partie de l’offre. Cela peut être le cas aussi des produits naturels, très en vogue actuellement. Mais attention, prévient Joris Bloyet, les clients aiment aussi toucher les produits, et notamment les produits dits naturels, d’où la nécessité souvent d’établir au préalable une étude merchandising pointue pour bien identifier ce que l’on peut montrer sur écran, et ce que l’on montre « en vrai ».
Les QR codes apportent du lien
Ces bornes interactives permettent d’obtenir des informations diverses sur les produits, exposés ou pas, et l’un des moyens utilisés, en tout cas pour les produits présents dans les linéaires est la technologie des QR Codes. Il suffit alors de scanner une boîte, et l’on dispose d’informations détaillées sur un produit, la composition notamment. Les QR Codes renvoient à des pages de sites Web. D’où la nécessité de réfléchir, là encore, à ce que l’on peut mettre comme liens. Ce n’est pas un exercice facile, admet Patrick Laurency, directeur régional de Boursin Agencement. « Ces éléments doivent être disponibles sur le site web de la pharmacie, et cela demande un travail de tri préalable sur ce que la pharmacie souhaite mettre en avant, et de fait, les pharmacies indépendantes ne peuvent pas faire ça, les groupements, si », explique-t-il. C’est complexe, certes, mais ça apporte du lien : « les clients ont besoin d’être rassurés, car sur un package, c’est petit et abscons, et parfois le conseil n’est pas disponible, le QR Code fait donc le lien », affirme Patrick Laurency. Les bornes sur lesquelles sont installés des lecteurs de QR Code sont à placer de préférence à chaque fois qu’on entre dans un univers distinct, avec même pourquoi pas dans le même totem des flyers et d’autres supports papier de communication.
Voir le click & collect… et ce qu’il y a autour
Plus important encore, l’emplacement des bornes click & collect. Les agenceurs ont déjà travaillé sur les comptoirs dédiés à cette activité nouvelle, dont l’essor s’est renforcé depuis l’épidémie de Covid 19, misant le plus souvent sur une présence en prolongement des lignes de comptoirs, avec cependant des éléments qui permettent de les différencier, des codes couleurs à part par exemple. « Une borne de click & collect, ce doit être frappant dans l’espace de vente, on doit pouvoir les voir facilement », estime Patrick Laurency. Les retrouver facilement ne signifie pas pour autant que le chemin doit être facile pour y accéder. « Il faut les placer intelligemment de telle sorte que les clients puissent voir d’autres produits », précise pour sa part Joris Bloyet. Se pose aussi le sujet du drive pour les grandes pharmacies qui ont l’espace et la configuration suffisantes nécessaire pour un tel mode de livraison. Un sujet autour duquel il y a débat : « le drive présente un risque, les clients n’entrent pas dans la pharmacie, estime Joris Bloyet, or la digitalisation doit ramener les clients dans la pharmacie, c’est la finalité de tout ce qui est fait à l’intérieur, mais aussi à l’extérieur de l’officine, via les réseaux sociaux. Pour nous, le click & collect est plus pertinent que le drive. »
D’autres prennent en compte cette évolution : « nous arrivons, dans les derniers dossiers sur lesquels nous travaillons, à associer le click & collect au drive », affirme Patrick Laurency. « C’est en quelque sorte un click & collect à la frontière entre l’intérieur et l’extérieur de l’officine. »
Ces évolutions poussent les agenceurs à maîtriser toutes les implications du digital et à se positionner peut-être un peu au-delà de leurs compétences traditionnelles. Pour un Mobil M qui est allé au-delà du métier d’agenceur et a acquis une expertise marketing, ça ne représente pas de difficulté. Selon David Van Acker, il est indispensable de mettre la digitalisation au service des équipes officinales pour la patientèle, « un écran, ça marche quand il est animé par un collaborateur de l’officine. » Joris Bloyet lui, préconise d’y aller doucement, par étapes, et d’être capable de revenir en arrière si besoin.
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