Aucune surprise, l'excédent brut d'exploitation (EBE)* suit les courbes ascendantes de l'activité et de la marge brute. Quel que soit leur réseau, les trois experts-comptables constatent un bond de 40 000 euros par rapport à l'année 2020, portant l'EBE à 278 900 euros chez Fiducial, 307 400 euros chez KPMG et 319 800 dans le réseau CGP. Autre constante, dans toutes les pharmacies suivies par ces cabinets, l'EBE représente plus de 15 % d'un chiffre d'affaires tout à fait exceptionnel (voir page 18). Une nouvelle performance soulignée par les experts puisque cette barre n'a jamais été franchie lors des dernières années. Pour Joël Lecoeur (CGP), cette hausse significative de l'EBE quasi identique à la marge brute globale bénéficie d'un facteur positif : les pharmacies ont absorbé l'activité 2021 avec une masse salariale relativement stable.
Pour autant, si les pharmaciens ne doivent pas bouder leur plaisir, celui-ci pourrait être de courte durée. À quelques mois de l'ouverture des négociations conventionnelles portant sur le volet économique de l'officine, Pierre-Olivier Variot, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), met en garde contre l'attitude des pouvoirs publics. D'ores et déjà, le directeur général de l'assurance-maladie a brandi ce résultat comme argument pour justifier sa future politique d’austérité. Une position qui fait écho à la « fin de l'abondance » prédite par le président de la République. Les syndicats de la profession devront donc redoubler de conviction pour obtenir des avancées susceptibles d'assurer la pérennité économique de l'officine à travers les nouvelles missions. « L'assurance-maladie a déjà fait une première tentative de déstabilisation en voulant rogner de moitié la marge sur les médicaments chers. Heureusement, elle a fait machine arrière sous la pression des syndicats de la profession », rappelle le président de l'USPO.
Changer de stratégie
Une autre menace se profile pour l'EBE. L'inflation va nécessairement avoir des conséquences sur les comptes de résultat des officines. Comme le décrit Joël Lecoeur, les industriels confrontés à une hausse des prix de l'énergie et des transports vont répercuter ces surcoûts sur les prix d'achat. Or, jusqu'à présent, les pharmaciens avaient peu l'habitude de faire payer aux clients ces augmentations, préférant absorber la hausse des produits non remboursés pour des raisons de concurrence. Les outils géomarketing leur permettent en effet de tenir compte des tarifs pratiqués dans leur environnement commercial.
Cependant, les titulaires pourront-ils encore se permettre une telle stratégie qui a rogné leur marge d'année en année ? Rien n'est moins sûr. Les experts-comptables leur recommandent d'être attentifs à la hausse des coûts au sein de l'officine. Toutefois, à rebours du discours ambiant, le coût de l'énergie semble détenir un poids marginal dans le compte de résultat de la pharmacie. « Le coût de l'électricité, énergie majoritairement consommée par les officines – à l'exception de celles en milieu rural recourant au fuel - est de 3 000 euros par an pour les petites structures, de 6 000 à 7 000 euros pour les pharmacies les plus importantes, comme celles des centres commerciaux », relève Philippe Becker (Fiducial). Emmanuel Leroy (KPMG) estime quant à lui le montant des frais généraux à 5 % du chiffre d'affaires. Il ajoute que le bouclier tarifaire n'est applicable que pour les pharmacies dont le chiffre d'affaires n'excède pas 2 millions d'euros. Dans les autres, faudra-t-il se résoudre à diminuer la luminosité des locaux ?
Un facteur démographique
La principale source d'inquiétude reste le poste « salaires ». Car, annonce Joël Lecoeur, « au-delà des deux réévaluations de la grille salariale en 2022 à hauteur de 6 %, la masse salariale a augmenté de 12 % au cours des six premiers mois de cette année ». La raison de cette tendance haussière réside dans la pénurie de personnels que connaît la pharmacie, comme bien d'autres secteurs d'activité. Deux chiffres attestent de cette réalité, comme le rappelle le président du réseau CGP, « alors que le nombre de postes manquants est évalué entre 10 000 et 15 000, une pharmacie sur deux peine à recruter. Ce qui a naturellement des effets sur le niveau des salaires à l'embauche ». Philippe Becker n'exclut d'ailleurs pas un effet ciseaux sur l'EBE dans les mois à venir. « Ses bonnes performances peuvent être mises à mal par les rattrapages opérés sur les salaires et par la hausse des salaires à l'embauche », explique-t-il.
Pour autant, la pénurie de personnels, phénomène commun à de nombreux secteurs d'activité, ne résulte pas tant d'un manque d'attractivité de l'officine que d'un facteur démographique. « Nous sommes en présence de générations importantes qui partent à la retraite tandis que celles qui arrivent sur le marché du travail sont plus réduites », analyse l'expert-comptable. Une question de fécondité, souligne-t-il, qui pourrait, in fine, peser sur l'EBE !
*Avant rémunération des titulaires et cotisations TNS.
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