Bilan et perspective économique

Acquisition : un ticket d'entrée à 280 000 euros

Par
Publié le 30/10/2017
Article réservé aux abonnés
Les experts-comptables s'accordent sur un constat encourageant : la profession a échappé de peu à l’éclatement d’une bulle financière entre 2008 et 2009. La valorisation des fonds retenant l’EBE comme base de calcul a permis de renouer avec une situation plus réaliste. Il n’en reste pas moins qu’un apport de 280 000 euros reste nécessaire à l’acquisition d’un fonds d'officine moyenne.
graph2

graph2
Crédit photo : Caroline Victor-Ullern

photo 57

photo 57
Crédit photo : S. TOUBON

graph1

graph1
Crédit photo : Caroline Victor-Ullern

Le marché serait-il revenu à la raison ? Sans aucun doute à en croire l’analyse des experts-comptables. « On a échappé de peu à l’éclatement d’une bulle financière dans les années 2008-2009 qui aurait pu se produire », rappelle Philippe Becker, directeur du département pharmacie chez Fiducial. Il fait référence à des documents du cabinet d’Interfimo qui, à l’époque, attestaient d’une diminution de la rentabilité des officines coïncidant avec une croissance continue du prix des fonds d’officine.

Le mode de calcul délaissant le chiffre d’affaires au profit d’un multiple de l’EBE aurait-il remis de l’ordre sur ce marché ? Il a, en tout cas, permis d'objectiver les prix de vente. « Nous avions prédit, il y a quelques années, que le point d’équilibre se situerait à 7 fois l’EBE, nous y sommes presque », constate avec satisfaction Olivier Desplats, expert-comptable du réseau CGP. Il en veut pour preuve des prix de cessions qui décroissent, indexés à un multiple de l’EBE qui, de son côté ne cesse de baisser.

Ainsi, alors qu’une officine se cédait en 2011 à un facteur de 7,88 l’EBE, elle est aujourd’hui vendue à 6,83 fois son EBE. Un décrochage qu’Olivier Desplats qualifie de « sain » pour la profession. Encore faut-il savoir de quel EBE il est question, souligne l'expert-comptable. En effet, dans le cadre d’un projet d’acquisition, l’EBE n’est pas retraité de la même façon que lorsqu’il est question d’estimer la solidité financière et économique de l’officine dans un bilan. « L’EBE retraité servant de base à la valorisation d’un fonds se calcule de la manière suivante : on déduit de l’EBE de la pharmacie cible à laquelle on a rajouté la rémunération du vendeur ainsi que les cotisations TNS du vendeur, la rémunération du pharmacien acquéreur sur la base d’un coeff. 600 chargé, soit 3 200 euros net », énonce Olivier Desplats, notant que ce salaire n’est pas exorbitant au regard des heures de travail fourni par un jeune titulaire…

Un apport personnel de 20 %

Les experts-comptables sont formels. L’EBE doit être retenu par les candidats à l'acquisition comme l'indicateur essentiel de la valeur d’un fonds. Un conseil de taille quand on sait que la valeur d’un fonds détermine l’endettement des officines. « Or, quand on parle d’une officine en difficulté, c’est lié généralement à un endettement trop lourd, ce qui freine la possibilité du titulaire de réorganiser, de restructurer et de moderniser son outil de travail », met en garde Olivier Desplats.

Ce critère est d’autant moins anodin que le futur acquéreur devra mettre 20 % d’apport personnel sur la table, soit, rapporté au prix moyen d’une officine (1,4 million d’euros, selon CGP), 286 000 euros ! « Cette somme représente un véritable défi pour la profession pour les années qui viennent », ne manque pas de remarquer l’expert-comptable.

Les critères de choix

Raison de plus, dans ces conditions, pour bien dimensionner son projet. Premier critère de choix, la taille de l’officine. « Elle devient un élément déterminant du niveau de prix. Si l’on raisonne en pourcentage du chiffre d’affaires, on obtient des résultats fondamentalement différents », observe le représentant du réseau CGP. Ainsi pour une officine dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas un million d’euros, un taux de 53 % de ce chiffre d’affaires hors taxes, va être appliqué pour calculer le prix de vente. Il en est tout autrement pour les pharmacies deux fois plus importantes. Une prime « à la taille », comme la nomme Olivier Desplats, va être retenue, soit un taux de 83 %. « C’est clairement, dans ce cas, le poids de la rémunération du titulaire qui impacte la valorisation du fonds », relève Olivier Desplats. À rappeler que le ratio moyen se situe aujourd’hui à 79 % du chiffre d’affaires contre 87 %, il y a encore sept ans.

Il n’empêche, les projets des candidats à l’acquisition se positionnant désormais principalement sur des modes d’exercice en association et sur des officines de taille importante, tous les cas de figure méritent d’être étudiés. Pour autant, d’autres critères pèsent également sur le choix du futur installé. La situation géographique, l’environnement médical, l’entourage commercial de l’officine, sont tout autant des facteurs de poids conditionnant la réussite du projet. Sans compter, souligne Olivier Desplats, « la rentabilité actuelle et future de l’officine ». Et d’exposer « un titulaire de 65 ans qui vend aujourd’hui et qui a fini de rembourser ses emprunts s’accorde sans doute le luxe d’un certain confort de travail. Ainsi, il a un ratio de frais de personnel supérieur à la moyenne ; de même il est moins regardant sur ses frais généraux ». D’où la nécessité de reconsidérer les chiffres fournis afin de déterminer la rentabilité future de l’officine.

Cette analyse est incontournable, insiste l’expert-comptable, « car la raison d’être de l’investissement dans un outil de travail, c’est sa rentabilité. Elle doit en premier lieu permettre de rémunérer décemment le pharmacien titulaire ». Sans oublier que le pharmacien, pour maintenir la valeur de son fonds, se devra d’y investir régulièrement, notamment dans le numérique et la digitalisation. Mais encore faudra-t-il qu’il dispose de suffisamment de réserves pour l’outiller.

M. B

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3384