Cas de comptoir

Comment parler de sexe à l’officine

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Publié le 27/05/2019

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Parce que la santé sexuelle est une composante de la santé, le pharmacien ne peut pas se contenter de délivrer Viagra, préservatifs et lubrifiants. Mais doit engager le dialogue pour informer, conseiller voire orienter. Pas facile, mais utile…

Malgré la révolution sexuelle et l’abondance d’informations sur le Net et les réseaux sociaux, parler de sexe dans une officine reste encore compliqué. Les patient(e)s ont souvent du mal à poser des questions sur la « pilule bleue » ou à propos de sécheresse vaginale. Le pharmacien aussi, ne voulant pas gêner, ne sait pas toujours comment se comporter pour donner des informations. Les troubles sexuels sont sans nul doute le sujet le plus difficile à aborder au comptoir, mais parler de contraception d’urgence demande aussi de la délicatesse car un minimum d’échanges d’ordre intime est nécessaire. « Même quand nous veillons à ce que la conversation ait lieu à l’écart ou dans un espace de confidentialité, le dialogue est souvent laborieux », rapporte Corinne Dubreuil, pharmacienne à Versailles. « Avec les femmes, c’est un peu plus facile parce que l’équipe officinale est féminine. Mais poser une ou deux questions au patient qui vous tend une prescription d’IPDE5 ou lui donner des précisions, est plus compliqué. Très souvent, il se dit informé et ne tient pas à poursuivre l’entretien. Il veut seulement repartir vite avec le médicament… Un pharmacien homme entame plus aisément le dialogue sur ce sujet, mais pas toujours. »

Même s’il n’est pas aussi simple de communiquer sur des problèmes touchant à la sexualité que sur le mal de dos, par exemple, le pharmacien a cependant, ici aussi, un rôle d’information, de conseil et d’accompagnement à jouer. Comme l’OMS l’a reconnu en 2002, la santé sexuelle « fait partie intégrante de la santé, du bien-être et de la qualité de vie ». Pourquoi les pharmaciens s’affranchiraient-ils de cette composante ? De là à proposer des sex-toys et des livres de sexologie comme c’est le cas dans certaines pharmacies suisses (voir encadré), il y a un pas que les officinaux français ne sont pas près de franchir…

Rester naturel

Il n’existe évidemment pas de recette ni même de technique de communication particulière pour aborder au comptoir des sujets encore tabous. Il faut simplement oser en parler de façon naturelle, authentique et être capable de s’adapter à la personne et au contexte. Plus la situation est compliquée, plus il faut rester soi-même. Un patient qui sent son interlocuteur embarrassé ne se confiera pas. Dans certains cas, il faut aussi s’abstenir de juger mais expliquer, informer, au besoin à l’aide d’une brochure glissée discrètement. Et toujours faire preuve de compréhension et d’empathie. « La plupart des pharmaciens ne sont pas à l’aise pour parler de sexe mais ça s’apprend. Le jeu en vaut la chandelle car les troubles de la sexualité sont fréquents et la grande majorité des patients concernés n’en disent rien et ne consultent pas alors qu’il est essentiel de rechercher les causes d’un dysfonctionnement érectile. Le pharmacien représente le premier interlocuteur de confiance et facile d’accès avant éventuellement une consultation médicale. Il peut contribuer à dépister des pathologies sous-jacentes », pense le Dr Sylvain Mimoun, gynécologue-andrologue et sexologue*. « Délivrer des médicaments et des produits adaptés ne suffit pas, au-delà le pharmacien est à même d’informer, de sensibiliser à de nouveaux traitements même si ceux-ci ne sont pas disponibles en pharmacie et d’orienter vers des spécialistes ». Exemples de solutions à évoquer pour nourrir l’échange et inciter à consulter : les ondes de choc, de faible intensité, qui visent à améliorer la circulation sanguine et même à créer de nouveaux vaisseaux ; le laser vaginal pour lutter contre la sécheresse vaginale post-ménopause ou post-traitement anticancéreux ; un système de LED pour traiter les douleurs de la vulve ou de la verge.

* Auteur de « Restons fermes ! ». Éditions Eyrolles.

Évelyne Gogien

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