LES ORDONNANCES Juppé de 1996 donnent officiellement le coup d’envoi de la politique générique en France. À cette époque, la part de ces médicaments reste relativement faible, environ 5 % du marché pharmaceutique total. Mais les pouvoirs publics le savent : le potentiel d’économies est considérable. Pour dynamiser ce marché, ils vont donc faire preuve au cours de ces dix dernières années d’imagination pour mettre en place différents dispositifs d’incitation.
Un permis de substituer
Premier levier actionné, les officinaux. Bernard Kouchner, alors secrétaire d’État à la Santé du gouvernement Jospin, accorde ainsi en 1999 le droit de substitution aux pharmaciens. En contrepartie d’une nouvelle marge à deux tranches assortie d’un forfait à la boîte, les officinaux s’engagent à développer les génériques.
Des accords avec les médecins
Après les pharmaciens, les pouvoirs publics décident de mobiliser les prescripteurs. En 2002, un accord est ainsi signé entre les médecins et l’assurance-maladie. Le corps médical s’engage alors à prescrire 25 % de médicaments en dénomination commune (DC), dont la moitié figure au répertoire des génériques. Le marché fait un bond et atteint désormais 10 % du marché total des médicaments.
Quelques années plus tard, en 2006, l’assurance-maladie conclut un nouvel accord dans ce sens avec les médecins, mais aussi avec les officinaux. Dans cet accord, qui vise à inciter les praticiens à prescrire davantage dans le répertoire, les officinaux s’engagent pour leur part à améliorer l’accompagnement des patients lors de la dispensation de génériques.
Des campagnes de sensibilisation
Au début de l’année 2003, c’est au tour des patients d’être sensibilisés à l’intérêt des médicaments génériques. Le ministère de la Santé, puis l’Ordre des pharmaciens, lancent chacun à quelques semaines d’intervalles leur propre campagne de communication. Tandis que pour son opération « Les médicaments génériques, tout le monde y gagne », le ministère fait appel au réalisateur Patrice Leconte, l’Ordre préfère le ton décalé de l’humoriste Jean-Yves Lafesse pour la conception de films courts.
Des moyens de pression
Puis, vient l’heure des menaces. Inscrit dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2003, le principe du tarif forfaitaire de responsabilité, alias TFR, fait son entrée dans le paysage pharmaceutique cette année-là, sous la houlette de Jean-François Mattei. Les comptes de l’assurance-maladie vont mal et le ministre de la Santé de l’époque compte sur cet outil pour donner un nouveau coup d’accélérateur au marché générique. Ses successeurs utiliseront également plus ou moins cette arme de dissuasion, sans jamais décider de l’abandonner.
Des objectifs de substitution
Deux ans plus tard, après d’âpres négociations, les officinaux et le ministère de la Santé tombent d’accord sur la fixation d’objectifs annuels de substitution. Cet accord, qui est intégré à la convention pharmaceutique signée avec l’assurance-maladie, prévoit un objectif de pénétration des génériques à 70 % pour la fin 2006. La barre est ensuite relevée à 75 % en 2007, puis à 82 % l’année suivante. Mais, il semble désormais bien difficile d’aller plus haut. Ainsi, pour 2009, le taux demandé reste le même qu’en 2008. Ce qui représente toutefois un effort important pour la profession. En effet, compte tenu des mises à jour régulières du répertoire, cela équivaut à une progression du taux de substitution de 9 points.
La bourse ou le générique
Malgré toutes ces initiatives, certains départements restent à la traîne. En octobre 2006, l’assurance-maladie et les syndicats de pharmaciens tombent d’accord pour lancer une opération de « sauvetage » dans la capitale. En pratique, la CPAM de Paris demande alors aux officinaux de ne plus pratiquer le tiers payant aux patients refusant les génériques. L’idée traverse rapidement le périphérique et s’étend progressivement à toute la France.
Les dernières trouvailles
Récemment, une nouvelle pression est exercée sur les prescripteurs pour qu’ils s’engagent enfin pleinement dans le générique au travers des contrats d’amélioration des pratiques professionnelles ou CAPI. En signant ce type de contrat, un médecin se doit en effet de prescrire davantage dans le répertoire. Dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2010, les parlementaires se sont pour leur part attachés à lever certaines protections juridiques sur les princeps (« le Quotidien » du 5 novembre). Dans le même esprit, le comité économique des produits de santé (CEPS) et le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) ont paraphé un accord conventionnel permettant à un fabricant de princeps de donner à un autre laboratoire l’autorisation de produire en France un générique d’un de ses princeps avant même que son brevet arrive à échéance. D’autres mesures, très contestées, ont pour le moment été écartées, telle la mise en place d’un système d’appels d’offres entre laboratoires pour faire baisser les prix des génériques.
Tant que les comptes de la Sécu seront dans le rouge, les pouvoirs publics ne seront pas avares d’idées pour développer toujours plus le marché des génériques.
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