À 1,346 million d'euros, les pharmacies se cèdent en 2021 à un niveau toujours élevé. Un montant toutefois en léger retrait par rapport à 2020, année record de ces six dernières années qui avait vu le prix moyen passer à 1,360 million d'euros.
« Nous assistons, de manière générale, à une hausse significative des frais de cession même si on retraite les activités Covid », relève Joël Lecoeur dont le réseau CGP est à l'origine de ces statistiques. De fait, les fonds sont estimés à 7,10 fois l'EBE quand ce multiple n'atteignait que 6,76 en 2020. Rapporté au chiffre d'affaires, le taux de 85 % est désormais appliqué, contre 82 % un an auparavant.
Pourtant, ce dernier indicateur a fait l'objet d'un retraitement de la part des experts-comptables. Tout comme les autres indicateurs économiques de l'officine auxquels ont été retranchées les missions liées au Covid (tests antigéniques, vaccinations et, dans une moindre mesure, distribution de masques). La méthodologie appliquée consiste à retraiter a minima les activités à un taux de TVA de 0 %. « Au niveau de l'EBE, on retraite la marge à coût variable du Covid, c’est-à-dire la marge dégagée par l'activité Covid diminuée des éventuelles dépenses liées aux missions. Je pense ainsi aux frais de personnels spécifiques, au recours à des étudiants notamment, pour réaliser des tests antigéniques », explique Joël Lecoeur.
Risque de surchauffe
Pour autant, en dépit de cette approche, le marché ne peut échapper à une tendance inflationniste sur les prix de cessions. En 2021, et davantage encore en 2022. « Cette tendance s'accélère car elle traduit une évolution favorable en termes d'activité. La progression du chiffre d'affaires, thermomètre de l'officine, reflète une bonne santé de l'exercice officinal », analyse Joël Lecoeur. Mais l'expert-comptable est loin de céder à l'euphorie. Bien au contraire, il met en garde contre le caractère surfait de ce phénomène et contre un « retour de bâton ». Ceci d'autant plus que la masse salariale augmente, l'EBE s'effrite et les taux d'intérêt remontent. « Nous sommes à la fin d'un cycle », prédit-il. Rejoignant l'analyse de son confrère, Philippe Becker (Fiducial) estime qu'« il ne s'agit pas forcément d'une mauvaise nouvelle car il y a un risque de surchauffe ». Et d'en citer deux facteurs. Il s'agit d'une part des titulaires proches de la retraite que les prix pratiqués sur le marché décident à céder et, d'autre part, des jeunes qui bénéficient des boosters d'apport.
Sur ce point, Philippe Becker tient à préciser : la solvabilisation d'un certain nombre de candidats à l'installation fait mécaniquement monter les prix, tout particulièrement sur les pharmacies d'un chiffre d'affaires de deux millions d'euros, les fonds les plus recherchés. « Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas aider les jeunes, bien au contraire, le temps joue pour eux, en douze ans, ils peuvent devenir propriétaires », ajoute-t-il, appelant toutefois à savoir raison garder et à rester sur les bons ratios financiers. En effet, insiste-t-il, les prix doivent se stabiliser, voire baisser légèrement, car ils ne sont pas en relation avec ce phénomène exceptionnel qu'est la crise sanitaire. Et d'ajouter, il ne faudrait pas intégrer mentalement le Covid comme un événement reproductible.
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