Environ 5 % des patients séjournant à l’hôpital sont victimes d’une infection nosocomiale : il s’agit d’une infection associée aux soins (IAS), contractée au cours ou au décours de leur hospitalisation et qui est absente lors de leur admission. Elle se déclare au minimum 48 heures après l'admission, ou plus tard si la période d'incubation est connue et plus longue (la possibilité d’un lien entre hospitalisation et infection est évaluée dans chaque cas douteux). Pour les infections de plaie opératoire, le délai de 48 heures communément accepté pour distinguer une infection acquise en dehors de l’hôpital d’une infection nosocomiale est de 30 J après l'intervention même si le patient est sorti ; en cas de pose d'une prothèse ou d'un implant, ce délai court sur l'année suivant l'intervention. Le risque de survenue d’une infection nosocomiale varie selon le profil du patient (âge > 65 ans ou très jeune, maladie sévère, immunodépression par VIH ou chimiothérapie, opération récente ou exposition à un dispositif invasif comme une sonde urinaire, un cathéter vasculaire ou une intubation/trachéotomie, etc.), le niveau d’hygiène ou les soins pratiqués. Les germes responsables proviennent le plus souvent du patient lui-même, mais ils sont transportés sur le site infectieux par l’intermédiaire du personnel ou par des dispositifs médicaux.
Des spécialités à risque majeur
Le risque de survenue d’une infection nosocomiale est très variable selon les services d’un hôpital, la réanimation étant la spécialité pour laquelle les IAS sont les plus fréquentes compte tenu de la fragilité et de la charge en soins des patients. Les quatre infections nosocomiales les plus banales (plus de 2 IAS sur 3) sont les infections urinaires, les pneumonies, les infections du site opératoire et les bactériémies, toutes d’autant plus préoccupantes aujourd’hui que les bactéries multirésistantes (BMR) occupent une place importante dans les IAS faisant de la lutte contre leur émergence et leur dissémination une priorité nationale.
Infections en réanimation
Le risque de survenue d’une infection nosocomiale en réanimation est très supérieur à celui encouru en hospitalisation conventionnelle. Plus d’un patient sur cinq (23,2 %) y est victime d’une infection nosocomiale (contre 5,1 % pour la totalité des patients toutes spécialités confondues). Ce risque résulte de facteurs endogènes propres au malade (âge, état immunitaire, pathologies sous-jacentes, gravite à l'entrée…) et de facteurs exogènes (mise en place de prothèses respiratoires, de cathéters vasculaires et de sondes urinaires). Les protocoles médicaux (méthode de pose, surveillance) ne font pas toujours l'objet d'un consensus et les structures (personnel, architecture, formation du personnel) ne sont pas comparables. Surtout, les méthodes de diagnostic des infections nosocomiales ne font pas l'unanimité. Toutefois, depuis 2004, une méthodologie commune est adoptée pour la surveillance des infections nosocomiales en réanimation : depuis 2018, la surveillance y constitue une mission d’intérêt national. Ceci dit, de 2012 à 2016, l’incidence des infections à Staphylococcus aureus résistants à la méthicilline (SARM) y a diminué (de 0,53 à 0,26/100 patients) et l’incidence cumulée des infections nosocomiales à entérobactéries productrices de bêta-lactamases à spectre étendu (EBLSE) a diminué de 1,17 à 0,93/100 patients.
Infections du site opératoire (ISO)
On note ces récentes années une augmentation de l’incidence des IAS pour les prothèses totales de genou de première intention et la chirurgie d’exérèse veineuse du membre inférieur. Pour les prothèses totales de genou, l’augmentation se confirme depuis 2013 et pour les cures de hernies de paroi abdominale, elle se poursuit depuis 2014. Parallèlement, l’incidence en chirurgie colorectale réalisée sous cœlioscopie a diminué de 67 %.
La non-réalisation d’une antibioprophylaxie lorsqu’elle est recommandée s’associe à un taux d’infections du site opératoire (ISO) supérieur en chirurgie orthopédique, neurochirurgie et gynécologie-obstétrique. Lorsqu’elle est recommandée par la Société française d’anesthésie-réanimation (SFAR), une antibioprophylaxie est presque toujours réalisée (>90 %) mais elle est encore insuffisamment conforme aux recommandations : 12,9 % des protocoles sont conformes en chirurgie bariatrique, 26,8 % en chirurgie traumatique, 48,4 % en chirurgie digestive. Inversement, même lorsqu’une antibioprophylaxie n’est pas recommandée, elle est administrée dans 61 % des cas en chirurgie digestive, 26,8 % des cas en urologie et 57,4 % des cas en gynécologie-obstétrique.
