L’enfant n’étant pas un adulte en miniature, il n’est pas possible d’extrapoler les résultats des essais cliniques de l’adulte à l’enfant. Une évaluation spécifique des médicaments est donc indispensable, et cela, aux différentes étapes de l’enfance. Concomitamment, on ne peut pas davantage extrapoler les posologies de l’enfant à partir de celles de l’adulte sur la base d’une simple règle de proportionnalité en rapport avec le poids ou la surface corporelle. Voici pourquoi.
L’enfant est un organisme en voie de maturation ; ces modifications portent sur toutes les étapes du devenir des médicaments dans l’organisme, ce qui impacte, bien entendu la posologie.
- Résorption : elle semble diminuée, surtout chez le nouveau-né, entraînant un retard à l’obtention de la concentration plasmatique maximale (le temps de vidange gastrique ne devient égal à celui de l’adulte que vers l’âge de 6 mois et la vitesse d’absorption intestinale est diminuée chez le nouveau-né). En revanche, il existe théoriquement une bonne résorption par voie rectale, non influencée par la maturation… mais elle apparaît en réalité très aléatoire. La résorption par les voies intramusculaire et sous-cutanée est réduite et également aléatoire. La résorption cutanée est plus importante chez le nouveau-né – environ 3 fois plus - et le nourrisson que chez l’adulte.
- Distribution : la taille relativement augmentée des compartiments hydriques et adipeux chez l’enfant s’accompagne de volumes de distribution des médicaments plus élevés que chez l’adulte ; cela explique la nécessité, pour certains médicaments, d’utiliser des doses de charge et/ou des doses unitaires rapportées au poids plus élevées que chez l’adulte.
- Métabolisation : si certaines voies de métabolisation sont matures dès la naissance, d’autres sont diminuées et d’autres encore plus importantes que chez l’adulte. En outre, la maturation des diverses voies métaboliques se fait à des vitesses différentes, ce qui complique encore la situation.
- Élimination : les mécanismes d’excrétion rénale ne sont pas matures à la naissance. La diminution de l’excrétion des médicaments implique souvent une dose moindre que chez l’adulte et une augmentation des intervalles entre les prises.
Galénique et pédiatrie : un chemin difficile
Il convient bien sûr, d’utiliser en priorité les formes galéniques adaptées à l’enfant, afin de limiter les erreurs de posologie ou d’administration et d’améliorer la compliance.
Avant 6 ans, ce sont les formes liquides qui sont privilégiées (solutions buvables, sirops, poudres et granulés). Les formes liquides ne posent pas le problème de la désagrégation dans le tube digestif et ont une action plus rapide. Le principe actif est associé à un agent sucrant, ou un aromatisant. La forte proportion de sucre assure une conservation bactériologique sous certaines conditions, peut masquer la saveur désagréable de certains principes actifs, mais peut être contre-indiquée chez certains enfants diabétiques, intolérants au fructose, ou déficitaires en enzymes digestives.
Dans le cas de préparations liquides multidoses, il faut conseiller de maintenir un environnement propre, de noter la date d’ouverture, de nettoyer le col du flacon pour éviter que le sucre ne colle, de conserver éventuellement le produit reconstitué au réfrigérateur.
« Il est fortement déconseillé d’administrer un médicament dans un biberon »
À ce sujet, rappelons qu’il est fortement déconseillé d’administrer un médicament dans un biberon, en raison des risques d’interactions entre le principe actif et les lipides, ainsi que de l’incertitude quant à la capacité de l’enfant à en boire la totalité.
Pour les médicaments ayant une marge thérapeutique large, une prescription en cuillères à café (5 ml), à dessert (10 ml), ou à soupe (15 ml) est possible (mais peu pratique jusqu’à 5 ans). Pour les médicaments ayant une marge thérapeutique étroite, il est recommandé d’utiliser une seringue, un gobelet, un compte-gouttes, une pipette ou une cuillère-mesure graduée en fonction du poids (très souvent d’ailleurs fournies dans le conditionnement), voire une sucette réservoir (ou sucette doseuse, renfermant 5 ml de solution) ; ne jamais oublier de rappeler aux parents de ne pas intervertir les dispositifs de mesure entre les médicaments.
La voie sublinguale est rarement utilisée du fait de la faible compliance du jeune enfant, mais évite un effet de premier passage hépatique.
Chez les enfants de plus de 7 ans, il est parfois possible d’utiliser des comprimés ou des gélules. Cependant, si les comprimés sont disponibles à des dosages non appropriés à la pédiatrie, il est souvent difficile de les casser en plus de 2 moitiés (de plus, une fois coupés, certains médicaments ont mauvais goût). Il convient alors de recourir à des préparations magistrales ou d’utiliser une présentation adaptée à la pédiatrie.
Les comprimés gastrorésistants, les présentations retard, les comprimés sublinguaux ou buccaux, les comprimés effervescents et les gélules gastrorésistantes ne doivent pas être broyés en raison d’un risque de destruction du principe actif par les sucs digestifs, de lésion digestive, ou de perte de l’action prolongée.
Les gélules, si elles ne sont pas gastrorésistantes, peuvent être ouvertes et mélangées à l’alimentation ou aux boissons.
Ajoutons que les suppositoires ne sont généralement plus acceptés par l’enfant au-delà de 3 à 4 ans ; avec l’inconvénient qu’en cas d’expulsion plus ou moins retardé du suppositoire, il a une incertitude sur la quantité réellement absorbée.
Enfin, en cas d’impossibilité d’utilisation d’une forme solide, il est parfois préférable de boire la forme injectable ; mais attention, une solution injectable est parfois inadaptée à la voie orale, source alors d’inefficacité ou d’intolérance.
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