LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Avant même de se lancer dans la création d’un nouveau rayon ou d’une nouvelle offre différenciante, quelles sont les principales questions à se poser ?
Les premières questions à se poser sont : « y a-t-il des concurrents qui proposent déjà l’offre dans laquelle je m’engage ? Le font-ils bien ou mal ? » La priorité est donc de regarder autour de soi ce qui se passe. En effet, chercher à se différencier en considérant que l’on est seul dans un bocal n’aurait pas de sens. Car tout dépend de la réponse et de l’offre qui peut exister dans l’environnement direct de l’officine.
Mais attention, il ne s’agit pas de faire du nouveau pour faire du nouveau. La deuxième question à se poser revient ainsi à se demander : « la nouvelle offre que je me propose de développer est-elle vraiment susceptible d’intéresser voire de séduire mes clients ? » Pour le savoir, le meilleur moyen est de leur poser carrément la question. Quand ces deux prérequis sont réunis, une différenciation effective de la concurrence et une véritable envie de la part de ma clientèle, alors je pourrai dimensionner mon offre et valider mes choix en pensant à mon équipe. Car c’est le propre de l’officine, si l’on entreprend quelque chose, il faut le faire avec son équipe, en l’informant, en la formant et en l’impliquant dans la démarche.
Quelles sont les erreurs les plus fréquentes commises par les titulaires désireux de développer une nouvelle offre ?
La première erreur, c’est de succomber aux phénomènes de mode. On en parle, donc j’y vais, ce n’est pas la bonne démarche. On peut avoir la chance que ça fonctionne, mais on a plus de chance que ça échoue. La deuxième erreur, c’est d’écouter tout ce qu’on dit sans prendre le recul nécessaire pour réaliser une véritable analyse. Je dis souvent que pour un nouveau rayon, il faut d’abord appliquer la stratégie du pire et se demander : « si ça ne marche pas, que restera-t-il de ma tentative ? » Plutôt que de partir gagnant à tous coups. Il faut correctement évaluer à la fois la demande consommateur mais aussi les aspects matériels. Car le nouveau rayon prend souvent la place d’un ancien. Il faut notamment se poser la question : « de quoi est constituée ma marge à l’intérieur de l’officine ? » On doit d’ailleurs déplorer la rareté des tableaux de bords commerciaux par rapport aux tableaux de bord comptables… Ce qui est vraiment intéressant c’est d’analyser l’officine en entonnoir, du général au particulier, ce qui permet d’identifier les gisements de productivité et ceux qui sont de rentabilité moyenne. On peut ainsi repérer les sites potentiels d’implantation d’un nouveau rayon. Peu de pharmaciens savent, par exemple, que le chiffre d’affaires du rayon bébé ne représente en moyenne que 3 % du CA total de l’officine.
Doit-on forcément faire appel à des agenceurs et à des professionnels du merchandising pour mettre en place un nouveau rayon ?
Ce n’est pas moi qui dirais le contraire ! Le conseil de spécialistes est toujours intéressant. Mais je mettrais un bémol à cette affirmation. Car le premier conseilleur, c’est le titulaire bien sûr, mais aussi, son équipe. Si l’on s’appuie sur un agenceur, il faut savoir que ce dernier a avant tout ses propres repères, il n’a pas forcément un œil tout à fait impartial dans les choix qu’il propose. Il ne peut connaître parfaitement la zone de chalandise où se situe la pharmacie. Par exemple, la typographie de la signalétique mise en place par certains agenceurs est quelque fois plus esthétique que lisible par les clients… Le recours à l’agenceur reste bien sûr précieux, mais il doit se faire, selon moi, plutôt au bout de la démarche d’installation du nouveau rayon.
Chronologiquement, je conseillerais d’abord de s’interroger avec son équipe sur les choix opérés, mais surtout de rédiger un cahier des charges très précis. Puis, seulement après, faire valider ses choix auprès d’un conseiller en merchandising. Le rôle de ce conseiller étant de mettre en garde, ou de valoriser les options envisagées. Une fois ce travail accompli, alors seulement on ira voir l’agenceur avec en mains toutes les données techniques et les prérequis indispensables à la bonne mise en place du nouveau rayon.
L’aide des confrères ne peut-elle également être précieuse ?
Bien sûr, la confraternité des officinaux joue même là l’un de ses meilleurs rôles. L’exemple de la réussite ou de l’échec est toujours intéressant à analyser. C’est d’ailleurs l’un des aspects que nous avons souhaité mettre en valeur dans la nouvelle série d’articles inaugurée la semaine dernière dans les colonnes du « Quotidien ». Expliquer par l’exemple pourquoi et comment une initiative individuelle a fonctionné et peut à ce titre, faire école.
Y a-t-il selon vous des offres actuellement plus porteuses que d’autres ? Lesquelles ?
Je suis un fervent promoteur du conseil officinal au sens large. La pharmacie a cette chance extraordinaire, à savoir que tout ce que le pharmacien dit ou fait est assorti d’une caution de sérieux et de professionnalisme incontestable. Cet avantage doit être exploité dans l’officine. Toutes les offres qui pourront s’adapter à la pharmacie en s’appuyant sur le sérieux et la crédibilité de l’acte pharmaceutique, sont promesses de développement.
Quel suivi doit-on mettre en place pour s’assurer du succès d’un nouveau rayon ?
Lorsqu’on essaye quelque chose, si ça ne marche pas, il faut s’arrêter. Premier principe. Maintenant, restons pragmatique : quand on s’investit dans un nouveau rayon, on poursuit deux objectifs. Le premier consiste à développer son chiffre d’affaires, l’autre étant la satisfaction de sa clientèle. Ce qui justifie que même avec une rentabilité modeste, un rayon peut être conservé parce que la plus-value en terme d’image associée à cette offre est bénéfique à l’officine.
Côté suivi, il faut réaliser, je l’ai dit, des tableaux de bords commerciaux pour évaluer le rapport de tels rayons, et peser le bénéfice obtenu à l’aune de l’investissement en temps et en effort fourni. Et puis bien sûr, j’insiste là-dessus, il faut interroger sans relâche le consommateur - sans toutefois le lasser - sur ce qu’il apprécie ou non dans votre démarche. Avec cet objectif, le mini-questionnaire reste le meilleur outil d’exploration de l’opinion.
Article précédent
Une option pas si bête
Article suivant
Home sweet home!
Un segment à regarder de près
Un choix pas seulement alimentaire
Un nouveau rayon, ça ne s’improvise pas
Médicaments : vos clients en connaissent un rayon
« Cher client, m’entendez-vous ? »
La crème que les autres n’ont pas
Une option pas si bête
« Les clés de la réussite et les erreurs à éviter »
Home sweet home!
Près de 40 % du chiffre d’affaires
Médicaments chers : poids lourds de l’activité officinale
Les concentrations continuent
Hygie 31, Giropharm : grandes manœuvres au sein des groupements
Valorisation et transactions en 2023
La pharmacie, le commerce le plus dynamique de France
Gestion de l’officine
Télédéclarez votre chiffre d’affaires avant le 30 juin