Quelques chiffres laissent à penser que la substitution peut être problématique chez les seniors. Tout d’abord, 70 % des personnes âgées de 75 ans et plus souffrent de maladies chroniques et sont polymédiquées.
Selon l’étude PAQUID 2012 qui fait référence, celles qui vivent à leur domicile consomment quotidiennement 4,5 médicaments et chaque ordonnance comprend en moyenne 3,4 traitements distincts. Une autre enquête menée par le LEEM (Les Entreprises du Médicament) indique que 40 % des plus de 75 ans en prennent même 5 ou plus par jour.
Or, le fait d’avoir plus de 3 traitements par jour est un facteur aggravant reconnu d’erreurs de prise dont les conséquences sont plus graves passé un certain âge. D’autant que les médicaments les plus prescrits aux seniors appartiennent à des classes médicamenteuses qui imposent un respect rigoureux des posologies : ceux de la sphère cardiovasculaire et du système nerveux central. Une simple substitution générique - d’un princeps à un générique ou d’un générique à un autre - constitue donc a priori un risque supplémentaire.
Prudence en cardiologie et diabétologie
Mal présentée ou insuffisamment expliquée, la substitution peut mal se passer jusqu’à entraîner une hospitalisation. Il y a quelques années, les services de médecine interne gériatrique et de pharmacie du CHU de Rouen avaient décrit 5 cas exemplaires liés à la délivrance de génériques en ville : dans quatre cas, la personne âgée (74, 83, 84 et 88 ans) avait pris à la fois le médicament princeps et son générique (anxiolytique, hypnotique, inhibiteur calcique, AVK) et dans le cinquième, le patient n’avait pas pris le générique (diurétique) parce qu’« il ne le connaissait pas ».
Cela dit, les erreurs sont peu nombreuses depuis 1999, date d’obtention du droit de substitution par les pharmaciens. Les génériques ne sont pas incompatibles avec l’âge et la polymédication, moyennant des précautions et une vigilance accrue. Les recommandations de l’ANSM concernant les génériques des hormones thyroïdiennes et du fentanyl - du fait de leur marge thérapeutique étroite et des variations interindividuelles - valent ainsi pour tous les malades chroniques mais plus encore s’ils sont à risque comme les personnes âgées.
Dans ce cas, mieux vaut ne pas proposer un générique quand le patient a débuté avec le princeps et ne pas changer de générique en cours de traitement. Pour sa part, la dernière Convention nationale des pharmaciens titulaires d’officine demande qu’une seule marque de génériques soit délivrée aux patients de plus de 75 ans et retient une liste de traitements chroniques en cardiologie et en diabétologie.
Anticiper les erreurs
Ces recommandations mises à part, au comptoir, le pharmacien et son équipe considèrent l’âge du patient et le nombre de médicaments que comporte son ordonnance avant d’opter pour tel ou tel générique - de toutes spécialités - ou d’y renoncer. Ce n’est pas l’âge en soi qui complique la substitution mais la superposition des risques.
Il y a personne âgée et personne âgée. Nombre de « jeunes seniors » polymédiqués, et même parfois âgés de plus de 85 ans, sont suffisamment en forme physique et mentale pour ne pas faire d’erreurs. Plusieurs critères peuvent cependant être pris en compte dans le choix d’une marque pour que celle-ci soit bien acceptée : sécabilité, taille et goût des comprimés, lisibilité de la notice avec des caractères agrandis, conditionnements unitaires, notifications sur les boîtes, couleur et charte graphique du packaging…
Pour repérer d’éventuels troubles liés au vieillissement, visuels, auditifs et cognitifs notamment, savoir si la personne âgée vit seule ou n’est pas secondée et ainsi anticiper les erreurs, l’entretien au comptoir est essentiel. Ensuite, attention au choix de la galénique : un comprimé dragéifié génériqué sous forme de gélule ou de capsule par exemple (ou vice versa) et la personne âgée risque d’être perdue.
Enfin, il faut expliquer et réexpliquer, au besoin en montrant côte à côte les deux boîtes, du princeps et du générique, et les noms identiques de la molécule qui y figurent.
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