Les hasards du calendrier font parfois bien les choses. Quand l’avenant du 27 juin 2013 est venu préciser les modalités des entretiens pharmaceutiques prévus par la Convention Nationale Pharmaceutique signée l’année précédente entre les syndicats et l’assurance maladie, le cloud commençait à frapper du doigt à la porte du monde de l’officine. Les pharmaciens avaient certes une certaine habitude de gérer l’historique des patients grâce à leur LGO, et aussi grâce au DP, mais il fallait des outils dédiés aux entretiens conventionnels.
Et, partant de là, une façon à la fois plus sécurisée et plus libre de suivre la santé des patients de manière plus globale, tout en tenant compte de l’effervescence qui agite le marché de la e santé depuis lors, les objets de santé connectés notamment.
Le cloud est venu à point nommé pour répondre à ce mouvement de fond ouvert par ladite Convention. Il a apporté plus de sécurité car les données sont hébergées et cryptées dans des sites agréés par le Ministère de la Santé.
Et plus de liberté d’aller vers les échanges de données puisqu’il n’y a pas de risques de les voir captées de façon indésirable. « Si l’on souhaite archiver et transmettre de l’information, il faut du cloud », souligne Priscille Godde, directrice marketing d’Arrow Génériques. Le cloud offre par ailleurs d’autres avantages, comme le fait de faciliter la mise à jour régulière des applications.
Retard à l’allumage ?
L’offre s’est depuis étoffée, entre les acteurs historiques du logiciel de gestion officinale, les laboratoires pharmaceutiques et de nouveaux prestataires qui proposent logiciels et/ou applications mobiles hébergées en cloud pour aider patients et professionnels de santé à aller vers une prévention plus profonde de la santé.
Mais malgré les entretiens pharmaceutiques conventionnels, les pharmaciens semblent pour l’instant encore en dehors du mouvement. Pour François Lescure, président de Sympad, une société spécialisée dans le suivi patient et la télémédecine, c’est une évidence. « Les pharmaciens n’ont pas encore compris l’enjeu, ils sont perturbés par les pertes de marges qu’ils subissent et les autorités publiques ne les ont pas aidés : ils sont un peu découragés de devoir assurer le suivi des patients gratuitement », explique-t-il.
D’autres acteurs, tout en constatant également ce « retard à l’allumage », ont un avis différent sur ses causes. « Les pharmaciens sont conscients de l’enjeu du digital, mais le problème est de savoir comment y aller, comment assurer sa transformation », explique ainsi Priscille Godde. « Ce n’est du reste pas un constat qui concerne les seuls pharmaciens, l’industrie pharmaceutique dans sa globalité n’a pas encore assuré sa transformation digitale au contraire d’autres secteurs. Il existe certes de nombreuses initiatives, mais pas d’ambition collective. »
Elle évoque comme cause possible le décalage entre l’avancement de la technologie et celui de la réglementation française. « D’autres pays, comme le Canada, ont une législation plus souple tout en encadrant la santé. » Autre explication, une certaine appréhension technologique de la part des pharmaciens, non pas liée à l’usage des applications elles-mêmes, mais plutôt à l’environnement informatique.
Le laboratoire ne les laisse pas seuls et leur envoie des « commandos » de jeunes pharmaciens ou étudiants en fin de cycle, rompus aux nouvelles technologies et formés aux objectifs des pharmaciens, à la façon de résoudre les difficultés qu’ils rencontrent. Et cela gratuitement.
À la croisée des chemins
D’autres acteurs relativisent cependant le retard présumé des pharmaciens, à l’instar de Stanislas Dunoyer, directeur marketing produit de Smart Rx. « Le premier dossier qui concernait les AVK a été particulier, car il y avait déjà un suivi par les généralistes et on a intégré les pharmaciens dans la boucle. Ils ont trouvé leur place puisque selon la CNAM, il y a eu 171 000 adhésions aux entretiens conventionnels sur un million de patients. Cela représente 7 patients par officine, sachant que certaines n’en font pas du tout, cela représente plutôt un bon ratio. C’est quand même en train de se mettre en place », précise-t-il.
Disposant d’outils pour gérer ces entretiens conventionnels, les pharmaciens peuvent aller plus loin dans le suivi des patients… Ou non. C’est comme s’ils étaient à la croisée des chemins puisqu’existent par ailleurs des applications non cloud pour les aider dans la planification et le déroulement de ces entretiens. Et s’arrêter là, suivant simplement ce que la Convention ouvrira comme nouveaux champs d’intervention, après les AVK et l’asthme.
Une phase d’attentisme, peut-être, d’autant plus compréhensible que le marché propose des solutions très différentes les unes des autres valorisant des atouts très divers parmi lesquelles il peut être difficile de choisir. Un attentisme que les prestataires regrettent craignant soit que le pharmacien ne se voit imposer des solutions « de l’extérieur », il en existe déjà, soit qu’il en soit carrément exclu.
Le marché ne l’attend pas. Ainsi la jeune société Umanlife a-t-elle lancé un site pour permettre à tout un chacun de suivre sa santé. Il suffit d’enregistrer quelques données de base, âge, sexe, poids, nom, prénom, adresse mail, pour s’inscrire et bénéficier d’un carnet de santé personnalisé…Aucun rôle spécifique n’est dévolu aux pharmaciens. Ils n’en sont certes pas exclus, mais c’est le patient qui décidera ou non de partager ses données, ce qui de toute façon in fine se passe ainsi, mais en l’occurrence il aura choisi le moment, le support et le logiciel.
