La sensibilité d'un médicament aux variations de température dépend avant tout de la nature de son (ou ses) principe(s) actif(s), de ses excipients et de son conditionnement. Si la température dépasse les limites supérieures de conservation, les effets délétères sont cumulatifs, les processus de dégradation les plus fréquents étant l'hydrolyse et l'oxydation. Cette dégradation entraîne le plus souvent une baisse de la teneur en principe actif, une perte d'efficacité, voire une toxicité. Or, en période de vaccination contre la grippe par exemple, la porte d'une enceinte réfrigérée peut être ouverte plus de 200 fois par jour !
À l’opposé, en cas de dépassement vers les basses températures, les conséquences liées au risque de congélation (faute notamment de protection anti-congélation dans le fond de l'appareil) sont : une altération de la forme galénique, une déstabilisation des mélanges, une dégradation irréversible des produits de nature protéique (la majorité des produits innovants), l'éclatement des ampoules. Une seule congélation suffit à dégrader la totalité du produit et à le rendre inefficace, ce qui peut être plus dangereux qu'une température trop élevée.
Les produits thermosensibles
Au total, environ 10 % des médicaments doivent être maintenus dans une fourchette de température comprise entre 2 °C et 8 °C. Et la liste ne cesse de s'allonger : vaccins, anticancéreux injectables, interférons, anti-TNF alpha, facteur de coagulation, hormones de croissance, érythropoïétines (EPO), inhibiteurs d'interleukines, désensibilisants utilisés en allergologie, collyres, certains probiotiques et gélules végétales, la plupart des médicaments pour maladies orphelines, spécialités vétérinaires…
La liste des produits de santé thermosensibles (PST) sous leur nom de marque, régulièrement mise à jour, doit être affichée à proximité de l'enceinte thermostatique et du lieu de déballage des commandes.
Les exigences réglementaires
Pour une chaîne du froid zéro défaut, on peut se référer au Guide des bonnes pratiques de la chaîne des médicaments publié par la SFSTP (Société française des sciences et techniques pharmaceutiques) et l'AFF (Association française du froid) et aux Recommandations de gestion des produits de santé soumis à la chaîne du froid entre + 2 °C et + 8 °C à l'officine du Conseil national de l'Ordre des Pharmaciens.
Première étape, la réception à l'officine des PST qui doivent impérativement être livrés dans des caissons isothermes répondant à la norme Afnor NF99-700. L'équipe officinale doit traiter en priorité ces commandes et, pour un contrôle rigoureux, mesurer, à l'aide d'un pistolet à visée laser, la température (entre 2 °C et 8 °C) à l'intérieur de l'emballage. Si ce n'est pas le cas, le pharmacien est en droit de refuser la livraison ou d'émettre des réserves.
Ensuite, opération rangement dans l'enceinte thermostatique, en limitant le nombre et la durée des ouvertures de la porte. Pour un stockage dans des conditions optimales, choisir une armoire réfrigérée professionnelle qualifiée par un laboratoire certifié par le COFRAC (ou équivalent européen). Cette qualification, idéalement réalisée à l'officine, consiste à mesurer la température sur 24 heures dans 9 points (4 en haut, 4 en bas, 1 au milieu). Des capteurs de température seront ensuite placés aux points critiques pour l'enregistrement et le système d'alarme du suivi de la température. Cette cartographie doit être effectuée sur l'enceinte neuve et renouvelée tous les ans ou après chaque intervention.
Préférer une enceinte réfrigérée à froid ventilé car le brassage de l'air permet une meilleure homogénéité de la température intérieure et évite condensation et gel dans les parties profondes. Le dégivrage permanent et automatique s'imposent, toujours dans le but d'éviter des fluctuations de température ou une rupture de la chaîne du froid. Fini les thermostats mécaniques et le réglage du niveau de froid par molette. Seules les armoires ventilées à régulation électronique sont conformes aux recommandations.
