L’objectif principal de la prise en charge du patient dépendant est de l’amener à une abstinence complète (toutefois certains praticiens acceptent désormais de l’accompagner vers un objectif moins exigeant, du moins dans un premier temps : cette question n’est pas abordée ici) ou, en cas de simple usage nocif, d’infléchir la conduite d’alcoolisation.
Le médecin évalue la nature du rapport entre l’usager et l’alcool par l’entretien et grâce à des questionnaires validés ; il cerne le vécu subjectif de l’alcoolisation (antécédents de traitements, usage de l’alcool, effets ressentis, désir de reconstruire des liens sociaux, situation familiale et professionnelle, etc.) et réalise un bilan somatique général.
Intervention brève.
Le patient présentant des troubles peu sévères (ou l’adolescent s’adonnant au binge-drinking) bénéficie d’une approche psychothérapeutique simple, dite « intervention brève », qui peut parfois constituer la première étape d’une prise en charge plus prolongée. L’approche thérapeutique reste centrée sur le patient qui conserve la responsabilité de son propre comportement : c’est lui qui prend les décisions, une fois éclairé par le médecin dans un cadre excluant tout jugement de valeur ou moralisateur.
Cure.
Le patient dépendant bénéficie d’un protocole du sevrage reposant sur une relation de confiance avec le médecin (« alliance thérapeutique ») : il lui permet de prendre conscience de sa dépendance, notamment s’il n’a exprimé aucune demande de traitement.
- Le sevrage en institution, dit « résidentiel » (service de médecine interne, gastro-entérologie, nutrition ou unité d’alcoologie) permet d’évaluer de façon précise les complications de l’alcoolisation. Il s’impose en cas d’échec de cures ambulatoires antérieures, lorsque l’état du patient impose une surveillance.
- Le sevrage ambulatoire autorise une activité professionnelle et le maintien de relations familiales et sociales. Mieux accepté que le sevrage résidentiel, il n’oblige pas à assumer le statut de malade, mais impose au patient de faire le deuil de l’alcool là même où il s’alcoolisait, notamment en famille. Cependant, il peut avoir lieu chez un ami, un familier ou au sein d’une association d’entraide. L’appui d’un réseau de soins en alcoologie (notamment des unités de consultation en ambulatoire) est indispensable.
Ce type de sevrage est contre-indiqué chez un patient socialement isolé, atteint d’une pathologie psychiatrique ou somatique sévère, ayant des antécédents de delirium tremens, polytoxicomane, comme chez un patient peu motivé ou soumis à des facteurs d’entraînement à boire importants.
Le sevrage impose, dans les dix jours environ, une aide psychologique importante (thérapie de soutien ou thérapie de groupe) et durable.
Prise en charge médicamenteuse du manque.
Le traitement médicamenteux de première intention du syndrome de sevrage alcoolique repose sur la prescription de diazépam : 1 cp à 10 mg/6 heures pendant 1 à 3 J puis réduction progressive sur 4 à 7 J (ou 6 cp le premier jour, puis réduction d’un cp/j jusqu’à arrêt en 7 J). Cette prescription n’excède pas 8 jours, sauf si une co-dépendance aux anxiolytiques accompagne l’alcoolodépendance. Lorsque le sevrage s’accompagne d’agitation, insuffisamment calmée par le diazépam, voire d’hallucinations, il est possible d’administrer un antipsychotique sédatif (tiapride à posologie forte : jusqu’à 1,8 g/j).
Ce traitement est accompagné d’une hydratation suffisante - soit 3 l/j pendant 3 à 4 J. L’apport hydrique est idéalement oral (eau, jus de fruit) ; s’il est réalisé par voie veineuse avec du glucosé, il faut impérativement y associer de la vitamine B1 (thiamine 500 mg/j) car le glucosé induit une déplétion vitaminique.
La survenue d’un delirium tremens, caractéristique d’un sevrage brutal chez un sujet très dépendant, fait indiquer l’administration d’une benzodiazépine (diazépam ou midazolam) par voie IV, à posologie dictée par la clinique, à proximité de moyens de réanimation (risque de dépression respiratoire). Il est possible d’associer un antipsychotique injectable (halopéridol en général ; le tiapride n’a pas d’indication ici). Une poussée hypertensive peut être traitée par clonidine injectable (Catapressan), après correction de l’hypovolémie.
Les crises de type grand mal, parfois observées dans les 48 heures suivant l’arrêt de l’alcool, volontiers récidivantes, imposent, sous couvert de moyens de réanimation respiratoire adéquats, l’injection intraveineuse de diazépam ou de clonazépam. Le retour de la conscience autorise le passage à la voie orale.
Nursing, détection et prophylaxie des complications du décubitus (thrombose, pneumopathie, etc.), correction d’une éventuelle hyperthermie, ré-équilibration hydro-électrolytique (sodium, potassium, voire magnésium et calcium si déficit avéré) sont indispensables.
Postcure.
Il peut être indispensable, en cas de problèmes psychologiques ou sociaux graves compromettant la pérennité du sevrage, de prolonger la cure pour optimiser la réintégration familiale et sociale : cette postcure est généralement réalisée en ambulatoire par un médecin généraliste en liaison avec un centre d’alcoologie ou avec un groupe d’anciens buveurs : il s’agit de motiver le patient vis-à-vis du maintien du sevrage et de lui apprendre à vivre sans alcool. La psychothérapie, notamment systémique ou familiale (qui peut faire émerger une pathologie du couple que masquait la dépendance à l’alcool), comportementale ou d’inspiration analytique permet d’élaborer sereinement un projet de vie. Une thérapie de groupe est facilitée par une prise en charge institutionnelle (groupes de parole, groupes de relaxation, art-thérapie, musicothérapie).
Les phases de réalcoolisation, toujours possibles, font partie de la dynamique du processus : il importe de ne pas les occulter et de ne pas culpabiliser le patient qui, au contraire, sera invité à en parler afin de mieux les comprendre et les dominer.
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Médicaments facilitant la postcure
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