Ces nouvelles missions, qui répondent à la volonté des pharmaciens de valoriser leurs compétences et d'avoir un rôle de professionnel de santé allant au-delà de la simple délivrance des médicaments, sont aussi la conséquence d'un contexte particulier.
Un nouveau paradigme
En effet, la France est marquée par une démographie déclinante des professionnels de santé, qui provoque l'apparition de déserts médicaux, ainsi que le vieillissement de sa population, et entraîne une augmentation des maladies chroniques. Cette situation rend nécessaire la coopération entre les différentes professions de santé et parfois même le transfert de tâches, notamment du médecin au pharmacien. Cette interprofessionnalité et ces nouvelles responsabilités sont facilitées par les progrès technologiques, qui jouent une part prépondérante dans l'accomplissement de ces nouvelles missions.
Le virage du droit de substitution
Les premiers soubresauts de cette nouvelle politique remontent à la loi de financement de la Sécurité sociale pour 1999 (loi nº 98-1194 du 23 décembre 1998), qui a accordé aux pharmaciens le droit de substitution. Désormais autorisé à délivrer au patient un médicament générique à la place d'un médicament princeps à partir d'une ordonnance médicale, le pharmacien est définitivement sorti du rôle de simple « pousseur de boîte ». Ce changement fut officialisé en 2004, via le Code de la santé publique, qui inscrit dans la loi ce nouveau statut du pharmacien, notamment au sein de l'article R4235-48, qui met en avant les compétences du pharmacien (analyse pharmaceutique, préparation des doses, conseil du bon usage du médicament…). La même année, un rapport du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), proposait de « développer et financer des expérimentations favorisant les liens ville-hôpital » en améliorant la coopération entre les acteurs de santé. Parmi eux, les pharmaciens d'officine.
Les lois HPST et les premières missions facultatives
La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, ou loi HPST (hôpital, patients, santé et territoires) ouvre encore davantage le métier de pharmacien à de nouvelles missions facultatives futures, définies dans l'article 36. Prévention, dépistage, entretiens pharmaceutiques, suivi du patient, téléconsultation, vaccination… des premières esquisses qui se concrétiseront dans les années suivantes.
Ainsi, l'avenant 1 de la convention pharmaceutique du 4 avril 2012, validé au « Journal officiel » le 4 mai suivant, stipule les premières règles des entretiens pharmaceutiques. Ces derniers, qui consistent en l'accompagnement des patients chroniques tout au long de leur traitement, débuteront en juin 2013, pour les malades traités par AVK (médicaments anticoagulants antivitamine K). Suivis, le 2 décembre 2014, par les entretiens pharmaceutiques pour les patients asthmatiques et avec l'avenant 21 de la convention 2020, les entretiens anticancéreux oraux. Les bilans partagés de médication (BPM), qui permettent de limiter les risques iatrogènes auprès des seniors souffrant de plusieurs pathologies chroniques, furent eux organisés par l'avenant 12 à la convention nationale du 4 mai 2012 et débutèrent en janvier 2018.
Ces deux missions ont encore du mal à rencontrer le succès auprès des pharmaciens (seulement 15 % en ont réalisé au moins un, selon un rapport du GERS en 2022), notamment à cause de leur aspect chronophage. À l’inverse, les dépistages comme les tests rapides d'orientation diagnostic (TROD), qui peuvent être accomplis depuis le 1er août 2016, rencontrent un franc succès.
Convention 2017, quand l'honoraire prend le pas sur la marge
2017 fut une année phare dans le développement des nouvelles missions du pharmacien. La convention 2017, en effet, comprend la création de nouveaux honoraires (comme pour la dispensation de médicaments spécifiques ou pour les seniors et les moins de 3 ans) et la revalorisation de ceux existants, comme pour les entretiens pharmaceutiques.
But affiché à l'époque, réduire l'impact des baisses de prix et des volumes des médicaments sur la rémunération de l’officine et renforcer le lien entre cette dernière et les nouvelles missions. Parmi elles, la vaccination. Aujourd'hui pilier de l'exercice officinal, son application par les pharmaciens d’officine fut autorisée le 1er mars 2019, et ses modalités précisées dans le décret n° 2019-357 du 23 avril 2019. Autrefois limités à la grippe, les pharmaciens peuvent, depuis le 7 novembre 2022, administrer 14 vaccins supplémentaires aux 16 ans et plus.
Convention 2022, encore plus loin
Cette nouvelle mesure était issue de la convention nationale de 2022 (JORF n° 0085 du 10/04/2022). Tirant les leçons du succès de la vaccination Covid en officine, cette convention, en plus de généraliser la vaccination à d'autres pathologies, ouvre la voie à la participation au dépistage du cancer colorectal (distribution de kits de dépistage), au suivi de la femme enceinte, au renouvellement des ordonnances, à la dispensation de certains médicaments hospitaliers et de la pilule du lendemain, ainsi que du préservatif pour les moins de 26 ans. Elle comprend en plus un volet inédit sur la responsabilité sociale et environnementale du pharmacien, un sujet dont s'est saisie la profession.
Comment s'adapter ?
Si ces nouvelles missions sont bienvenues, elles entraînent un changement radical du modèle économique et des conditions de travail. La pharmacie de demain sera polyvalente et connectée dans le cadre d'un parcours de soins fondé sur une approche plus globale du patient. Il faudra que la profession aide les pharmaciens qui auront plus de mal à s'adapter à ces évolutions, mais aussi soutenir ceux qui seront moteur de ce changement.
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