L’objectif du traitement antiglaucomateux est de diminuer la pression intraoculaire : il n’évite pas la progression de l’affection mais la ralentit afin qu’elle retentisse le plus tard possible sur la qualité de vision des patients. La valeur cible devant être atteinte, toujours individuelle, est généralement de 20 % à 30 % inférieure à celle que l’on suspecte d’entraîner le glaucome. Il existe une importante variation interindividuelle de la réponse au traitement et de la progression de l’affection. Si le risque de développer un glaucome est réduit chez un patient traité pour hypertonie intra-oculaire, il faut toutefois traiter douze sujets pour éviter le développement d’un glaucome chez un seul d’entre eux ; de même, le risque d’altération du champ visuel chez un patient présentant un GAO est diminué par le traitement, mais il faut traiter sept patients pour éviter l’aggravation du glaucome chez un seul.
La prescription initiale repose sur une monothérapie accompagnée d’un suivi rigoureux et de contrôles réguliers jusqu’à ajustement de la PIO (la normalisation clinique de la PIO requiert fréquemment plusieurs semaines de traitement). Une surveillance tous les deux à six mois reste nécessaire ensuite.
Si cette monothérapie s’avère insuffisante et que les lésions s’aggravent - ce qui est généralement le cas au fil des ans - on associe plusieurs produits ayant des modes d’action différents (deux voire trois collyres) pour réduire encore plus la pression intra-oculaire d’où l’intérêt des spécialités associant plusieurs principes actifs qui facilitent l’observance du traitement.
Lorsque la PIO demeure élevée, il est possible d’adjoindre à ce traitement de l’acétazolamide (Diamox) par voie orale.
Enfin, l’inefficacité de ce traitement médicamenteux de troisième ligne fait indiquer la chirurgie (trabéculectomie) ou un traitement au laser.
Bêta-bloquants. Les bêta-bloquants (bétaxolol, cartéolol, lévobunolol, timolol) réduisent la sécrétion de l’humeur aqueuse au niveau des procès ciliaires. Toutefois, leur activité diminue souvent avec le temps, ce qui impose d’associer un autre type pharmacologique de traitement ophtalmique. Ces médicaments constituent avec les analogues des prostaglandines la monothérapie de référence et de première intention du GAO (sauf contre-indication).
Les bêta-bloquants bénéficient d’une tolérance satisfaisante, et les effets systémiques indésirables du traitement (troubles psychiques, fatigue) demeurent rares. Tous les principes actifs disponibles dans cette indication sont globalement comparables en termes d’efficacité. Ils sont contre-indiqués (CI absolue) en cas d’insuffisance cardiaque congestive non contrôlée, de bloc auriculoventriculaire de haut degré, de bradycardie ; d’asthme (toutefois, l’asthme constitue une simple précaution d’emploi pour le bétaxolol, très bêta-1 sélectif).
Le timolol existe sous forme de gel ophtalmique (Geltim LP) prolongeant l’efficacité du traitement sur le nycthémère.
Enfin, de nombreux collyres réalisent une association fixe entre un bêta-bloquant, le timolol et un autre type de principe actif : alpha-2 adrénergique (Combigan), inhibiteur de l’anhydrase carbonique (avec brinzolamide : Azarga ; avec dorzolamide : Cosopt, Dualkopt), pilocarpine (Isopto-Pilocarpine, Pilocarpine Faure), analogue des prostaglandines (DuoTrav, Ganfort, Xalacom).
Analogues des prostaglandines. Les analogues des prostaglandines réduisent la PIO en augmentant l'écoulement de l'humeur aqueuse par la voie de drainage uvéosclérale (ils ouvrent les espaces naturels existant entre les fibres du muscle ciliaire pour que l'excès d'humeur aqueuse s’élimine), une voie toutefois physiologiquement accessoire puisqu’elle ne draine que 20 % de l’humeur aqueuse.
- Le latanoprost (Xalatan et génériques) est indiqué dans la réduction de la pression intraoculaire chez les patients atteints de GAO, d'hypertonie intraoculaire et qui présentent une intolérance ou une réponse insuffisante à un autre traitement visant à abaisser la pression oculaire : il ne constitue donc pas un traitement de première intention. À raison d'une goutte le soir (couvrant le nycthémère), il réduit la pression intraoculaire de 35 % par rapport à sa valeur basale.
- Le bimatoprost (Lumigan et génériques), dont la structure chimique est différente de celle du latanoprost, se fixe sur des récepteurs distincts : il augmente l’écoulement de l’humeur aqueuse par le trabéculum et améliore l’écoulement uvéoscléral. Il a une indication identique au latanoprost.
- Le travoprost (Travatan et génériques), un agoniste hautement sélectif des récepteurs aux prostaglandines s’avère, du fait de sa sélectivité, induire une baisse de la PIO plus prononcée que le latanoprost. Il est indiqué en deuxième intention, en cas d’intolérance ou de réponse insuffisante aux autres traitements destinés à contrôler la PIO.
Demeurant essentiellement locaux, les effets indésirables des analogues des prostaglandines peuvent entraîner, à long terme, une modification de la coloration de l’iris, d’évolution inconnue. De même, ils peuvent modifier la coloration, la croissance et l’aspect des cils, assombrir les paupières, induire une hyperhémie conjonctivale et un prurit oculaire. Pouvant de plus réactiver un virus herpétique latent, ils sont donc contre-indiqués en cas d’antécédents d’herpès oculaire ou, plus généralement, d’inflammation oculaire.
Le port de lentilles de contact fait l’objet de précautions d’emploi particulières avec ces collyres : enlevées avant chaque instillation, elles peuvent être remises en place 15 minutes plus tard au moins.
