LA FRONTIÈRE qui distingue deux univers est souvent un espace riche en découvertes. Produits de mutation ou concepts hybrides, les fruits qu’on y trouve sont tout sauf communs. Ainsi en va-t-il des cosmétotextiles, marché émergent qui s’inspire des industries textiles et cosmétiques sans pour autant leur ressembler. De cette fusion naît une gamme de vêtements d’un genre nouveau, capables de diffuser à travers la peau un ensemble d’actifs encapsulés dans le tissu. Pour l’axe cosmétique, l’essentiel des effets recherchés est l’amincissement et l’hydratation cutanée, mais les textiles peuvent aussi présenter des fonctions bactéricides, fongicides, anti-inflammatoires, antioxydantes ou encore analgésiques, cicatrisantes…
Aloe vera, ginko, thé vert, huile de jojoba, caféine, vigne rouge, amande douce sont quelques-uns des extraits végétaux utilisés par la filière qui les considère comme autant de voies de valorisation du textile. En résulte une garde-robe aux prétentions étonnantes : culottes, ceintures, pantalons et brassards amincissants, fuseaux et débardeurs massants, gants et collants hydratants, sous-vêtements et chaussettes antibactériens à l’argent mais aussi jersey anallergique, rideaux bactéricides…
Dix années d’innovations continues.
Le concept alliant textile et cosmétique, pour autant, n’est pas de prime jeunesse. La marque Dim, en effet, s’en était emparée à la toute fin des années 1990 pour concevoir des collants à la fonction hydratante, amincissante ou simplement parfumés. Une décennie plus tard, c’est une dizaine d’acteurs qui se partagent ce qui est bel et bien devenu un marché. Et porteur, semble-t-il, puisqu’il pèserait, rien que pour sa branche « minceur », plus de 80 millions d’euros en France (tous circuits confondus) et connaîtrait une progression annuelle de 100 % depuis 5 ans. Un segment dont l’officine n’est pas absente, générant quelque 5 millions du total des ventes par le truchement d’une poignée de marques déjà incontournables dans ce domaine : Skin’Up propose 5 lignes de vêtements à vocation minceur additionnées d’un système de recharge en actifs présenté sous forme d’une brume à pulvériser sur le textile ; Lytess, créateur historique de cosmétotextiles ancrés sur les axes de la beauté et de la minceur, s’oriente aussi vers le bien être et la santé en travaillant sur l’élaboration d’un textile de soin pour les peaux atopiques.
Pas de limites.
Si elle se développe, la filière cosmétotextile n’est cependant pas sans générer ses propres problématiques, la plus importante étant sans doute celle de l’usure. Car les actifs encapsulés dans le tissu sont destinés à être libérés et donc à voir leur réserve s’épuiser. Une déperdition qui s’opère naturellement durant le port du vêtement mais qui s’accentue à chaque lavage, le textile perdant alors peu à peu sa fonctionnalité.
« Nous sommes en train de résoudre le problème en travaillant sur des systèmes rechargeables », indique Marc Gochel, directeur de marché au sein du laboratoire d’évaluation textile Centexbel, situé en Belgique. « On peut imaginer que la substance active n’est plus encapsulée mais déposée sur les fibres du tissu de façon à ce qu’elles puissent être facilement rechargées ». Autre écueil susceptible de freiner le marché, celui de la tolérance cutanée. « Ce n’est pas un problème inhérent aux cosmétotextiles puisqu’il concerne tous les dispositifs amenés à être en contact avec la peau ». Le laboratoire expert auprès de la Commission européenne réalise donc les tests d’irritation, de sensibilisation et de cytotoxicité qui s’appliquent à n’importe quel tissu traité.
Le recours aux nanoparticules.
« À partir du moment où il y a libération d’actifs, on peut être confronté à un risque allergique. C’est une difficulté qui pourrait être contournée si l’on réussit à fixer au textile des nanoparticules contenant la substance active afin qu’elle ne pénètre pas dans la peau ». La dernière question que soulève l’émergence des cosmétotextiles tient aux déchets qu’ils peuvent engendrer. Car, en tant que tissus jetables, ils viennent alourdir encore l’écheveau environnemental. Une problématique à laquelle Marc Gochel répond en arguant que, « si l’on va dans ce sens, c’est toute l’industrie du jetable qui est concernée par le recyclage et pas seulement celle des textiles cosmétiques ». Quant aux effets sur l’environnement des substances actives résiduelles subsistant dans les vêtements jetés, « Il s’agit d’une polémique bien moindre que celle engendrée par l’ensemble des tissus dont on se débarrasse tous les ans et qui atteindrait le poids de 22 kg par personne en Europe ».
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