La tendance au naturel, ennemie de l’environnement ?
Ça pourrait être l’étrange paradoxe auquel de nombreuses pharmacies peuvent être confrontées. La tendance au naturel, produits bios, aromathérapie, phytothérapie et bien d’autres propositions basées sur des conceptions les plus proches possible de la nature envahissent en effet les officines. Des plus petites aux plus grandes, peu échappent à ce mouvement de fond qui nécessite de le mettre en scène. Mais montrer des produits naturels ne signifie pas forcément que la pharmacie respecte pour elle-même, ses équipes et ses clients les règles liées au bon respect de l’environnement. Ça pourrait même être l’inverse dans les cas extrêmes, cas pour lesquels la variable économique va vraiment faire la différence. « Les officines sont dans un modèle économique tendu et le risque serait en effet de créer un coin nature avec des matériaux non écologiques pour des questions de coût », explique ainsi Franck Nicolle-Conan, directeur régional de TH Kohl. On peut même pousser le raisonnement très loin : « placer un arbre dans une officine, au fond, n’est pas du tout écologique, car ce n’est tout simplement pas son environnement naturel », évoque Patrick Laurency, directeur régional de Boursin Agencement. L’objectif serait alors pour les acteurs de l’agencement et leurs clients de trouver la cohérence entre l’indispensable mise en scène des produits naturels et la toute aussi indispensable, mais moins commerciale, mutation de l’officine vers une plus grande responsabilité écologique. En somme, être capable de relier l’être et le paraître.
Nouvelles normes de construction
Un premier garde-fou existe déjà, en tout cas pour les pharmacies qui investissent un nouveau bâtiment ou étendent celui dans lequel elles se trouvent déjà, ce sont les nouvelles normes de construction. « Ces normes nous conduisent à repenser les pharmacies pour les rendre plus écologiques, faire en sorte qu’elles consomment moins d’énergie, avec un travail sur l’isolation, le chauffage, penser à de nombreux aspects comme l’orientation de l’officine ,etc.», affirme David Van Acker, directeur général de Mobil M.
Un autre garde-fou est également lié à la réglementation, cette fois lié au recyclage des matériaux utilisés. Obligation est faite aux agenceurs de recycler ou à défaut, s’il n’existe pas de process de recyclage, de les détruire, de façon à ne rien jeter, ni laisser circuler dans la nature… Ainsi encadrés, les agenceurs vont tenter d’apporter aux pharmaciens la cohérence entre l’être et le paraître. Dans le premier cas, ils vont réfléchir aux meilleures façons de gérer l’énergie de la pharmacie. Pour David Van Acker, c’est plus facile quand tout est à créer, un nouveau bâtiment sera plus aisément économe en matière d’énergie qu’un bâtiment ancien, où l’investissement à réaliser risque d’être lourd, et pas toujours facile à rentabiliser. De ce point de vue, certains choix peuvent s’avérer payants, comme l’installation de panneaux solaires, qui « s’inscrivent dans une équation économique équilibrée », selon le patron de Mobil M.
L’isolation est plus facile à réaliser, conformément aux nouvelles normes de construction et du point de vue de la consommation d’énergie. Pour toutes les officines, un paramètre facilite la gestion de la consommation d’énergie, la généralisation des leds apporte un véritable bénéfice car moins consommatrices et d’une durée de vie plus longue que les néons, autrefois beaucoup utilisés en officine. Les leds, outre leur faible consommation électrique, agissent encore dessus de façon indirecte grâce aux faibles calories émises et de ce fait, limite l’usage de la climatisation. Ce dernier sujet est traité le plus possible en amont grâce notamment à une bonne orientation des portes et des ouvertures, mais aussi à une réflexion sur la hauteur des plafonds de façon à permettre un chauffage « à hauteur d’homme », comme le qualifie Patrick Laurency.
Pour ou contre la lumière naturelle ?
Cela ne dispense cependant pas les agenceurs et leurs clients pharmaciens de penser à réduire encore la consommation tout en valorisant l’éclairage des officines, essentiel à la visibilité des produits et à la bonne circulation des clients et des patients. Et c’est faisable, en utilisant autant que possible la lumière naturelle. « On ne remplacera jamais la lumière naturelle, même si aujourd’hui des sources lumineuses artificielles s’en approchent, commente Patrick Laurency. Utiliser par exemple la lumière zénithale ou par des biais athermiques. » Atout écologique évident, la lumière naturelle se heurte souvent à la réalité économique. « Oui, il est préférable de la préserver au maximum dans la mesure du possible, explique Cristelle Lecomte, chargée d’affaires pharmacies de HMY. Force est cependant de constater que la priorité reste la capacité à gagner du mètre linéaire d’exposition, les vitrines sont donc généralement exploitées par du mobilier ou du covering. »
Th Kohl propose une forme de compromis avec des gammes de mobiliers sans fond, qui laissent voir les murs quand ils sont accolés à ces derniers, et qui laissent filtrer la lumière naturelle quand ils sont installés en vitrine. Les mobiliers, et d’une manière plus générale les différents matériaux utilisés dans la pharmacie, vont permettre, si leurs titulaires le veulent, de créer cette cohérence souhaitable entre la réalité d’un engagement environnemental et l’apparence voulue pour l’exposition des produits liés à la nature. Certes, les obligations liées au recyclage des différents matériaux utilisés est un cadre qui permet aux agenceurs de savoir quoi utiliser et quoi faire. S’il est vrai qu’il est assez facile d’utiliser le bois pour donner un effet naturel, « le bois, ça se voit, ça s’entend, ça se sent », rappelle Patrick Laurency, son coût peut parfois freiner, d’où la tentation d’utiliser des mélaminés ou des stratifiés moins écologiques. « On peut en réduire l’utilisation, mais on ne peut pas totalement les éliminer, aussi parce qu’on peut les personnaliser plus facilement », explique Franck Nicolle-Conan. Différents compromis peuvent être proposés, comme l’utilisation conjointe du bois et du métal, ainsi que le propose Mobil M. Le métal, l’acier notamment, est aussi un point fort avancé par HMY, qui par la voix de Cristelle Lecomte, est un matériau « recyclable à l’infini ». Idem pour le verre. Il reste à convaincre de l’aspect écologique du métal, qui rappelle avant tout l’univers de la grande distribution. Tout dépend sans doute de la façon dont il est travaillé et l’élégance qui lui est conférée. Quant aux plantes vertes et autres murs végétaux, il est bon de rappeler que leur présence n’en rend pas plus écologique le mobilier utilisé.
Conserver les structures
Autre façon de faire, proposée par HMY, utiliser des meubles « de seconde main ». « De nombreuses associations recyclent des meubles pour leur donner une seconde vie », explique Cristelle Lecomte. Ou encore, utiliser dans les supports de communication des matériaux recyclés, comme le « reboard », « un carton recyclé pouvant revêtir tous types d’effets », ajoute-t-elle. En gros, le message des agenceurs est de dire, si on veut, on peut.
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