Des associations fixes bêta-bloquant/analogue de prostaglandine sont disponibles : DuoTrav (timolol + travoprost), Ganfort (timolol + bimatoprost), Xalacom (timolol + latanoprost, à conserver entre 2° et 8 °C avant ouverture).
Sympathomimétiques. Deux agonistes alpha-2 adrénergiques présynaptiques restent susceptibles d’être prescrits car leur sélectivité limite la fréquence de leurs effets iatrogènes. Ils restent toutefois contre-indiqués en cas de pathologies cardiovasculaires non compensées.
- L’apraclonidine (Iopidine 0,5 % ou 1 %) est un analogue de la clonidine (l’usage en ophtalmologie de cet anti-hypertenseur d’action centrale a été limité du fait de son action systémique importante) dont l’activité induit une diminution de la sécrétion d’AMPc et donc une réduction de la production d’humeur aqueuse, d’où son action thérapeutique. Elle est indiquée dans un cadre restreint, celui d’un traitement additionnel à court terme du glaucome chronique chez un patient bénéficiaire d’un traitement à la posologie maximale tolérée et chez lequel il est nécessaire de réduire encore plus la PIO afin de retarder un traitement chirurgical (trabéculectomie) ou par laser (trabéculo-rétraction au laser à l’argon). Son efficacité diminue très rapidement : en pratique, son administration ne peut excéder plus d’un mois. De plus, l’adjonction d’apraclonidine à un traitement associant déjà deux produits réduisant la formation d’humeur aqueuse ne donne pas toujours d’effet bénéfique supplémentaire compte tenu de la similarité des modes d’action sur le glaucome. Les effets indésirables sont essentiellement des allergies (20 à 30 % des cas).
- La brimonidine (Alphagan et génériques) bénéficie d’une sélectivité a2 importante, ce qui explique qu’elle n’affecte, en usage local, que de façon minime les paramètres cardio-vasculaires ou pulmonaires. Il s’agit d’un traitement de seconde intention, d’efficacité comparable à celle des autres collyres indiqués dans le GAO, mais mieux toléré que l’apraclonidine (moins de réactions allergiques). Ce principe actif est disponible sous la forme d’une association fixe au timolol (Combigan) ou à un inhibiteur de l’anhydrase carbonique, le brinzolamide (Simbrinza).
Inhibiteurs de l’anhydrase carbonique (IAC). L’anhydrase carbonique, une enzyme présente notamment dans l’œil, catalyse la réaction réversible impliquant l’hydratation du dioxyde de carbone et la déshydratation de l’acide carbonique : son isomère II a donc un rôle déterminant dans le contrôle local de la PIO. L’inhibition de cette enzyme au niveau des procès ciliaires réduit la sécrétion de l’humeur aqueuse.
Il y a maintenant près d’un demi-siècle que les propriétés anti-glaucomateuses d’un sulfamide, l’acétazolamide (Diamox), ont été remarquées. Développant une action hypotensive oculaire puissante (réduction de 40 % à 60 % de la production de l’humeur aqueuse), il est non seulement indiqué, par voie systémique, dans les glaucomes primitifs à angle ouvert mais aussi dans les crises aiguës de glaucome par fermeture de l’angle. Ses effets indésirables sont nombreux, surtout chez le sujet âgé chez lequel peut survenir une hypokaliémie avec acidose métabolique, un déséquilibre glycémique, des réactions allergiques, voire de rares cas d’aplasie médullaire et d’agranulocytose. De fait, sa prescription est réservée à des cas spécifiques, dans l’attente notamment d’un geste chirurgical.
Peu liposoluble, l’acétazolamide pénètre mal la cornée et n’atteint pas en quantité suffisante l’œil lorsqu’il est administré sous forme de collyre. Des modifications chimiques visant à gagner en efficacité ont permis de développer deux dérivés destinés à la voie ophtalmique :
- Le dorzolamide (Trusopt et génériques ; in Cosopt et Dualkopt), un inhibiteur de l’anhydrase carbonique administré par voie ophtalmique en cas d’hypertonie oculaire ou de GAO. Ce traitement bénéficie d’une excellente tolérance : seuls 5 % des patients l’arrêtent en raison d’effets indésirables (asthénie, troubles de l’humeur, brûlures et inconfort local). Bien qu’administré par voie locale, le dorzolamide est absorbé par l’organisme. S’il n’entraîne pas d’anomalies hydroélectrolytiques car il ne sature pas assez l’anhydrase carbonique plasmatique, il ne doit pas, pour autant, être associé à un traitement systémique par un autre inhibiteur de l’anhydrase carbonique. Une association fixe de timolol et de dorzolamide est disponible (Cosopt).
- Le brinzolamide (Azopt ; in Azarga et Simbrinza) est proche du dorzolamide : la posologie est limitée à deux gouttes/jour contre trois.
Parasympathomimétiques. Les parasympathomimétiques diminuent la résistance à l’écoulement trabéculaire de l’humeur aqueuse. Alcaloïde extrait d’une Rutacée d’Amérique Latine (Pilocarpus jaborandi), la pilocarpine (Isopto-Pilocarpine 2 %, Pilocarpine Faure 1 % ou 2 %) induit un myosis et donc des troubles de la vision handicapants, et elle peut entraîner également une inflammation oculaire notamment chez un patient atteint de cataracte. Quoique rares, des effets systémiques concernant la sphère digestive et bronchique sont décrits. Il s’agit donc d’un médicament de tolérance médiocre. De plus, sa cinétique impose que les instillations oculaires en soient renouvelées trois ou quatre fois chaque jour. L’usage de la pilocarpine devient donc anecdotique et elle n’est plus citée dans les référentiels sur la prise en charge du GAO.
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