Attention au volume de stockage, il doit être suffisant pour pouvoir ranger des quantités importantes de produits saisonniers (ex. vaccins grippaux) et assurer une bonne circulation de l'air. Une porte vitrée permet d'identifier les produits avant ouverture et un système de rappel automatique, d'éviter une mauvaise fermeture.
L'indispensable traçabilité
L'Ordre recommande un enregistrement en continu de la température (même pendant la fermeture de l'officine) et un système d'alarme activé en cas d'écart significatif de température ou d'ouverture prolongée de la porte. Des relevés réguliers, au moins une fois par jour dans les points le plus chaud et le plus froid de l'armoire réfrigérée, et dûment archivés, sont indispensables pour apporter la preuve juridique d'une conservation optimale des PST.
Aujourd'hui, des systèmes automatiques de relevés de température, avec transmission automatique des données par radiofréquence au système informatique de l'officine, facilitent la tâche. En cas de hausse de la température à l'intérieur de l'enceinte, un système d'alarme intégré par e-mail peut avertir le pharmacien via son smartphone. Celui-ci peut ainsi réagir immédiatement, y compris le week-end. En cas de coupure de courant, l'alerte est également donnée via un modem branché sur la ligne de l'armoire réfrigérée.
Des armoires plus volumineuses
L'offre est large, adaptée à tous les besoins, mais les demandes concernent des armoires de plus en plus volumineuses. Chaque fabricant a ses particularités et ses atouts : Medifroid, Eberhardt Frères, Froilabo, Liebherr (distribué par AJPL Pharma), Gram commercial… La gamme Bioline, fabriquée au Danemark et distribuée depuis 5 ans par Rubex, ne représente que 10 % de l'activité de Gram commercial, ses autres clients étant l'industrie pharmaceutique, les instituts de recherche et diverses industries aux exigences élevées.
Mais c'est le gage d'une technologie avancée. « Un système de diffusion d'air canalisé et un évaporateur tubes/ailettes (qui diffusent le froid à l'intérieur de l'armoire) garantissent une stabilité et une homogénéité de la température, avec une marge de sécurité appréciable », explique Jean-Marie Delafuys, directeur commercial de Gram France. « Pour garantir une bonne qualité des traçeurs, de l'enregistrement, du stockage des données (par e-cloud) et d'alerte à distance par SMS ou téléphone portable, nous avons adapté aux pharmacies d'officine un procédé allemand, Testo Saveris », précise François-Xavier Crozet, directeur de Rubex. Mais ce matériel haut de gamme et fiable a évidemment un coût…
Informer les patients
Le respect des bonnes règles de réception et de stockage des produits thermosensibles ne dispense pas d'informer les patients sur les conséquences d'une rupture de la chaîne du froid. Ni de leur donner des recommandations pour les transporter et les conserver, même si le produit est remis dans une pochette isotherme. Les pochettes isothermes peuvent en effet donner une fausse idée de sécurité et laisser penser qu'on peut tranquillement faire des courses avant de rentrer chez soi… Remettre systématiquement aux patients une fiche de recommandations est une bonne pratique.
- Pendant le trajet de retour au domicile (le plus court possible), ne pas mettre la pochette sur la plage arrière de la voiture ni dans le coffre et, de manière générale, ne pas l'exposer au soleil et à la chaleur.
- Placer rapidement les produits dans un réfrigérateur, sur l'étagère du milieu et non pas dans la porte, le bac à légumes et moins encore dans le compartiment à glaçons ou le congélateur.
- Éviter de les mettre en contact avec les parois du réfrigérateur et les aliments qui s'y trouvent.
- S'assurer que la température du réfrigérateur à cet endroit est bien comprise entre + 2 °C et + 8 °C.
En cas de rupture…
Quelques exemples d'effets délétères dus à la détérioration des produits de santé : l'insuline dénaturée entraîne un déséquilibre glycémique ; un vaccin réchauffé devient inefficace ; la durée d'un antipsychotique à libération prolongée est écourtée ; des dérivés toxiques peuvent apparaître dans la tétracycline ; une diminution de l'efficacité de certains antibiotiques peut entraîner une augmentation des résistances...
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