D’où la volonté des prestataires spécialistes de la pharmacie de se mobiliser pour que les officines soient motrices dans la relation liée au suivi des patients. Et ne pas laisser ces derniers seuls face aux plates-formes qui leur sont et seront disponibles. Arrow Génériques par exemple, dispose de deux applications, l’une dédiée aux pharmaciens, l’autre aux patients. Le laboratoire s’occupe d’abord du déploiement auprès des premiers, ce qu’il est en train de faire, avant de se lancer dans des opérations de communication vis-à-vis des seconds.
Échanges de données avec les professionnels de santé
Le premier angle sous lequel il est possible de s’équiper est de partir de son LGO. C’est le positionnement des leaders du logiciel, tels Pharmagest, pour qui l’intérêt est justement « de centraliser l’ensemble des informations disponibles relatives au patient, de l’historique de la délivrance aux entretiens conventionnels jusqu’à la gestion des pathologies chroniques », selon Jérôme Lapray, responsable marketing de l’éditeur. « Le pharmacien peut s’organiser, accéder à un agenda, suivre des constantes et déterminer l’évolution de l’observance des patients. L’intégration au logiciel métier des pharmaciens est essentielle pour simplifier et garantir l’usage de telles solutions cloud patients. »
Pour Stanislas Dunoyer, l’avantage de disposer d’une solution intégrée au LGO, en l’occurrence Mon Suivi Patient pour Smart Rx, est aussi d’établir aisément le lien au comptoir et de nouer cette relation de suivi avec le patient. Ces systèmes permettent donc de stocker ces données et donnent aux pharmaciens la possibilité de les interpréter, voire de les échanger.
Se pose en effet la question de la transmission de ces données avec les autres professionnels de santé. Mon Suivi Patient permet aux pharmaciens d’utiliser la messagerie sécurisée MS Santé de l’ASIP Santé, qui organise les échanges entre les différents corps de métier de la santé, médecins, infirmiers, kinés, sages femmes, dentistes etc…
Il leur est également possible d’utiliser la solution MSP du groupe Cégédim, auquel appartient Smart Rx, une solution dédiée aux maisons pluridisciplinaires : ils peuvent avoir accès au dossier médical du patient et échanger avec les autres professionnels dans le cadre de ces maisons de santé. Pour François Lescure, en dépit de ces différentes dispositions, nous sommes cependant loin d’une véritable disponibilité des données de santé qui les rendrait visibles à tous les personnels soignants.
La question des échanges de données se pose aussi vis-à-vis du patient. « Les patients souhaitent de plus en plus accéder à leurs données, ce sera chose faite en 2017 », promet Jérôme Lapray, pour qui il est important de s’adapter à la transformation de la relation entre des patients mieux informés et plus exigeants et les professionnels de santé.
Objets connectés
On peut aussi privilégier un aspect important de l’enrichissement des données de santé, celui qui ne va pas manquer d’arriver par le biais des objets connectés. Un aspect délicat néanmoins, la mode actuelle vis-à-vis de ces objets reste beaucoup du domaine du « wellness » et ne permet pas de savoir quels sont les modèles et les marques susceptibles de représenter un intérêt pour le suivi patient par les professionnels de santé.
Ce qui rend la tache des prestataires difficile dans la mesure où il ne leur est pas aisé à ce stade de référencer ou préconiser telle ou telle marque. « Ce marché échappe aujourd’hui à la pharmacie », souligne Jérôme Lapray. Mais impossible non plus de passer à côté, car des données stockées par ces objets peuvent se dégager des constantes que seules les professionnels de santé sont à même d’interpréter.
« Le rôle du pharmacien doit aller bien au-delà de la commercialisation des objets. C’est le service proposé par le pharmacien, analyse des constantes dans le cadre du suivi du patient par exemple, qui donnera du sens aux objets connectés », ajoute le responsable marketing de Pharmagest. Faut-il encore qu’il y ait des plates-formes et des outils pour aider les professionnels de santé à les interpréter.
Le laboratoire Arrow l’a bien compris et a positionné sa double application « aBox Note » avec la particularité d’être interopérable avec de nombreuses marques d’objets connectés. « Beaucoup de thèmes de santé peuvent être abordés par ce biais », souligne Priscille Godde. De son côté, Sympad a développé sa plate-forme web de telle sorte que les objets de santé connectés, comme des balances, tensiomètres ou glucomètres, puissent servir au suivi des pathologies assuré par le pharmacien et/ou par le patient lui-même.
La société a référencé une marque dont les produits sont « robustes pour rester dans une logique purement médicale et ne pas être comparé aux objets connectés de bien être que l’on trouve dans de grandes enseignes. » Elle a envisagé un temps créer un site de vente d’objets connectés, mais elle a abandonné ce projet, à chacun son métier affirme en substance François Lescure, pour qui l’essentiel est de proposer différents scénarios, qui permettent dans tous les cas de rester dans une éthique médicale. Le cas échéant, le patient et/ou le pharmacien peut décider de consulter un médecin via la plate-forme de téléconseil médical que possède la société.
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