Bactéries multirésistantes (BMR)
Les BMR ciblées sont les Staphylococcus aureus résistants à la méthicilline (SARM) et les EBLSE. Le choix de ces cibles est justifié par la fréquence élevée des infections qu’elles suscitent, par leur potentiel pathogène se traduisant par une morbidité, une mortalité et des coûts accrus, par leur caractère commensal exposant au risque de diffusion, par leur caractère clonal ou par un mécanisme de résistance aisément transférable. Les autres BMR hospitalières qui ne présentent pas ces caractéristiques (ex : Enterobacter ou Serratia hyperproducteurs de céphalosporinases, Pseudomonas aeruginosa ou Acinetobacter baumannii résistants aux bêta-lactamines…) ne sont pas incluses bien qu’elles puissent justifier des mesures de surveillance ou de prévention. En 2016, pour les SARM, la densité d’incidence était de 0,24 pour 1000 journées d’hospitalisation (JH). Elle était plus élevée en court séjour (0,32) et en réanimation (0,75) qu’en SSR (0,13) et SLD (0,09). Pour les EBLSE, la DI globale était de 0,71 pour 1000 JH. Elle était deux fois plus élevée en court séjour (0,87) qu’en SSR (0,50) et trois fois qu’en SLD.
En 2016, la consommation globale d’antibiotiques était de 371 Doses définies journalières (DDJ) pour 1 000 journées d’hospitalisation. Les antibiotiques les plus utilisés étaient l’association amoxicilline-acide clavulanique (30,4 % des quantités consommées), l’amoxicilline (18,3 %), les fluoroquinolones (10,4 %) et les céphalosporines de 3e génération (9,5 %). La consommation d’antibiotiques a diminué de 2,6 % sur la période 2009-2016 : l’objectif du Plan Antibiotiques 2011-2016 de réduire la consommation globale d’antibiotiques de 25 %, est loin d’être atteint.
Prévention et indicateurs
Les infections nosocomiales constituent donc un problème de santé publique majeur pour les établissements de soins. Depuis 1988, ces derniers sont dotés de Comités de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN), désormais intégrés dans les Commissions médicales d’établissement. Leur fonction est d’améliorer les conditions d’hygiène et de prévention en fonction des données de surveillance et des progrès médicaux et techniques. Ils déclinent les recommandations nationales et mettent au point des actions ciblées en fonction des particularités de leur établissement et des patients. Leurs directives sont relayées dans les services par les équipes opérationnelles d’hygiène (EOH). Il s’agit notamment d’appliquer des protocoles de soins précis avant, pendant et après chaque geste invasif ou chirurgical.
Personnel soignant, patients et visiteurs doivent respecter les mesures d’hygiène et d’asepsie dictées par l’établissement. La transmission des germes à l'hôpital se fait principalement par les mains du personnel soignant : elles doivent être lavées avant et après chaque soin. L’utilisation de solutions hydroalcooliques à partir des années 2000 limite la transmission des agents infectieux par les mains. La peau du patient doit également être désinfectée avant tout geste invasif. Le matériel utilisé pour ces actes doit être désinfecté et/ou stérilisé selon les protocoles définis. En outre, l’utilisation de certains matériaux est recommandée : le silicone ralentit par exemple la colonisation naturelle par les bactéries à la surface des sondes. L'eau, l'air et les surfaces sont naturellement contaminés par des germes, mais rarement par des germes pathogènes (légionellose, aspergillose). Leur composition bactériologique est toutefois fréquemment contrôlée
Article précédent
Les home-tests ont-ils leur place en pharmacie ?
Article suivant
Les pharmaciens ont mis le paquet
Des outils pour sécuriser la personne et son environnement
La prévention, tout un jargon
Le pharmacien, acteur de prévention ?
« À Santé publique France, la connaissance induit la prévention »
Les partenaires de la prévention santé en pharmacie
L’intelligence artificielle, boîte à outils de prévention
Les home-tests ont-ils leur place en pharmacie ?
Une préoccupation hospitalière majeure
Les pharmaciens ont mis le paquet
L’infiniment petit au service d'une prévention tout en douceur
Comment prévenir le risque allergique
Un nouveau geste à l'officine
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques